Et si la révolution micro-informatique avait commencé avec quinze, voire trente ans d’avance et avait été lancée par… Andy Warhol? Avec Warhol Invaders, Nicolas Labarre nous propose un texte geek et uchronique particulièrement réussi.
Difficile de parler ici de « roman ». Warhol Invaders est une sorte de fresque a-historique en quatre parties, qui commence le 31 décembre 1967 avec une tentative d’assassinat sur Andy Warhol – en écho à celle, véridique, qui manqua de le tuer six mois plus tard.
À cette occasion, il est sauvé par le couple formé par Susan Gefford et Ralph Schaltung, qui viennent lui présenter leur projet, une promesse d’ordinateur connecté pour tout un chacun.
Cinq ans plus tard, les « Warhol Box » sont devenue incontournables, mais le couple, lui, est irréconciliable: Ralph est devenu un gourou de la technologie, vendant des ordinateurs bridés, alors que Susan est à la tête d’un mouvement de « bricoleurs » qui cherchent à garder le système le plus ouvert possible.
L’idée de l’uchronie de Warhol Invaders, c’est donc d’imaginer ce qui se serait passé si l’informatique grand public était apparue avec près de quinze ans d’avance, voire trente si on y ajoute Internet. Et, surtout, portée par quelqu’un comme Andy Warhol.
Apparue dans un contexte beaucoup plus politisé – l’Amérique de la fin des années soixante – on comprend en filigrane que ces machines déchaînent les passions. Et l’opposition entre la vision de Ralph, entrepreneur aux faux airs de Steve Jobs, et ceux de Susan et de son réseau OrgComp, qui rappelle les tenants du logiciel libre, prend des allures de guerre idéologique.
Warhol Invaders nous emmène d’abord dans la Factory de l’artiste, à New York, puis nous embarque pour une terre exotique: la Touraine du début des années septante, où un gendarme, père célibataire, se retrouve embringué dans une opération anti-hippies qui manque singulièrement de hippies et qui semble être commandée de très haut.
La fille de ce gendarme forme le liant avec les deux autres parties de l’ouvrage: d’abord, une immersion très réussie dans la convention démocrate de 1976, dont l’issue pourrait bien dépendre de Susan Gefford. Et, dans la quatrième partie, située fin 1980, cette dernière gère la communauté OrgComp, réunie en convention à Sioux City.
La troisième partie, vue sous la « plume » d’un journaliste d’une feuille de chou, est sans doute la plus intéressante. Elle nous plonge directement dans une New York en pleine décadence – quelque part, la ville-symbole des films à la Dirty Harry – et où émergent encore des lieux de contre-culture forts. Et la convention démocrate est un contrepoint assez saisissant.
J’ai été particulièrement marqué par l’idée de l’utilisation des jeux vidéos pour préparer les militants à affronter les adversités. C’est une des dizaines d’idées brillantes de ce bouquin. Globalement, l’ensemble de Warhol Invaders est très bien. Découvert grâce au blog De l’autre côté des livres, c’est une uchronie intelligente, rythmée et à l’écriture bien pensée pour coller aux événements.
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