Oui, je sais, je suis tout cassé, je ne devrais pas aller faire le zazou dans les concerts. Mais putain, c’est Yes! Yes qui passe à Genève! De mon vivant! Enfin, Yes feat. Jon Anderson, Trevor Rabin & Rick Wakeman, ce qui est quand même un beau casting. Et, quand je dis Genève, c’est au festival Guitare en Scène de Saint-Julien en Genevois, à quinze bornes du centre.
Guitare en Scène se définit comme le plus petit des grands festivals et on a du mal à le nier. Situé sur le Stade des Burgondes, si près de la frontière suisse que j’y capte encore les réseaux GSM suisses (en plus du wifi), l’événement aligne deux scènes, une armada de food trucks, de la bière régionale (bon point!) et, surtout, une programmation ahurissante.
On y a vu passer, les années précédentes, Santana, Satriani, Scorpions, (et même Steven Wilson, c’est dire!) et bien d’autres, pas seulement avec des noms en S. Pour une petite structure, c’est impressionnant. Comme son nom l’indique, le festival s’est imposé une thématique “guitare” et y est fidèle. Il propose notamment un tremplin rock et des ateliers sur ce thème, en marge du festival en lui-même.
Pour dire à quel point c’est proche, si je n’avais pas eu ce stupide problème d’épaule, je serais venu à vélo. Du coup, je me suis rabattu sur le bus et, moins d’une heure après avoir quitté le bureau, je me retrouvais dans l’enceinte.
À peine le temps d’acheter les “euros-festival” et une bière (à la myrtille) et Alex Cordo, groupe grenoblois, ouvre la soirée avec une formation qui fait honneur au nom du festival, puisqu’il aligné pas moins de quatre guitares (bassiste compris; j’apprendrai plus tard qu’il n’est pas le bassiste officiel du groupe, mais qu’il officie dans le groupe de prog Anasazi, le monde est petit).
Sur la scène en plein air – et en plein cagnard – le groupe nous livre une bonne demi-heure d’un rock instrumental qui parfois me rappelle le post rock avec des belles montées en puissance. Avec ses chorégraphies quasi-martiales, la prestation très maîtrisée et énergique, parfaite pour ouvrir les festivités.
Une petite demi-heure plus tard, on passe sous le chapiteau pour accueillir une légende du rock, Glenn Hughes, bassiste ayant œuvré avec Deep Purple et Black Sabbath, entre autres. Rien que. J’avoue que je ne suis pas un fan de la scène hard rock seventies et pourtant je suis resté presque pendant toute la prestation du bonhomme (modulo un AFK BIO).
Un jour, il faudra que je m’intéresse à cette période et à ce genre, histoire de me faire une culture, mais j’aime autant vous dire que, cinquante ans de scène ou pas, le sieur Hughes et ses acolytes assurent grave! Grosse patate devant un public enthousiaste, même s’il peine à remplir le chapiteau. Il est vrai qu’on est en semaine, qu’il est encore tôt et que, cette semaine, la concurrence de Paléo n’aide pas.
Retour à la scène en plein air. D’abord pour un interlude débilomusical avec Porcapizza, un Italien qui fait de la musique sur des bricolages infâmes: machine à écrire, xylophone en couteaux de table, pot de yaourt (littéralement) et guitare bricolée sur une raquette de tennis, avec un vieux combiné en Bakélite comme micro.
Ensuite pour Dumpstaphunk, un ensemble venu de la Nouvelle-Orléans qui fait du funk. Comme son nom l’indique. Sans détester viscéralement le genre, je ne peux pas dire que je suis un grand fan de funk. Alors je profite de la pause. Et puis c’est pas pour faire mon chouineur, mais les festivals en milieu de semaine, ça fatigue un peu les vieux. Surtout les vieux avec une attelle.
Mais il est l’heure: l’heure des légendes. Yes, en configuration Anderson/Rabin /Wakeman, monte sur la grande scène et, instantanément, cinq mille progheads se téléportent devant et commencent à hurler. Ils ne s’arrêteront qu’une heure et demie plus tard, et encore: contraints et forcés.
Dans l’intervalle, le trio et ses deux acolytes en section rythmique font des allers et retours entre les années septante (“And You And I”, “Heart of the Sunrise” et “Roundabout” en rappel) et huitante, avec pas moins de trois morceaux de 90125: “Hold On”, “Changes” et “Owner of a Lonely Heart” et un de Big Generator, “The Rythm of Love”.
C’est amusant de penser que cet album – 90125, donc – souvent honni par les fans, est en fait celui qui a contribué à ressortir Yes de l’oubli. Anderson & Co. ne l’ont visiblement pas oublié, d’où cette place de choix dans la setlist.
Dans tous les cas, Jon Anderson est impressionnant de maîtrise, la voix encore remarquablement solide. Rick Wakeman et sa cape régalienne trône au milieu d’une véritable forteresse de claviers (une bonne douzaine) et Trevor Rabin virevolte, guitare à la main.
Je me prends à penser que Yes et Pendragon ont beaucoup de points communs, notamment physiques, entre Anderson et Barrett d’un côté, Wakeman et Nolan de l’autre. Et, visiblement, aucun des deux groupes n’a l’intention de s’arrêter: les musiciens semblent encore beaucoup trop s’amuser sur scène pour y songer.
J’ai aussi constaté avec un certain plaisir que si la foule était composée en grande partie d’ancêtres (plus que moi, s’entend), il y avait aussi pas mal de jeunes. J’ai discuté avec deux étudiants qui étaient venus de Lausanne spécialement pour voir Yes. Entre ce concert et le Prog Frog à Aarau, j’ai bon espoir que le rock progressif ne meure pas avec cette génération.
Bref, c’était bien. Je n’irais pas jusqu’à affirmer que c’est le meilleur concert de l’année, mais ça fait du bien de voir des légendes sur scène. Et puis Guitare en Scène est un chouette festival, à échelle humaine, avec une belle programmation. Le plus gros défaut, c’est que je ne pouvais pas applaudir.
Une sélection de cinquante photos (prises à une main, avec le compact de secours) est disponible sur Flickr sous licence Creative Commons. Elles sont surprenamment peu crapoteuses; je suis déçu en bien.
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Décidément la guitare inspire beaucoup de festivals… Et pour glenn hugues et Yes, j’aurais fait un effort avec une épaule en moins 😉
C’est vraiment dommage pour moi. J’aurai aimé assister à ce festival et réapprécier leur musique.
Patrick
Un peu loin de Paris, non? 😉