L’oxymore du jour: site Internet gratuit

C’est une phrase qui a fait son chemin sur Internet, née semble-t-il sur MetaFilter et qui m’est parvenu via l’inénarrable Pogo (qui signe ici sous le nom de Greg; oui, comme le docteur House):

If you are not paying for it, you’re not the customer; you’re the product being sold.

Traduit en français: “si vous ne le payez pas, vous n’êtes pas le client, mais le produit”. Variante de l’inusable TINSTAAFL, there is no such thing as a free lunch – « il n’y a pas de déjeuner gratuit » en français. Note aux fans de Heinlein: l’expression est antérieure à son utilisation dans Révolte sur la Lune.

C’est une phrase qu’il est bon de se rappeler et de rappeler à l’heure où les réseaux sociaux – Facebook et Google+ en tête – et autres outils “gratuits” pullulent sur Internet. Ces sites ne sont pas tenus par des philanthropes, mais par des corporations qui cherchent à faire du pognon et qui, du coup, ne vont pas se gêner pour exploiter votre goût pour le fétichisme et le Nutella ou les photos de votre canari pour placer des publicités de plus en plus ciblées et vendre vos coordonnées.

Et même, avec un peu de mauvaise foi, ce présent blog. Je n’ai certes pas l’intention de vendre vos emails aux innombrables vendeurs de petites pilules pour masculinité déficiente (encore que, ces temps, ce sont les fournisseurs de faux passeports qui semblent m’avoir pris pour cible), ni de placer la moindre pub. Mais, si on ne peut pas dire que vos Flattrages me couvrent d’or, je retire de vos visites et de vos commentaires une certaine aura.

C’est triste, mais c’est un peu la règle du jeu. En attendant que des outils réellement gratuits et contrôlables, comme le projet Diaspora, arrivent à une maturité suffisante pour former une alternative crédible, il nous faudra vivre en confiant nos vies numériques aux lettres F ou G, en sachant pertinemment que ces joyeux fournisseurs de service “gratuits” nous monnaient éhontément auprès de leurs annonceurs.

(Image: “La publicité en France, par Emile Mermet” via Wikimedia Commons, domaine public.)

Pour soutenir Blog à part / Erdorin:

Blog à part est un blog sans publicité. Son contenu est distribué sous licence Creative Commons (CC-BY).

Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.

5 réflexions au sujet de “L’oxymore du jour: site Internet gratuit”

  1. Sur ce site, on trouve :
    – 2 inclusions de scripts Google (+1 et Analytics). Le premier ne se cache pas de chercher à étoffer les données que possède Google sur ses utilisateurs; le second est un outil de statistiques dont on ignore ce qui est fait des données publiées
    – une inclusion du bouton twitter. Là encore, on ignore précisément ce qui est fait des données recueillies, mais il faut bien se rappeler que Twitter cherche encore un modèle économique viable. De plus, les récentes nouveautés laissent présager une plus grande centralisation et un manque de contrôle du service. Pour exemple récent, la minification automatique d’à peu près tous les liens par t.co, quand bien même le lien serait déjà raccourci. Ou encore, le système d’ajout d’images intégré. Tout cela ne me dit rien qui vaille.

    Donc, ton blog ne déroge pas à la règle que tu énonces dans le présent article : en fournissant un service gratuit (le blog), tu vends indirectement tes lecteurs à des multinationales. Mais ne t’en fais pas pour moi, l’extension Firefox Ghostery bloque tous ces scripts externes 🙂 Je te la recommande, d’ailleurs.

    Par contre, mon nouveau blog, que tu as pu découvrir hier, est totalement vierge d’appels externes, lui. Et j’héberge plusieurs personnes totalement gratuitement et sans la moindre contrepartie sur mon serveur. Ça représente une belle exception à ton article, non ? 😉

    Répondre
    • Toute règle a ses exceptions, heureusement — encore que, comme je le mentionne, dans le cas d’un blog, on peut aussi dire que tu utilises le contenu qui s’y trouve pour ta propre promotion.

      En même temps, c’est une vision très capital-libérale du monde; on n’est pas non plus obligé de tout voir sous l’angle du contrat et de l’argent-roi.

      Répondre
  2. “If you are not paying for it, you’re not the customer; you’re the product being sold.”

    Oui c’est une jolie phrase comme ça, mais bon, c’est un peu un raccourci. Comme tu le dis toi même, quand on lit un blog, on est bien le “client” est pas le produit, et pourtant on ne paie pas pour le lire ton blog.

    De plus, cela élude le sponsoring, qui est quand même de plus en plus le moteur du net, et le sponsoring ne marche aussi que si les lecteurs sont les clients. Sauf qu’un intermédiaire vient s’ajouter à la relation fournisseur/client : le site/blog.

    Finalement, pour les réseaux sociaux, là aussi nous sommes les clients (potentiels) et pas les cochons qui vont se faire manger. Juste, nous ne sommes pas les clients de FB et G+, mais les clients des clients de FB et G+.
    Alors oui, les réseaux sociaux vendent nos informations aux annonceurs, et si on y réfléchit pas, oh la la, ça fait peur ça, on s’imagine déjà FB en train de refiler notre passeport à un type patibulaire au fond d’une sombre allée, ou Google nous mettre des chaînes autour du cou et maintenant on va bosser pour lui.
    Scoop;
    -Les chaînes autour du cou, on les a déjà depuis la naissance, et Google est certainement le moins pire de nos esclavagistes.
    -La vente d’information d’utilisateurs, ça existe depuis aussi longtemps que les mass medias, mais étrangement quand c’est des journaux ou la télé qui le fait, personne ne s’en émeut (alors que c’est bien pire, parce que là, on plus on paie pour pouvoir le lire le journal).

    Répondre
    • Attention, je ne dis pas que OMG! GooBook et FaceGgle vont nous vendre en esclavage, juste qu’il faut savoir où on met les pieds quand on utilise un service dit “gratuit”.

      Ce d’autant plus que les services en question ont la fâcheuse habitude d’être abominablement opaques sur ce sujet (et de changer leurs systèmes de protection de vie privée tous les deux mois).

      Répondre

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.