Le lendemain de la veille (on suit un peu, dans le fond!), deuxième jour du festival Night of the Prog. Pas de repos pour les braves – ou si peu : on reprend la route de l’amphithéâtre pour midi.
On commence avec les Anglais de Synaesthesia, un étonnant groupe de petits jeunes (moyenne d’âge dans les vingt ans) qui propose un rock progressif plutôt moderne, mais où le chanteur a tendance à ne pas savoir quand s’arrêter.
Ça reste très agréable – pour ce que j’ai entendu, parce que j’ai encore raté le début (mais c’est de la faute des Belges) – mais ça sera sans doute encore mieux avec un peu d’expérience. Cela dit, dans le genre, faire le Night of the Prog à vingt ans, ça doit être quelque chose !
Le groupe suivant, c’est A Liquid Landscape, un quatuor hollandais dont j’ai chroniqué leur précédent album (le nouveau vient juste de sortir). Je me demandais ce que cela pouvait donner en live et la réponse est plutôt enthousiasmante.
Le groupe nous sert un rock progressif plus rock que prog, avec des passages planants en alternance de parties qui dépotent,le tout étant diablement efficace. À commencer par « Come On Home », leur long morceau emblématique, qui n’est que le premier d’un set très efficace, dominé par un chanteur qui a une voix peu commune pour ce genre de musique.
Dream the Electric Sheep, groupe américain dont je n’avais que très peu entendu parler auparavant, débarque avec une musique assez similaire à celle de A Liquid Landscape : du rock très rock et un peu progressif, avec une interprétation musclée (et beaucoup de tatouages).
Honnêtement, je n’ai pas vraiment accroché ; il faudra sans doute que je me fasse une écoute au calme pour en avoir une meilleure idée.
Par contre, Clepsydra, je connais ! Déjà, ce sont des Suisses et cela fait depuis leurs débuts que je suis leur néo-prog très influencé par Marillion ou IQ du début des années 1980. Là où les précédents arboraient une dégaine de bikers, on a ici plutôt une jolie bande de profs ou d’experts-comptables. Le côté suisse, sans doute.
Maintenant, c’est un groupe qui peut m’agacer par moments – notamment par le phrasé du chanteur qui tente de caser des strophes de vingt-huit syllabes dans un couplet normalement constitué – mais qui parvient toujours à compenser en balançant des moments de pur génie, que ce soit des longues plages claviers-guitare de toute beauté ou des enchaînements de génie.
Et même si le phrasé du chanteur m’agace, il parvient à tout tuer sur « No Place for Flowers ». Il faut dire ce qui est, le groupe n’a pas eu de chance sur sa prestation, avec des larsens basse en pagaille et une guitare complètement inaudible pendant les dix premières minutes. Mais pour moi, ça reste un excellent moment.
Le groupe suivant aurait dû être Bigelf et, à la place, on a eu Be Gabriel, autrement dit Brian Cummins, leader du cover-band Carpet Crawlers et sans doute la plus grosse paire de cojones du festival.
Parce que laissez-moi vous dire que se retrouver tout seul, face à trois mille prog-heads blasés (pléonasme) et fatigués, et faire des reprises de Peter Gabriel, qui plus est avant le passage d’Anathema, il faut oser.
Au reste, le monsieur a un talent certain et ne se laisse pas démonter, allant jusqu’à chanter l’intro du « Grendel » de Marillion, juste pour faire mousser les fans. Le public lui réserve d’ailleurs un accueil plutôt enthousiaste.
Arrive donc Anathema. Je ne vous cacherai pas que je les attendais au tournant : leur prestation d’il y a trois ans, même amputée, avait été une vraie tuerie, le meilleur moment du festival. Par contre, il faudra que j’arrive une fois à les voir quand je ne suis pas à moitié mort, parce que ça gâche l’ambiance.
Là, ils jouent alors qu’il fait encore jour, ce qui est à mon avis un désavantage, mais leur musique parvient à faire baisser de dix degrés la température de l’amphithéâtre. L’air se raréfie, le ciel est pur, en intro on entend « A New Machine » de Pink Floyd, les Irlandais enchaînent sur « The Long Song » et, soudainement, plus rien d’autre n’existe.
Anathema, c’est un univers musical à part et leur prestation les propulse loin dans la stratosphère – et nous avec.
À ce stade, on pourrait se dire qu’on a eu un beau festival et rentrer à la maison. Sauf qu’il reste encore Marillion, qui arrivent sur un « Gaza » douloureusement d’actualité.
Peter Trewavas – dont c’est la deuxième prestation ce week-end –, Ian Mosley, Mark Kelly, Steve Rothery et l’inénarrable Steve Hogarth sont les stars incontestables du week-end et l’amphithéâtre est plein à ras-bord d’un public conquis.
Comme à son habitude, Hogarth court partout, nous rejoue des scènes shakespeariennes et va faire un petit tour dans le public ; je soupçonne qu’il a vidé la machine à expresso des coulisses. Le set, également servi par un light-show qui profite de la nuit pour se déployer à grande échelle, est principalement basé sur Sounds That Can’t Be Made, mais on a quand même droit à un medley autour de Misplaced Childhood.
C’est marrant quand, à ce moment-là, plus personne n’a mal aux pieds ni la gorge en vrac.
Et c’est fini. La foule repart lentement, quittant ce lieu mythique en se disant que, quelque part, la magie existe.
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