Bon. Je vous jure que j’ai essayé d’écrire ce billet « à froid ». Mais en vrai, j’écris le dimanche soir pour un événement qui date de la veille et du coup je suis peut-être un poil plus remonté que raisonnable.

L’évènement en question, c’est un mème que j’ai republié sur un réseau social avec un F et qui m’a valu un mini-shitstorm. En cause: des imprécisions et des exagérations dans le mème en question.

Je ne vous mets pas de lien; ceux qui savent, savent; pour les autres, ce n’est pas important. Le mème en question n’est pas de moi, mais je ne conteste pas les erreurs qu’il contient. Ce que je conteste, c’est le ton des commentaires.

Je veux dire, c’est un mème. Une image qui diffuse un message féministe, soit, mais surtout inclusif. Pas une thèse académique. Avoir droit à des commentaires de cinq-six paragraphes sur le ton « il y a deux t à ‘bistouquette’, ton argument n’est pas valable! » (pour paraphraser Desproges), c’est peut-être UN CHOUÏA disproportionné.

Ça m’ennuie d’autant que ces commentaires viennent de gens que je connais un peu, suffisamment pour penser qu’ils ne sont pas réacs. Ce ne sont pas vraiment des amis, mais ils me font penser à une autre citation du grand Desproges: on reconnaît les vrais amis au fait qu’à un moment donné, ils vont vous décevoir. Et, pour le coup, j’ai été déçu par certains d’entre eux.

Alors, oui, sur le fond, ils ont raison: les exagérations, les erreurs factuelles, la récupération politique, ça dessert la cause. Mais d’une part, on n’est pas dans le cadre d’un travail académique; d’autre part ça n’invalide pas le message global et, surtout, c’est peut-être pas la peine de péter un boulon et d’écrire toute une tartine avec un ton très énervé.

Pour. Un. Purin. De. Mème.

Mortel de berne!

Et, au fond, ça m’agace parce que je sais que, moi-même, j’ai déjà eu ce genre de comportement de merde. Cette envie de pinailler parce que le sujet touche une corde sensible ou, parfois, juste parce qu’on a envie de pinailler et qu’à un moment donner, on refuse d’admettre qu’on a tort.

C’est un sujet qui touche à la pureté militante, cette idée qu’une Cause ne peut être que pure et que toute erreur, toute approximation, toute déviance dogmatique – même pour rire – c’est le Mal. Oui, il y a des majuscules; dans ce genre de cas, il y a toujours des majuscules. Et, quelque part, ça touche aussi à l’égo; d’une part, à l’envie de se montrer mieux qu’on ne l’est en vrai. D’autre part à l’envie d’être le meilleur, le plus juste parmi les justes, le plus pur parmi les purs.

Inutile de rappeler ce qui arrive aux idéaux de pureté: dans le meilleur des cas, ils s’effondrent avec un bruit ridicule de baudruche qui se dégonfle; dans le pire des cas, le bruit ridicule est couvert par le fracas des armes. Et il peut aussi leur arriver de lancer des paniques morales.

Et donc, du coup, je préconise quoi, du haut de ma propre pureté militante à moi? Surtout de prendre un peu de recul. D’admettre qu’on peut déconner sur un sujet sérieux. Qu’on peut aussi se tromper et qu’il y a la manière de la dire à celui qui se trompe. La colère et l’indignation sont des sentiments compréhensibles face à l’injustice ou ses représentations, mais franchement contre-productifs dans ce genre de cas.

J’ajouterais aussi qu’il devient de plus en plus urgent de savoir prendre recul sur soi-même et sa persona sur les réseaux sociaux. J’ai l’impression qu’en matière d’expression publique, l’idée de « perdre la face » est devenu plus importante que tout le reste.

Rappelons-nous que nous sommes tous des hypocrites et qu’au fond, ce n’est pas si grave que ça. La cause se démerdera très bien sans nous.

Image: Jasmina El Bouamraoui et Karabo Poppy Moletsane, via Wikimedia Commons, sous licence CC0.

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