Et si l’avenir n’était pas si noir que prévu, qu’une mobilisation citoyenne sans précédent en faveur de l’environnement façonne les cent prochaines années. Cette mobilisation, Fabien Cerutti lui a donné le nom de Terra Humanis et sert de titre à ce roman-chronique.

À l’origine de Terra Humanis, des étudiants venus des quatre coins de la planète, réunis par le hasard dans une université parisienne. À l’instigation de Rébecca Halphen, ils lancent ce mouvement comme une alternative aux partis traditionnels, avec comme objectif de renverser le changement climatique et de sauver ce qui peut l’être.

Semi-spoiler: ça fonctionne. Je dis « semi », parce que si la narration s’étend sur plus d’un siècle, c’est bien parce que ça a fonctionné. En tout cas en partie: il y a des défis connexes qui vont donner du fil à retordre à Terra Humanis. Mais soyons clair: ce livre raconte une utopie; imparfaite, mais utopie quand même.

En ce sens, c’est une bonne chose. L’idée de montrer qu’il y a des alternatives, contrairement à ce que proclament les dominants d’aujourd’hui, est plutôt enthousiasmante. Et même si cet avenir amène son lot de cataclysmes terrifiants, vu de notre présent, il apparaît plutôt souhaitable.

Sauf que, de mon point de vue, il apparaît assez clairement comme peu crédible. Déjà, il implique une jeune femme avec une intelligence inimaginable, ainsi qu’une mobilisation qui aurait déjà dû avoir lieu. En fait, l’avenir que décrit Terra Humanis est déjà mort-né.

C’est toujours un peu cruel de comparer deux ouvrages, mais si je regarde The Ministry for the Future, qui joue sur un peu les mêmes ressorts, Terra Humanis regarde un peu trop du côté de ce que les uchronistes appellent « ASB », pour alien space bats – une alternative qui n’est crédible que si on implique des chauve-souris extra-terrestres d’outre espace.

Ce qui est d’ailleurs presque littéralement le cas ici, puisque le livre parle également d’un premier contact extra-terrestre, même si c’est vers la toute fin de la chronique. Et à mon avis, c’est une partie du livre dont j’aurais très bien pu me passer: elle n’est pas inintéressante, mais plutôt hors propos.

Je ne peux pas dire cependant que j’ai détesté Terra Humanis. Le livre s’appuie sur plein de très bonnes idées et est écrit avec un style plutôt alerte; il se lit bien et a également l’intelligence de ne pas trop traîner en route. Mais il est presque déprimant à force d’être trop positif: Rébecca Halphen et Luc Lavigne sont des personnages de fiction, Terra Humanis n’existe pas et toutes les autres inventions mentionnées sont de plus en plus improbables.

(Au passage, je pourrais aussi lui reprocher de n’être vu que du côté des élites.)

Pour être franc, j’en arrive à un point dans ma vie où j’espère juste ne plus être là au moment des effondrements civilisationnels qui m’apparaissent inéluctables. Mais, pour reprendre une expression à la mode, « c’est pas toi, c’est moi » (et, au passage, c’est aussi la raison pour laquelle j’ai du mal avec le post-apo: ça tape beaucoup trop près de mes angoisses existentielles).

Mais si la lecture d’un exercice de futurologie utopique vous intéresse, j’aurais plutôt tendance à conseiller Terra Humanis. Peut-être plus pour certaines idées futuristes que pour le roman lui-même.

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