Twelfth Night, c’est un peu le groupe que tu sors quand tu veux faire genre “chuis un vrai prog-head, je connais des groupes vraiment obscurs”. Fact and Fiction – The Definitive Edition est un triple album qui témoigne de l’impact de cette formation britannique qui, avec Marillion, Pendragon et IQ, a été à l’origine du néo-prog des années 1980.
Je vous avoue volontiers une tendresse particulière pour ce groupe, qui est un des premiers que j’ai découvert via Live and Let Live, acheté lors de mon premier voyage à Londres vers 1985. J’y ai découvert une musique certes un peu brouillonne, bien moins léchée que celle de Marillion ou de Pendragon, mais vibrante d’énergie et de rage.
Oui, de rage. Ce n’est pas courant dans le prog, mais Twelfth Night est un groupe qui naît à la fin des années 1970 des cendres d’un groupe punk. Ça se sent.
Il faut dire aussi qu’à cette époque, en Grande-Bretagne, c’est l’avènement du thatcherisme avec son cortège de licenciements, de grèves et de manifestations violemment réprimées, le démantèlement de l’état social britannique – sans compter une situation internationale sur laquelle plane la menace d’un échange nucléaire.
Ces thèmes vont se retrouver dans ce premier album, dans les textes, mais aussi dans la musique. On y trouve aussi – et surtout – Geoff Mann, chanteur et frontman hors pair, qui deviendra plus tard pasteur anglican (d’où son surnom de “Rockin’ Rev”) avant de mourir d’un cancer à 36 ans. Chanteur emblématique du groupe, il n’a cependant enregistré que Fact and Fiction avec Twelfth Night – et Live and Let Live.
Il faut avouer aussi qu’hormis ces deux titres, la carrière de Twelfth Night a été nettement moins brillante: deux autres albums studios dans un style plus pop new-wave, deux compilations et deux autres albums live. Rien qui n’arrive à éclipser la puissance de l’époque Geoff Mann.
Cette “Definitive Edition” est donc un triple CD, totalisant près de quarante pistes et trois heures et demie de musique. C’est peut-être un peu exagéré: il y a des choses très intéressantes dans cette compilation, mais aussi beaucoup de redites.
Le premier disque est consacré aux enregistrements studio de 1982, c’est-à-dire l’intégrale de Fact and Fiction. Le deuxième contient des versions live de toutes les pistes de Fact and Fiction, mais pas toujours avec le même chanteur, ainsi quelques démos. Et le troisième comprend des reprises de titres de Twelfth Night par des artistes contemporains, comme Pendragon, Tim Bowness, ou des membres de Galahad, ainsi que deux pistes interprétées par le groupe de Geoff Mann post-Twelfth Night.
Musicalement, j’aurais tendance à dire que la musique de Twelfth Night ne ressemble à aucune autre, mais ce serait un peu pousser. Disons que s’il y a clairement une inspiration rock progressif dans les jeux de claviers et de guitares, ainsi que dans les compositions alambiquées, il y a également dans leur jeu une énergie et une intensité qui était peu courante à cette époque.
La piste emblématique de Fact and Fiction n’est curieusement pas le morceau-titre, mais plutôt “We Are Sane”, oxymore musical passablement déjanté introduit par un Te Deum et qui court, de tableaux en tableaux, sur plus de dix minutes – et jusqu’à douze en live. Un titre incroyablement moderne, comme le prouve sa reprise par Mark Spencer (un des musiciens du “nouveau” Twelfth Night).
On peut aussi citer le deuxième epic de l’album, “Creepshow”, moins tordu mais plus sombre, ou les instrumentaux “The Poet Sniffs a Flower” ou “World Without End”, un peu plus convenus mais très sympathiques.
Je n’irais pas dire que tout l’album est génial; il y a quelques passages plus faibles – je ne suis pas fan de “Human Being”, par exemple – et, objectivement, le son est sérieusement daté. Mais Twelfth Night est un groupe qui a su combiner énergie et émotion avec une force impressionnante pour l’époque. C’est un groupe-phare du début des années 1980 qui mérite d’être découvert ou redécouvert.
En l’état, l’acquisition de ce Fact and Fiction – The Definitive Edition est sans doute un peu overkill pour une simple découverte; un collectionneur y trouvera plus facilement son compte dans la jungle des diverses variantes. Mais l’objet est beau, pas si cher et contient des pépites, alors s’il passe à votre portée, n’hésitez pas: ressortez votre vieux “cuir” de l’époque et rendez-vous devant le Marquee!
Bonus un peu capillotracté: une vidéo live et officielle de “The Poet Sniffs a Flower”, mais enregistrée en 2010. C’est un peu tout ce que j’ai trouvé…
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