Un Général, des généraux

D’un côté de la mer, l’Algérie en proie à une guerre civile qui ne veut pas dire son nom. De l’autre, une France encore colonialiste et dotée d’un système politique instable au possible. On est en 1958 et c’est de ce contexte explosif que le dessinateur Boucq et le scénariste Juncker ont tiré une bande dessinée étonnamment réjouissante, intitulée Un Général, des généraux.

Les généraux, c’est ceux qui vont monter un putsch à Alger; le Général, c’est Le Général – Charles de Gaulle, donc. Et à ces personnages, il faut rajouter tous les caciques de cette Quatrième République qui, selon l’expression consacrée, est déjà morte, mais elle ne le sait pas encore.

Toute cette histoire de putsch à Alger semble portée par des considérations qui tiennent plus du quiproquo et de vieilles haines personnelles recuites sous le soleil méditerranéen que de la décision mûrement réfléchie. Cinquante ans avant les réseaux sociaux, c’est le règne de la rumeur, des malentendus, et des petites phrases comprises de la pire manière possible.

Rajoutez à ça que toutes ces figures galonnées, pour la plupart compagnons du général de Gaulle pendant la guerre, semblent nettement plus taillées pour le champ de bataille que pour la politique. Du coup, on retrouve un vieux classique français: la ganache largement au-dessus de son champ de compétence, mais qui fait semblant quand même, parce que Devoir.

Résultat: ce sont deux roquettes dans l’appartement du général Salan qui font office de trois coups dans ce vaudeville historique (sans femmes). Ce dernier, qui n’y était pas, est quelque peu contrarié et la situation ne fait que cascader de mal en pis. Quelque part, c’est un miracle que personne n’envisage l’utilisation de l’arme atomique (bon, surtout parce qu’à l’époque, la France ne l’avait pas encore).

Je ne sais pas à quel point le script de Nicolas Juncker s’appuie sur des faits et des dialogues réels et quel degré d’exagération comique il y a apporté, mais personne ne sorte réellement grandi de cette histoire. À part peut-être de Gaulle, qui était déjà très grand à la base (1 m 96 si l’on en croit Wikipédia). Le trait de François Boucq, très « caricature de presse », est pour beaucoup dans cette impression. De ce point de vue, il y a une claire adéquation entre les deux.

Et, du coup, avec Un Général, des généraux, je me suis beaucoup bidonné avec les mésaventures de cette bande de bras cassés historiques. Mention spéciale au gag récurrent du général Massu qui court dans le souterrain qui relie le siège du gouvernement et un QG militaire en jurant tout ce qu’il sait.

Avec, au milieu de toute cette agitation, de Gaulle qui, en apparence ne fait rien (on le voit manger des biscottes ou promener son chien), mais qui avance ses pions jusqu’à obtenir les pleins pouvoirs. L’album se conclut par son fameux « Je vous ai compris » à Alger, sur le même balcon tenu auparavant par les putschistes.

Ce n’est pas tous les jours que la Guerre d’Algérie donne à sourire, voire à rire franchement. Mais cette pantalonnade franco-française, recommandée par mon forum uchroniste préféré, est fort réjouissante.

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