« Opération Tannenbaum » de Jean-François Amblard

Le 25 juillet 1940, un peu plus d’un mois après la capitulation française, les officiers suisses se retrouvent sur la prairie du Grütli pour un discours du général Guisan. C’est le moment choisi par l’Allemagne nazie pour déclencher l’Opération Tannenbaum, dans cette uchronie de Jean-François Amblard.

Pour faire court, Tannenbaum est le nom de code pour l’invasion de la Suisse. Une invasion qui tombe au pire moment pour le pays, qui vient de démobiliser les deux-tiers de son armée et dont les plus hautes autorités donnent volontiers dans le philofascisme le plus crasse. Ça ne s’arrange pas quand presque tous les officiers supérieurs se retrouvent au fond du Lac des Quatre-Cantons.

Presque? Trois survivants vont se donner la tâche de ne pas capituler sans combattre. Derniers témoins du discours du Grütli, où Henri Guisan en a appelé à l’esprit de résistance du pays, ils vont tenter de faire également survivre ce discours, au moment où les armées nazies passent la frontière et bombardent les villes suisses.

Opération Tannenbaum se déroule pendant les trois premiers jours de l’attaque. C’est un roman, donc il se concentre sur les trois survivants (et quelques autres personnages) pour imaginer un pays au bord du gouffre, débordé par des forces largement supérieures en nombre et en matériel.

Disons-le tout net: il n’y aura pas de miracle. Ce ne sont pas une poignée de pioupious dans leur faux-chalet-vrai-bunker qui vont arrêter à eux seuls un corps d’armée entier, mais il y a quelques morceaux de bravoure. Par exemple l’attaque d’une brigade blindée sur des parachutistes fraîchement débarqués, qui ne s’attendaient vraiment pas à ça et qui se font littéralement rouler dessus. Ou le remake de la bataille de Morgarten, exactement au même endroit.

D’ailleurs, ça fait un peu partie des trucs qui vont faire rire les Suisses, avec la mention de l’Arme Absolue suisse: le Schwitzerdütsch.

Opération Tannenbaum évite donc la plupart des écueils de l’uchronie hagiographique (on pourrait alors parler de « Swisswank ») et c’est une plutôt bonne chose. On reste dans le crédible. Tout au plus aurais-je quelques réserves sur les discours de certains personnages, vers la fin, qui fleurent certes bon le patriotisme christianisant propre à l’époque, mais me paraissent un peu trop téléphonés.

Il y a également quelques points de détails, comme l’utilisation du mot « jerrican » qui me semble un poil anachronique en juillet 1940. Le titre de l’hymne suisse me paraît aussi inexact (à l’époque, c’était encore Ô Monts indépendants). Je soupçonne aussi que le « Réduit national » n’est peut-être pas aussi avancé que ça à l’époque, mais c’est mineur.

Dans l’ensemble, Opération Tannenbaum est cependant un roman uchronique plutôt prenant. Il se lit vite et, s’il laisse peut-être une impression de trop-peu (puisqu’il ne couvre que trois jours), il évite ainsi de rentrer dans des divergences trop massives et ce n’est pas plus mal.

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2 réflexions au sujet de “« Opération Tannenbaum » de Jean-François Amblard”

  1. D’après les histoires de la mobilisation de mon grand père, il y avait eu très vite de la grogne au niveau des troupes, les soldats accusant les officiers, qui pouvaient se le permettre, d’avoir évacués leur familles dans le dit réduit.

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    • C’est assez classique, un peu partout, en temps de guerre, les gens “au front” râlent sur “les planqués de l’arrière”. L’un dans l’autre, la mob de 39 s’est bien moins mal passée que celle de 14, où les familles devaient aller à la soupe populaire parce qu’il n’y avait pas de compensations de salaire.

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