« La Panique woke », d’Alex Mahoudeau

« Wokisme ». Dans les cercles que je fréquente, le mot fait sourire, surtout manié par une petite clique de mascurôlistes à l’argumentation plutôt inepte. Mais, à la lecture de l’essai d’Alex Mahoudeau, La Panique woke, m’a rappelé que, derrière ce néologisme, se cache souvent un projet politique beaucoup moins rigolo.

Alex Mahoudeau – Pandov Strochnis sur Twitter – est docteur en sciences sociales et il a passé pas mal de temps à décortiquer le sujet des paniques morales en général et de la « panique woke » en particulier. Le résumé tient dans le sous-titre: Anatomie d’une offensive réactionnaire.

Dans cet ouvrage court (150 pages), mais dense, il revient d’abord sur l’origine du mot woke, sur son détournement par des personnalités réactionnaires (et souvent racistes) américaines, puis sur le sujet des paniques morales et de leur utilisation politique.

Déjà, première surprise pour moi, woke est un mot qui existe depuis plus d’un siècle dans son sens « éveillé, conscient » en argot africain-américain (African American Vernacular English, pour être précis). Il a été remis au goût du jour pendant les révoltes autour du mouvement Black Lives Matter, puis repris par une classe politique réactionnaire pour fustiger un militantisme virulent.

D’après Alex Mahoudeau, les paniques morales, elles, existent depuis plus longtemps. Elles sont le plus souvent basées sur des faits réels, mais soit complètement marginaux, soit montés en épingle. Parfois aussi sur des légendes urbaines, voire de pures inventions.

Du coup, cette « panique woke » se base sur plusieurs anecdotes, surtout dans des universités américaines ou britanniques, transformés dans des médias à sensation en vastes campagnes contre l’ordre établi. Et souvent sur le thème « ces minables qui se plaignent tout le temps vont détruire la Civilisation ».

Je charge un peu la barque, mais juste un peu. Certains des arguments cités dans La Panique woke sont à la limite du ridicule, et pas souvent du bon côté de cette limite. Mais, pour les propagateurs de ces paniques morales, ce n’est pas important; le bruit fait autour de ce concept est plus important que les faits. La réalité, c’est encore un truc de gauchiste!

L’auteur souligne également le paradoxe qu’en France, un des arguments présentés par les tenants de la « panique woke », c’est la crainte du « américanisation » de l’université. Mais ces mêmes tenants n’ont aucun problème à reprendre eux-mêmes des arguments venus des États-Unis, ni avec l’américanisation des relations de travail (entre autres).

Pour finir, Alex Mahoudeau suggère de revenir sur une politique moins abstraite, plus axée sur le concret. Demander clairement « OK, vous voulez quoi au juste? ». Pas sûr que ça fonctionne, mais ça ne coûte rien d’essayer, surtout au point où on en est…

Toujours est-il que si le sujet vous intéresse (et, accessoirement, que vous n’êtes pas trop réac), je vous conseille la lecture de La Panique woke. C’est un peu touffu, mais ça expliquent vraiment bien les concepts en jeux autour des paniques morales.

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7 réflexions au sujet de “« La Panique woke », d’Alex Mahoudeau”

  1. Le “wokisme”, si je comprends bien, c’est une forme de politisation/militantisme politique dans laquelle l’individu prend conscience des enjeux/injustices de la société dans laquelle il/elle évolue, nan ? J’y vois aussi une exagération des souffrances des uns et des autres, une victimisation à l’excès. Un individualisme (égoïsme, égocentrisme) qui prime sur ou remplace l’individualité (le fait d’être unique, différent d’autrui). En soi, l’idée de prise de conscience (ou d’éveil) des maux d’une société est une belle chose, sauf qu’ici ça peut parfois virer à l’extrême, voir au grotesque. D’ailleurs, le wokisme n’est-il pas un terme confondu ou amalgamer avec le progressisme (à outrance) ?

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    • Techniquement, “wokisme” est un terme qui est quasi-exclusivement utilisé par ses adversaires, plus ou moins réacs (plutôt plus que moins en général). Aucun militant antiraciste, décolonialiste ou LGBT+ ne s’en réclame.

      Alors oui, il y a un problème de “pureté militante”, avec certains individus qui en font des tonnes et embarrassent tout le monde, mais c’est une très petite minorité et ce sont des comportements qui sont systématiquement montés en épingle par les “anti-wokistes”.

      Mais il ne faut pas s’y tromper: ce que les milieux réactionnaires dénoncent comme “wokisme”, c’est effectivement le progressisme.

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  2. Ouais enfin à notre petite échelle rolistique, on voit quand même arriver des trucs un peu gênants. Exemple avec la campagne PSF2 « L’Age des Braises » où on se retrouve avec de gentils Elfes noirs (mais sans les caractéristiques des Drows, bien sûr : ils ressemblent plutôt à des Sylvains vivant dans la jungle). C’est un exemple parmi d’autres mmmh.

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  3. Je ne crois pas à la candeur de ta question mais je vais quand même y repondre… Que parce que les Elfes noirs sont des êtres fondamentalement maléfiques, esclavagistes etc, bref bien peu « politiquement corrects », les scénaristes se croient obligés de créer d’autres elfes tout aussi noirs si ce n’est plus (leurs cheveux l’étant) mais plutôt mode bons sauvages incarnant la protection contre la corruption de la jungle (et du monde en général histoire de se mettre à l’abri de critiques de tout racisme (d’une race imaginaire mais pour ce que j’en ai lu, les extrapolations peuvent aller assez loin).

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    • Je trouve ça nettement moins gênant que les races/peuples/whatevs “fondamentalement maléfiques”, appellation qui justifie par avance leur extermination.

      C’était rigolo quand je jouais à D&D et que j’avais 16 ans, mais quarante ans plus tard, c’est nettement plus cringe.

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