Et s’il existait une instance non gouvernementale, dépendant des Nations-unies, qui avait pour but de faire appliquer les Accords de Paris sur le climat? The Ministry for the Future, de Kim Stanley Robinson, répond à cette interrogation.
Au centre de ce livre, il y a la question de l’environnement, du changement climatique. The Ministry for the Future se situe dans un avenir très, très proche – dix ans après les Accords de Paris, soit 2025 – et suit principalement deux personnages.
C’est d’abord Mary Murphy, la secrétaire générale du « ministère » en question (qui n’est pas vraiment un ministère, mais c’est un surnom qui a fini par devenir officiel). Le second, c’est Frank May, un agent humanitaire qui a survécu à une terrible vague de chaleur en Inde (des millions de morts) et en est resté marqué à jamais.
C’est un peu une opposition entre le réformisme et la radicalité qui se dessine entre ces deux personnages, opposition qui va d’ailleurs sous-tendre tout l’ouvrage. À côté des efforts « légalistes » du ministère, plusieurs mouvements plus radicaux – certains diraient « terroristes » – s’en prennent directement à ceux qu’ils jugent responsables.
The Ministry for the Future n’est pas exactement un roman. Il me fait penser un peu aux « romans-chroniques » de Cory Doctorow, genre Walkaway ou Makers, en ce sens que le peu d’intrigue sert en fait à mettre en lumière des idées et des concepts.
Et si je ne suis pas toujours convaincu par ce format chez Doctorow, autant je le suis ici, avec Kim Stanley Robinson. Peut-être parce qu’il ne cherche pas vraiment à créer une intrigue, en fait.
En lieu et place, il y a une multitude de chapitres – plus d’une centaine – qui courent sur une vingtaine d’années et qui offrent un panorama choral sur ces vingt années qui vont changer – et peut-être sauver – l’humanité. On y croise des réfugiés, des gilets jaunes, des activistes et… des concepts.
L’intérêt premier de The Ministry for the Future, c’est de montrer que le changement climatique n’est pas un événement qui a une cause unique et, partant, qu’il n’a pas de solution unique non plus.
Kim Stanley Robinson imagine – ou, plus certainement, illustre – un grand nombre de pistes, qui vont de changements dans l’agriculture à la géo-ingénierie, en passant par Internet, la politique nationale. Il pointe également sur un certain nombre de conséquences à moyen et long terme assez terrifiantes.
Il montre aussi que si le changement peut venir de la « base », du peuple, il va quand même falloir que les élites (au sens large du terme) suivent avec un minimum de bonne volonté. En cela, il est pas mal différent de Doctorow – et peut-être plus réaliste, aussi.
Ce qui est amusant, quand on est Suisse, c’est de voir un bouquin qui est en grande partie centré sur la Suisse et, surtout, sur Zurich – siège du ministère en question. La plupart des éléments suisses montrent d’ailleurs que l’auteur, s’il n’a peut-être pas vécu là, a pas mal potassé le sujet. Je lui reprocherais peut-être une vision un peu idéaliste de la suissitude, mais rien de méchant.
The Ministry for the Future est un livre intéressant et hautement recommandable. Il prend le problème du changement climatique – et, partant, de la survie de l’humanité – à bras le corps et propose une vision qui se termine sur un espoir raisonnable.
Gromovar, qui l’avait chroniqué il y a quelques mois, parlait de « tract qui se fait passer pour un roman ». Je serais moins radical, mais il faut avouer qu’il y a de ça. Je le rejoins néanmoins en disant que Kim Stanley Robinson, avec ce The Ministry for the Future, inspire le respect.
Je crains, hélas, que ce ministère reste de la science-fiction.
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On m’en avait déjà parlé comme d’une incursion de Robinson dans le solarpunk, même si on reste dans l’anticipation (2025, c’est demain), tu me le confirme avec ta critique.
C’était déjà un peu le cas avec New York 2140.
En fait, je me dis qu’il faudrait que j’essaye de te faire un résumé des idées fumées que j’ai lues dans des bouquins récents en SF/cyberpunk. Il y a pas mal de trucs qui pourraient faire des inspis sympas pour Singularités.
Je vais pas dire non 😀
Miam miam, ça fait longtemps que je n’ai pas lu le bonhomme et le site m’intéresse. Mais est-il traduit ? (angoisse)
Pas que je sache: il est sorti l’année passée et il est plutôt long.
Bon ben je devrais attendre une éventuelle traduction, mon anglais n’est pas à la hauteur d’un roman.