L’été le moins chaud du reste de notre vie

Sur la table de la cuisine, il y a une enveloppe de vote, typiquement suisse. Dans cet enveloppe, parmi la myriade d’objets sur lesquels je dois voter, il y en a un sur le climat. Étonnamment, tout le monde est pour, même les ultralibéraux. Sauf, et là c’est sans surprise, l’extrême-droite.

J’ai récemment vu passer un article qui disait qu’en Allemagne, l’extrême-droite faisait un carton en visant spécifiquement les écolos. Leur argumentation, c’est un peu « ces Khmers verts vont vous voler vos voitures et changer notre mode de vie si confortable. » L’équivalent du vieux slogan « le nucléaire ou la bougie ».

Et, si j’en juge par certaines réactions autour de moi, c’est assez bien vu comme tactique: même si beaucoup savent bien que le changement climatique est une réalité, beaucoup craignent surtout le changement de société majeur que ça va impliquer. Pour reprendre une citation vue sur l’un ou l’autre réseau social (probablement les gauchistes de Mastodon), les gens craignent moins la fin du monde que la fin de leur monde.

Je l’ai déjà dit une fois ou douze, ici et ailleurs, mais si on voulait de l’écologie soft, il aurait fallu agir il y a quarante ans. Ou il y a vingt ans pour de l’écologie modérée. Là, on en est au stade « écologie punitive » et c’est entièrement de notre faute. Et bientôt, on va passer au stade « écologie Mère Nature nous défonce la tronche ».

Le souci, c’est que nos sociétés composent très mal avec l’urgence. Fondamentalement, j’ai l’impression qu’il y a deux modes: « on ne fait rien », suivi de « panique générale ». Il n’y qu’à voir la gestion de la récente pandémie. Et ce qui nous pend au nez, ça va être un ordre de magnitude plus brutal. Ou douze.

Et je soupçonne que, dans pas longtemps, on va voir fleurir un certain nombre de régimes autoritaires en lieu et place de nos belles démocraties bien confortables. C’est déjà en route dans pas mal de pays. La seule question à se poser, c’est s’ils auront pour but de galérer l’urgence ou de la nier. Les deux n’étant d’ailleurs pas incompatibles.

Le titre de ce billet fait référence à un mème venu des Simpsons et il se justifie aussi par un été qui approche avec un cortège de menaces environnementales. Des fois, j’aimerais ne pas être aussi bien informé que je ne le suis. Alors j’ai pris l’enveloppe de vote, j’ai coché les cases que je pense être les bonnes et dimanche, j’irai l’apporter au bureau de vote.

Pendant que je le peux encore.

Photo: Cuvette d’Etosha (Namibie), prise par moi-même en 2017. Original sur Flickr, sous licence CC-BY.

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18 réflexions au sujet de “L’été le moins chaud du reste de notre vie”

  1. Très bien dit. Effectivement, maintenant, si les états prennent enfin des décisions utiles, elles vont forcément mettre à mal notre petit confort. A la maison, nous avons déjà renoncé pas mal à notre petit confort, dans la maison, 17 degrés en hiver, 27 en été, le moins de voiture possible, plus d’appareil en veille, plus de viande rouge, moins d’internet. Reste de gros progrès à faire dans les achats compulsifs…
    Ceci dit, je serai content qu’en France on puisse voter sur un sujet comme l’écologie.

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  2. je crois que ce qui me fout le plus les boules c’est que si nos “privations” et “changements d’attitudes” de tous les jours sont nécessaires, cela est une goutte d’eau par rapport à tous se qui pourrait être fait à plus grande échelle (interdiction des jets privés et autres yatchs, obligés les propriétaires d’immeubles locatifs à isoler, changer les chaudières, poser des panneaux solaires sans impacter de manière énorme les loyers des locataires, investir massivement dans le rail et les transports en commun, etc.) et qui ne se fait pas.

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    • On ne peut pas «juste» développer les transports publics. Les transports publics ne fonctionnent qu’à partir d’une certaine densité, ce qui exclut bien des zones sub-urbaines. Cette basse densité empêche plein de solutions écologiques – comme par exemple la chaleur à distance. Et même si les personnes qui y vivent se déplacent à vélo, tout le service public (poste, police, ambulances, services industriels), lui va utiliser des véhicules.

      Bref, les transports publics se conçoivent en parallèle avec l’urbanisme, on ne peut pas juste les retrofitter dans des zones qui ont été conçues pour l’utilisation exclusive en voiture, et ce ne sont pas des panneaux solaires sur le toit et des voitures électriques qui vont régler le problème, surtout vu comme les voitures gagnent en poids.

      Aucune ligne de train, soit-elle à grande vitesse, n’a jamais fermé une autoroute. Et il ne suffit pas juste d’investir, surtout en France, où la SNCF a tout misé sur le train à grande vitesse et les lubies des polytechniciens, tout en gardant la stratégie en étoile du roi Louis Phillipe, le résultat est cancre dans le domaine du fret et du transport régional (hors Paris). Et tout ça c’est fait avant la privatisation…

      https://wiesmann.codiferes.net/wordpress/archives/34841

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      • Ça n’est pas tout à fait vrai: une ligne de train à voie étroite, des cars postaux, ce sont des transports publics aussi. Avant la Première Guerre mondiale, il y avait des gares dans toutes les sous-préfectures en France.

        Alors oui, ça coûte cher de faire ce genre de réseau de transports publics et ce n’est pas forcément “rentable” dans certaines zones moins densément peuplées. Mais un service public, n’a pas à être rentable; ce n’est pas un service commercial. Il a un coût, certes, mais ce coût est à évaluer face aux alternatives et sur un assez long terme. Et, dans le cadre du changement climatique, c’est à mon avis quelque chose qui se discute.

        Au final, tout ça, ce sont des choix politiques. Les États ont des outils pour obliger des constructeurs automobiles à construire des véhicules plus légers, qui consomment moins, ou à privilégier le rail à la route.

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        • Ce n’est pas une question de ville ou de campagne, mais de densité. Les gares de train régional du début du XXᵉ siècle desservaient des villages et des bourgs denses: la majorité des habitations se trouvaient à 15 minutes à pied des commerces, de l’église, la mairie. La gare historique se trouvait dans ce rayon. Les habitations de l’époque n’ont en majorité pas de jardin ou de très petits et sont généralement sur plusieurs étages. Oui, il y avait typiquement quelques villas bourgeoises avec un grand jardin, et beaucoup de gens y vivaient.

          La majorité des habitations construites durant le demi siècle dernier se trouvent à 15 minute en voiture des centres commerciaux qui se trouvent autours du rond point à l’entrée de la localité, généralement ancré autour d’un super-marché avec une station service qu’il subventionne. Même si on reconstruit la gare, toutes ces nouvelles habitations se trouvent dans un tissus sub-urbain sans centre, avec des voies de communications conçues pour des voitures (souvent dépourvues de trottoirs), une desserte locale en bus sera très inefficace et lente, car elle devra s’arrêter souvent pour prendre peu de gens.

          Oui, il y a des expériences avec des micro-bus, parfois avec conduite automatique, mais ce sont des solutions pour les loosers (enfants, vieux, handicapés) qui n’ont pas de voiture. Par nature ils sont lents, et donc ne seront pas une solution acceptable pour les trajets réguliers (boulot, courses etc).

          Pour faire revenir le train, il faut densifier la zone autours de la gare, et rendre la zone attractive (commerces, restaurants, administrations, cabinets médicaux) et faire rayonner les transports locaux depuis là. Comme la gare se trouve généralement excentrée, ça veut probablement dire buldozer quelques villas. Il faut aussi adopter des idées estrangères comme l’horaire cadencé, l’intégration tarifaire.

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        • Et oui, ce sont des choix politiques, mais ils viennent avec un prix politique. Encourager les voitures légères veut dire défavoriser les constructeurs français (les keijidōsha existent au japon depuis 1949) et vu le style de conduite en France, c’est risqué comme véhicule. Taxer la consommation de carburant, on a vu ce que ça donne. Les trains régionaux légers, c’est plus la spécialité de Stadler que d’Alstom. Le solaire, les pompes à chaleur c’est des domaines où l’industrie française est à la traine.

          Quelque part, le fait que l’état français subventionne le diesel des pêcheurs n’a aucun sens. D’abord parce que diesel, et ensuite parce que le futur de la pêche c’est pas ça. Personnellement, je laisserais d’autres aller expliquer ça aux intéressés, et je me contenterais d’observer ça, de très loin…

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  3. La nature est cyclique. Je constate un changement dans le climat dans mon coin, de là à hurler “la fin du monde” ou tout autre catastrophisme… Je n’aime pas ce dogmatisme de celles et ceux qui crient “scandale, mensonge, le climat ne change pas !” tout comme je n’aime pas le dogmatisme du “si nous ne faisons rien (comprendre “si vous ne culpabilisez pas pour chaque geste du quotidien”), c’en est fini !”. Un entre-deux, plus posé, me semble appréciable. Surtout que, généralement, les deux extrêmes sont des champions de l’injonction mais pas de l’action.

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    • Alors non.

      D’une part, “la nature est cyclique” ne veut pas dire grand-chose. Il y a pas mal de choses qui ne sont pas cycliques (les espèces disparues ne vont pas respawner) et d’autres qui le sont à tellement long terme que ça n’a aucun impact sur nos vies, ni même à l’échelle de l’humanité.

      Et puis là, il n’est pas question de dogmatisme, mais d’une réalité concrète que les forces au pouvoir refusent d’assumer. Et comme mentionné, la phase de l’entre-deux posé, c’était il y a quarante ans, éventuellement il y a vingt ans.

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      • A quel moment ai-je rédigé “les espèces disparus” vont repoper d’un claquement de doigt ? Je n’apprécie guère que l’on transforme mes propos. “Cyclique” signifie “Qui revient à intervalles réguliers, se reproduit selon un cycle” (cf. Larousse). J’observe la nature au quotidien, pas devant mon écran de téléphone ou d’ordinateur portable. Mon blog, modeste je l’accorde, druidique en atteste. En gros, je ne me comporte pas comme un trou du cul de militant 2.0 qui ne pousse jamais la porte de son jardin par peur ou ignorance de se plonger dans un réel : la nature est belle dès lors où on lui accorde du temps et que l’on cesse d’entretenir/plonger (dans) les angoisses générées par une société malade. Je m’occupe d’espaces verts, je créé des espaces verts, je constate donc un aspect cyclique du végétal, mais aussi de l’animal et du minéral. Bien sûr qu’il y a des extinctions d’espèces, le nier serait absolument malhonnête. De là à faire chier l’individu lambda 24H/7, il n’y a qu’un pas que je ne souhaite pas franchir. L’écologie ne doit pas faire oublier l’aspect social, car là aussi il y a souffrance et souvent déni de réalité.

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        • Et donc je serais un trou du cul de militant 2.0 qui ne pousse jamais la porte de son jardin?

          Ou est-ce qu’on arrête de tenter de faire dire à l’autre ce qu’il n’a pas dit?

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          • Je te demande pardon, l’ami. Je regrette d’avoir rédigé ce second message sous le coup de la colère. Je suis lassé de l’information anxiogène/culpabilisante/infantilisante produite par les médias, des structures associatives ou politiques autour des questions liées à la nature. De loin, je préfère consacrer du temps à reconstruire des coins de verdure pour les animaux, les végétaux, les minéraux. C’est ma philosophie, sans doute pas la meilleure j’en conviens.

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            • Je me suis aussi quelque peu emporté. Le sujet me touche plus qu’il ne devrait – cinquantenaire sans enfants, plutôt privilégié par beaucoup d’aspects – et le traitement de cette crise me fatigue aussi beaucoup.

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