“The Last Battle”, de Stephen Harding

Début mai 1945, dans le Tyrol autrichien, un château va devenir le théâtre d’un des derniers affrontements de la Seconde Guerre mondiale. C’est le sujet de The Last Battle, un livre d’histoire de Stephen Harding.

Et un affrontement pas banal, puisqu’il met en scène des soldats américains, des prisonniers français, des résistants autrichiens et des soldats allemands – contre d’autres soldats allemands.

J’en avais déjà entendu parler – notamment via l’uchronie 1940, la France continue – mais ce bouquin, que m’a offert Fulgan pour mon anniversaire, est une narration fascinante de cet épisode peu connu.

Le plus gros de l’ouvrage de Stephen Harding est consacré à la description des divers protagonistes de cette “dernière bataille”, qui a lieu entre le 4 et le 5 mai 1945, ainsi que l’histoire de ce Schloss Itter, non loin d’Innsbruck, qui servira de décor.

Il y a certes les militaires, comme le capitaine John C. Lee, le major allemand Josef Gangl et même un officier SS, Kurt-Siegfried Schrader, dans le camp des défenseurs. Il y a aussi les prisonniers, parmi lesquels des hommes politiques français et leurs épouses – Reynaud, Daladier, de la Rocque et d’autres – ainsi que les deux “généralissimes”, Weygand et Gamelin.

Bien évidemment, tout ce petit monde se déteste cordialement, ce qui donne lieu à des scènes assez cocasses – sans compter les multiples tentatives d’évasion de Jean Borotra. Mais il y a également des prisonniers venus de Dachau – dont le château dépendait administrativement – comme l’électricien croate Zvonimir Čučković et le cuisinier tchèque Andreas Krobot, qui joueront un rôle important dans la bataille.

Mais, avec les dernières heures du Troisième Reich, les SS se mettent à exécuter les prisonniers, y compris les VIP. Et c’est la course contre la montre, entre la résistance autrichienne qui tente de prévenir les Américains, les troupes fanatiques qui montent des embuscades, et plus d’une centaine de troupes SS avec des armes lourdes.

Une course qui se termine par la défense du château par une poignée de GIs, leur char Sherman, quelques soldats allemands et des ex-prisonniers français très enthousiastes. Parfois trop, puisque c’est en poussant à l’abri un Paul Reynaud imprudent que le major Gangl est abattu par un tireur embusqué. Et on assiste à leur sauvetage par un peloton de soldats alliés, au sein desquels se trouvent deux journalistes, dont le futur premier ministre canadien René Lévêque. Pas mal, comme name-dropping!

Dans la masse de la Seconde Guerre mondiale, la bataille de Schloss Itter est un événement qui tient beaucoup de l’anecdote, mais il a vite gagné une aura spectaculaire, ne serait-ce que parce que c’est la seule fois au cours de la guerre que des troupes allemandes et américaines combattront côte à côte. On parle d’ailleurs d’adapter ce livre en film, c’est dire.

Et, quelque part, ce Last Battle est également un ouvrage spectaculaire, mais anecdotique. Il tient plus de la chronique, voire du roman, que du réel livre d’histoire: on a une grosse partie qui plante le décor et qui raconte le parcours des personnages, puis une narration heure par heure de la bataille qui se lit un peu comme une fiction, avec moult détails.

Néanmoins, il a un réel intérêt. D’une part pour son histoire et ses protagonistes, notamment des Français souvent hauts en couleur, avec leurs différences de style et leur animosité politique – beaucoup viennent de bords politiques opposés et ont été rivaux dans divers gouvernements, certains ayant même étés ministres de Pétain (Borotra ou de la Rocque).

Et, d’autre part, pour ce portrait d’une nation en ruine, au bord de l’effondrement complet, où plus personne ne sait réellement qui fait quoi et où les groupes clandestins antinazis essayent de contrer les derniers soubresauts des fanatiques de la Grande Allemagne. The Last Battle se déroule dans une ambiance crépusculaire de fin de règne – Hitler est mort depuis près d’une semaine et le Reich finit par déposer les armes deux jours plus tard.

C’est clairement une inspiration majeure pour une jeu de rôle, un one-shot qui emmèneraient les personnages au cœur de l’empire vaincu avant que celui-ci ne capitule complètement, à affronter les derniers suivants d’un ordre mourant et les armées en déroute. C’est aussi un rappel que même les héros de guerre – comme le capitaine Lee – peuvent connaître une fin peu glorieuse lors de leur retour au pays.

The Last Battle n’est certes pas un bouquin d’histoire qui révolutionnera la vision des derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, mais il est plaisant à lire et plutôt court: un peu moins de 180 pages en paperback, augmentées d’une bibliographie, d’un index et d’un corpus conséquent de notes souvent très intéressantes.

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