Heretoir

Dans notre série “le black métal mène à tout à condition d’en sortir”, le groupe allemand Heretoir vient de sortir un album éponyme qui navigue dans les mêmes eaux ambiantes et mélodiques que des groupes tels qu’Alcest ou Les Discrets. Ce qui signifie que, techniquement, ils n’en sont pas vraiment sortis – du black métal, donc – même s’il s’agit d’une musique qui cherche plus les atmosphères tourmentées que les avalanches de guitares.

Rassurez-vous, il y en a encore et il ne faut pas attendre très longtemps pour les entendre: dès “Fatigue”, le deuxième morceau de l’album, on sent l’héritage qui remonte, entre le mur de guitares (qui rappelle un peu les productions post-métal) et les hurlements torturés qui se superposent aux vocaux en clair. C’est brutal, mais c’est beau; si Heretoir veut nous raconter une histoire, je doute qu’elle contienne beaucoup de licornes et d’arcs-en-ciel. Ou alors des licornes mortes. Ou mort-vivantes. Enfin bon.

Au reste, il y a énormément de variété dans cette album – variété dans le sens “différents styles musicaux”, bien sûr. Au très métal “Fatigue” succède un “Retreat to Hibernate” qui commence acoustique avant d’être rejoint par les guitares électriques, tout en restant très mélodique, puis par le très court “0” qui contient une collision d’ambiances sonores faites de sons divers et d’extraits de dialogues, avant de retourner dans le métal avec “Weltschmerz”.

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Frost*: The Philadelphia Experiment

Il existe quelques sujets sur lesquels je perds toute prétention d’objectivité. OK: beaucoup de sujets. Parmi ceux-ci, le groupe de néo-prog britannique Frost*; n’attendez donc pas vraiment de point de vue neutre équilibré dans cet article sur The Philadelphia Experiment, double CD (+DVD) live de ce qui fut sans doute le meilleur groupe du genre ces cinq dernières années.

“Fut”, car Jem Godfrey, claviers et compositeur du groupe, a récemment annoncé qu’il mettait un terme au projet pour raisons personnelles. Ainsi, The Philadelphia Experiment est une sorte de feu d’artifice final pour la carrière météoritique de Frost*, couvrant les deux albums Milliontown et Experiment in Mass Appeal, plus quelques inédits pour faire bonne mesure.

Commençons par le mauvais côté de l’album: il n’est pour le moment disponible que via la boutique en ligne du groupe, certes pour un prix très raisonnable (£12), mais moi qui essaye d’éviter, autant que faire ce peut, d’acheter des vrais disques en silicium et plastique mort, je suis un peu déçu.

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Sons of Seasons: Magnisphyricon

L’âge, c’est quand on est persuadé d’avoir posté un billet sur un groupe et que, lorsque l’album suivant sort, on s’aperçoit qu’en fait non. Illustration par Magnisphyricon, nouvel album de Sons of Seasons, dont j’étais persuadé d’avoir chroniqué le God of Vermin l’année passée. Et pourtant, Sons of Seasons est un groupe qui a un peu tout pour me plaire, vu qu’il s’agit d’un projet impliquant Oliver Palotai, guitariste et claviers sévissant dans plusieurs groupes, dont Kamelot et Epica, et Simone Simmons, chanteuse du même Epica.

Ça fait du beau monde et, surtout, ça donne un métal à la hauteur de la rencontre, c’est-à-dire au sommet. Magnisphyricon est un album de métal progressif aux ambiances multiples: angoissantes, brutales, atmosphériques, mélancoliques, épiques et symphoniques. Rien que ça? Ben non, plus encore, en couleurs et en multiples exemplaires. Ce n’est pas exactement l’album de la demi-mesure, mais plutôt de l’ami démesure.

En fait, la clé de comparaison principale de cet album tient dans les deux noms précités: Kamelot, dont il hérite du métal symphonique tirant sur le prog et des vocaux masculins (“Bubonic Waltz” ou “Into the Void”), et Epica pour l’épique travaillé et les vocaux féminins (plutôt rares sur cet album, en fait). Mais ce serait une erreur de le résumer à cela: on trouve également dans ce Magnisphyricon des morceaux de pur métal progressif à la Pain of Salvation ou Evergrey, comme “Casus Belli I: Guilt’s Mirror”.

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Fen & De Arma: Towards the Shores of the End

Je me suis fait avoir. Au départ, c’est le dernier album de Fen que je voulais acheter; trompé par la pochette, à peu près identique, j’ai pris ce split de Fen et De Arma, intitulé Towards the Shores of the End. Bon, j’aimerais bien que toutes mes erreurs se révèlent aussi positives que celle-là, car dans le genre black métal atmosphérique aux tendances post-rock, l’album est des plus agréables et contient quelques gemmes – forcément noires.

Fen est un groupe britannique, De Arma est suédois et, sur cet album, les deux groupes se succèdent dans une continuité de style qui rend difficile de savoir qui est qui. Pour la cohérence de l’album, c’est une bonne chose, pour l’originalité, je suis moins sûr. La musique n’est pas sans rappeler d’autres groupes du genre, comme Alcest ou Les Discrets, un métal plus porté sur les ambiances que sur les envolées nerveuses, même si ces dernières ne sont pas oubliées, comme le prouve “Soilbound” en intro.

À une exception près (l’instrumental acoustique “Bereft”), les sept morceaux tissent leurs ambiances sur six à neuf minutes; à ce rythme, les deux groupes ont le temps de poser des compositions complexes, souvent remarquables, où chants en clair et hurlements semi-hystériques alternent. Voir le morceau-titre, “Towards the Shores of the End”, un des meilleurs de l’album avec “Crimson Waters Ebbing the Shore” et “Noemata”.

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Within Temptation: The Unforgiving

Le nouvel album de Within Temptation, The Unforgiving est techniquement mon premier contact avec ce groupe hollandais de métal symphonique à chanteuse et, pour un premier contact, il est plutôt convaincant. Bon, en fait, ce n’est pas tout à fait exact, puisque j’avais déjà chroniqué dans ces pages leur album live, Black Symphony. Ce dernier ne m’ayant pas laissé un souvenir impérissable, je n’attendais pas grand-chose et, pour le coup, la surprise est plutôt plaisante.

Exit les trémolos gothiques, Within Temptation a décidé de se concentrer plus sur le côté symphonique narratif pour un concept-album qui parle de personnes qui se retrouvent du mauvais côté de la vie – non parce qu’ils sont malveillants, mais parce qu’ils ont un jour pris une mauvaise décision – et qui sont engagés par la mystérieuse Mother Maiden pour redresser les torts. On donne dans l’ambitieux, puisque le concept se décline également en comic-book et en courts-métrages.

Déjà, en soit, c’est plutôt impressionnant, mais on est ici pour causer zique, qu’en est-il? Comme mentionné, Within Temptation abandonne ici la plupart de ses oripeaux de métal goth; si j’osais la comparaison, je dirais que le groupe a décidé de sortir de sa crise d’adolescence et d’entrer dans le monde des groupes de métal adultes. Sauf que j’ai du mal à écrire les mots “groupes de métal adultes” sans ricaner intérieurement. Alors sans aller jusque là, on dira que la musique de The Unforgiving fait montre de nettement plus de maturité que ce que j’avais pu entendre du groupe jusqu’à maintenant.

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Magnum: The Visitation

Ah, Magnum! Toute ma jeunesse que ce nouvel album The Visitation, à l’imaginaire forgé par les Tolkien et Moorcock, sans oublier les pochettes psychédélico-fantastiques signées Rodney Matthews, imaginaire qui chez moi cotoyait les premiers bouquins de jeu de rôle. Oui, enfin, sauf que non. D’une part, j’ai toujours un peu dix-sept ans dans ma tête (ou alors je n’ai jamais été jeune, c’est selon) et, d’autre part, en vingt-cinq ans, les albums de Magnum n’ont jamais été très loin dans ma musicothèque, même pendant les cinq ans de split du groupe à la fin du XXe siècle.

N’empêche qu’à l’écoute de ce tout nouvel album, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il pourrait tout aussi bien pu dater du milieu des années 1980, contemporain de Vigilante, premier album du groupe que j’aie eu. Si l’on excepte les tous premiers albums, emprunts d’une influence Jethro Tull, Magnum a de tous temps déroulé sa recette d’un rock progressif mâtiné de hard-FM au service de compositions qui sont autant d’histoires épiques à base de dragons, de licornes, de mages et de fées (et de tranchées de la Première Guerre mondiale, aussi). En y repensant, typiquement le creuset auquel de nombreux groupes comme Nightwish sont venus s’abreuver quelques années plus tard, bien qu’avec un traitement différent.

Avec Magnum, la musique claque au vent, non pas comme un étendard funèbre, mais au contraire comme une bannière d’espoir; c’est la musique des héros qui montent au combat au ralenti (explosions à l’arrière-plan optionnelles). Lancez “Black Skies” et regardez les dragons voler! Partez à l’assaut des tyrans avec “Freedom Day”! Chassez les troupe du Seigneur Noir au son de “Midnight Kings”! Alors bien sûr, entre deux morceaux qui poutrent, histoire de faire souffler les bêtes, on a droit à des bluettes moins enthousiasmantes, du genre “Wild Angels” ou “Tonight’s the Night”, mais bon, ce n’est pas très grave.

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Maserati: Pyramid of the Sun

J’ai un peu honte: je n’ai appris l’existence de Pyramid of the Sun, dernier album en date des Américains de Maserati, par un des moyens les plus détournés qui soit: un compte-rendu de concert dans Charlie-hebdo, qui plus est d’un concert à Lausanne. Ce qui me met vraiment la honte, c’est que je considère Maserati comme étant un des meilleurs groupes de post-rock, notamment via leur album Inventions for a New Season, sorti en 2007. Avoir pu perdre ce groupe de vue à ce point, c’est pas très flatteur pour ma réputation…

Je pourrais prétendre qu’ayant appris la mort de Jerry Fuchs, batteur et âme du groupe, j’avais présumé le groupe disparu avec lui, mais la vérité est que j’ai simplement zappé. Je me ferais bien hara-kiri avec un MP3 émoussé, mais c’est contre mes principes (en plus du fait que, du temps que je passe à travers la graisse, je suis encore là demain). Ma repentance consistera en vous parler de ce nouvel album, paru donc fin 2010 (ça va, je n’ai donc pas trop de retard) et qui est un autre remarquable exemple du style particulier de post-rock propre à Maserati.

On y retrouve les textures de guitares tissant des ambiances complexes et plombées sur des morceaux parfois très longs (jusqu’à huit minutes et plus), appuyés par une rythmique ultraprésente, une sorte de métronome qui appuie les mélodies et dont le groupe sait jouer pour ménager des pauses dans les compositions. Plus généralement, la musique de Maserati se distingue souvent par une dynamique propre et très communicative: on sent vraiment le côté road-movie, principalement alimenté par la rythmique, mais également par un sens de l’énergie dirigée vers un but commun. Maserati va quelque part et a une assez bonne idée d’où.

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Mastodon: Live at the Aragon

En théorie, l’arrivée de cet album Live at the Aragon de Mastodon avait largement de quoi m’émoustiller. Je veux dire, Crack the Skye était un album monstrueux, un joyau noir aux confluents du métal, du rock progressif et du post-rock, un truc de furieux bien comme il faut. En live, ça doit donner.

Après une première, puis une seconde écoute, je me suis remis Crack the Skye dans l’oreille histoire d’être sûr de n’avoir rien raté au film. Cela confirme ma première impression: si je ne doute pas que Mastodon, en live, ça doit donner, en album live, ça donne nettement moins.

Je soupçonne que le problème vient de la musique de Mastodon elle-même: ultra-technique, elle laisse assez peu de place à l’improvisation et, du coup, se retranscrit assez mal dans le cadre d’un enregistrement en public, qui est un domaine où règne souvent l’à peu près et l’improvisation. Quand on est dans la salle, ma foi, l’énergie du groupe doit largement compenser les – petites – maladresses technique, mais calé chez soi dans un fauteuil, ces mêmes peccadilles me font grincer des dents.

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Blackfield : Welcome to My DNA

Welcome to My DNA est le troisième album de Blackfield, groupe composé de l’artiste israélien Aviv Geffen et Steven Wilson. Un jour, je vais finir par croire que Damien Wilson n’a que des side-projects et que même Porcupine Tree est un side-project de Steven Wilson, vu le nombre d’équivalents musicaux de pots de confiture dans lequel il trempe ses doigts.

Sans surprise, la musique de Blackfield ressemble beaucoup au rock progressif mélancolique que fait Porcupine Tree, peut-être avec un côté plus pop (notamment avec des morceaux dépassant rarement les cinq minutes) et un chouïa plus mordant dans les textes. Je dois avouer que les deux premiers albums du groupe ne m’avaient pas laissé de souvenir inoubliable (ni même de souvenir tout court), mais ce troisième album me paraît moins anecdotique.

Le ton est donné avec l’intro « Glass House », lente et mélancolique et, surtout, son enchaînement avec « Go to Hell » qui enjoint, sur un ton acidulé, l’auditeur d’aller se faire considérer chez ses sodomites préférés. Hormis ces facéties lyriques, la musique me rappelle un peu ce que faisait Alan Parson’s Project il y a quelques années – d’accord : quelques décennies – de cela.

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Aucan: Black Rainbow

Bon, j’avoue que la raison principale de cette chronique de Black Rainbow est que j’ai encore des souvenirs émus de l’album éponyme d’Aucan, groupe italien qui est passé en moins de deux ans du math-rock au dubstep, ce qui n’est pas vraiment mon style. L’évolution n’est pas vraiment une surprise, l’EP DNA avait montré la voie et le groupe s’oriente encore plus vers le tout-électronique avec cet album.

Mais style ou pas, Aucan, ça poutre! C’est pas vraiment du tchic-poum pour yo! à casquette venu pécho dans l’équivalent local d’un Macumba suintant de mauvais goût et de musique sponsorisée. Déjà, pour les avoir vus en concert, c’est pas vraiment du paisible, chose confirmée par cet album: la section rythmique a beau être pilotée par ordinateur, elle a de quoi guérir le hoquet d’un batteur de speed-métal. L’adjonction de vocaux, chose récente dans l’histoire du groupe, n’est pas toujours très heureuse, mais pas particulièrement gênante.

Il faut écouter des morceaux comme “Red Minoga”, “Away!” ou le très bien nommé “Sound Pressure Level”: niveau tabassage, ça ne fait pas semblant. La musique d’Aucan y explose comme un chaos hystérique et syncopé, une sorte de montagne russe sonore. Après, dans Black Rainbow, il y a pas mal de morceaux plus calmes qui, je dois le dire, m’intéressent beaucoup moins, même s’il y a des électronneries bien décapsulantes, par exemple “Underwater Music” qui me rappelle un peu Pendulum.

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Alphaville: Catching Rays on Giants

Attention, metalheads, prog-fanatics et autres puristes des musiques non-commerciales: ceci est une critique de Catching Rays on Giants, le dernier album d’Alphaville. Oui, vous avez bien lu: Alphaville. Ce groupe est depuis bien longtemps une de mes plaisirs semi-honteux, aux côtés des Buggles et de Frankie Goes to Hollywood (ces deux derniers ayant un point commun; ami lecteur, sauras-tu le retrouver sans regarder Wikipédia, petit tricheur?).

Soyons tout de suite clairs: Alphaville, c’est de la pop descendant en droite ligne de la new-wave des années 1980, un groupe qui a connu son heure de gloire avec des tubes comme “Big in Japan” et “Forever Young” et qui, depuis, a continué son petit bonhomme de chemin sans trop se prendre la tête avec le box-office et la mode, évoluant vers des rivages tantôt prog (Afternoon in Utopia), tantôt électro (Prostitute). C’est surtout un groupe qui se distingue par une patate spectaculaire et un chanteur exceptionnel. Comme preuve, je vous mets la vidéo terrygilliamesque du single “Song for No-One”, qui est juste trop top et on se retrouve après.

Après ça, je ne vois pas trop ce qu’il y a à dire: Alphaville était un groupe génial il y a vingt-cinq ans, je les trouve toujours aussi chouettes aujourd’hui. Ça ne s’explique pas. Pas rationnellement, en tous cas. Même si je n’aime pas tout dans cet album, qui fait un peu le grand écart entre l’Aphaville des années 1980 et ses incarnations plus récentes, c’est toujours une usine à tubes intelligents, mélodies imparables mais qui ne prennent pas l’auditeur pour un imbécile.

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Beardfish: Mammoth

Ces temps, je me suis retrouvé avec toute une platée de groupes de rock progressif qui avaient pour caractéristique d’avoir été encensé par la critique en leur temps sans pour autant que je vois personnellement l’intérêt du groupe. C’était déjà le cas pour Jolly (et je vous parlerai plus tard de Blackfield) et c’est également valable pour Mammoth, dernier album en date des Suédois de Beardfish.

Beardfish est un groupe à rapprocher de The Tangent, en ce sens que leur trip, c’est visiblement de faire du rock progressif à l’ancienne, avec de grosses inspirations des années 1970, notamment Emerson Lake & Palmer. Je n’avais pas été convaincu par les deux albums Sleeping in Traffic, qui partaient vraiment dans tous les sens, mais là, j’ai l’impression de quelque chose de plus maîtrisé. À moins que ce soit simplement mes goûts qui aient changé ou, encore plus simplement, que cet album me plaise juste parce que.

Toujours est-il que cet album me branche pas mal. Oh, bien sûr, il faut supporter l’idée qu’on écoute ici fondamentalement une musique qui aurait pu être écrite il y a quarante ans, même si elle est produite avec les toutes dernières technologies d’enregistrement et, du coup, ne sonne pas comme une cassette démo trop usée. On a donc une alternance de morceaux courts et longs – notamment les quinze minutes très ELPiennes de “And the Stone Said ‘If I Could Speak'” – où foisonnent les sons claviers vintage (Mellotron, Hammond et autres Moogs) et les saxophones en rut.

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Moon of Soul: Ébredés

Télécharger légalement du métal expérimental hongrois: ça c’est fait! Après le folk-métal russe et le rock progressif ouzbèke (au vu de leur production pléthorique, les Polonais ne comptent plus), voici Moon of Soul, groupe de métal progressif venu de Hongrie, et leur dernier album en date (2007), Ébredés (“Éveil” en hongrois). Depuis, le groupe semble avoir disparu, ce qui est bien dommage, mais il nous a laissé en héritage l’intégralité de ses albums en téléchargement gratuit.

Difficile de décrire précisément la musique de Moon of Soul: c’est du complexe, du lourd et du torturé, le tout dominé par des nappes de claviers spectaculaires (un peu à la Evergrey). Ça rappelle un peu les débuts les plus lourds de Fates Warning, avec des passages lumineux en contrepoint. Il faut écouter un morceau comme “Odaát-odafönt” pour se rendre compte de la folie de l’ensemble. Ah oui, parce que j’ai oublié de vous dire: c’est non seulement hongrois, mais en hongrois. Que celui qui vient de dire “hongrois rêver” se dénonce!

Le bon côté de Moon of Soul, c’est que c’est un groupe plutôt original dans son approche du métal progressif et de son traitement; sans dire qu’il ne ressemble à aucun autre, ses ambiances musicales sont loin des canons classiques du genre. Les morceaux les plus énergiques comme “Ébredés”, le déjà nommé “Odaát-odafönt” sont surprenants, de même que le long et torturé “Hang-alkony-menedék”; je suis moins fan des morceaux moins pêchus du milieu de l’album, qui font un peu “ventre mou”.

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Atto IV: Shattered Lines

Il y a rock progressif italien et rock progressif italien. Pour être précis, il existe un sous-genre du rock progressif, le rock progressivo italiano; Atto IV (prononcez “atto quatro”) est un groupe de rock progressif italien qui, si j’en juge par leur tout nouvel album Shattered Lines, fait plutôt dans le néo-prog moderne, le genre de musique avec de l’énergie par mégajoules, des compositions complexes et souvent déjantées. À moins, bien entendu, que je n’aie absolument rien compris au rock progressivo italiano, ce qui ne m’étonnerait qu’à moitié.

Mais foin des étiquettes, quid de la musique? Par “néo-prog moderne”, j’entend un rock progressif en apparence simplifié, qui n’a pas peur de donner dans les mélodies accrocheuses et qui, surtout, a découvert que depuis Marillion, il y a eu des groupes comme Dream Theater ou Porcupine Tree et que c’était vachement bien. Du coup, on a droit à des soli de guitares agressives et de claviers débridés et, surtout, des compositions que n’hésitent que rarement à passer la barre des cinq minutes.

Le truc intéressant avec Atto IV, c’est que les morceaux sont souvent des compositions complexes en tableaux multiples, mais avec une bonne cohérence. Témoin “Bad Dream”, qui arrive en deuxième position sur l’album et entraîne l’auditeur dans un tumulte onirique, certes, mais surtout énergique. En fait, le groupe aligne souvent des sonorités classiques, mais en les accommodant à sa sauce. L’intro de “Ecce Homo” a déjà été entendue maintes fois, mais son traitement est original et ne sert en plus que d’intro à cinq minutes passablement déjantées, rappelant des groupes comme Cairo ou même Van der Graaf Generator.

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Pass of Era: The Scripted Dream

Petit coup de projecteur sur une initiative à saluer : Pass of Era, groupe américain qui distille un rock progressif moderne et pas (trop) conventionnel, propose son premier album, un EP intitulé The Scripted Dream, gratuitement au téléchargement depuis leur site.

The Scripted Dream propose cinq morceaux pour un peu plus de vingt minutes, ce qui forme une carte de visite non dénuée d’intérêt. La musique de Pass of Era est (comme toujours) pétrie de multiples influences, mais sans qu’on ait l’impression d’écouter un « clone de ».

Il y a un réel effort d’essayer de se démarquer des groupes anciens ou modernes et, même si ces efforts ne paient pas toujours (et sont parfois desservis par une production très approximative, comme sur « The Culling » ou “Defecting Generica”), on sent le talent des membres du groupe dans des compositions comme “No Shell Is Empty”, “Era Seleras” et « Blessed and Guilty ».

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Jolly: The Audio Guide to Happiness (part one)

Si j’étais du genre feignasse, cette chronique sur le dernier album de Jolly, The Audio Guide to Happiness (part one) consisterait en la seule phrase “comme son nom l’indique”. J’avoue que, rien que pour la beauté du geste, j’ai hésité. Je vous passe sur les jeux de mots foireux du genre “jolly coup”, allons plutôt à l’essentiel: The Audio Guide to Happiness est un excellent album de néo-prog moderne. Alors que le premier album du groupe américain, intitulé Forty-Six Minutes, Twelve Seconds of Music ne m’avais pas particulièrement impressionné, celui-ci possède des qualités qui me parlent nettement plus.

D’une part, c’est certes du néo-prog, mais pas vraiment le modèle des années 1980: grosse patate, gros son, grosses guitares, Jolly flirte plus avec le hard-rock qu’avec la pop new-wave. Si je devais établir une comparaison, cet Audio Guide to Happiness me rappelle furieusement Frost* et, notamment, son dernier album Experiments in Mass Appeal; c’est d’ailleurs ironique que Jolly sorte un tel album au moment où Jem Godfrey annonce qu’il met un terme à son projet (on l’espère provisoirement).

Si je ne suis pas complètement enthousiaste sur l’intégralité de l’album, il réserve néanmoins des moments impressionnants d’intensité et de maîtrise, comme “The Pattern” (sans doute le plus frostien des morceaux avec son avalanche de riffs guitare/claviers et son pont instrumental chaotique à souhait) ou “Still A Dream”, qui commence plan-plan et s’enfonce dans le sombre – comme un rêve qui tournerait au cauchemar. Je mentirais si je prétendais avoir trouvé l’album parfait, mais il n’y a aucun morceau qui ne paraisse pas à sa place dans The Audio Guide to Happiness et rares sont ceux qui, à l’instar de “Where Everything’s Perfect”, ne cachent pas derrière une façade en apparence banale quelques pointes de folie.

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