Généralement, quand un groupe qualifié de “progressif” se lance dans un double album studio, le chroniqueur moyen se méfie. Cela peut être très bon ou une monstruosité dégoulinante d’égo et d’ambition. Parfois les deux, mais rarement entre les deux. Dans le cas de Legends of the Shires, le dernier opus de Threshold, on est heureusement plus dans la première option.
Lors de ma chronique du précédent album de Threshold, For the Journey, j’avais dit que leur musique n’était pas vraiment du metal progressif typique. Cela se confirme ici, avec un style qui fait plus penser à un néo-prog surhormoné, un peu comme si Saga, Pendragon et Arena avaient fusionné en un übergroupe (vu qu’Arena est déjà un supergroupe).
La nouveauté de cet opus n’en est pas vraiment une: Damian Wilson, au chant, cède la place (involontairement, semble-t-il) à Glynn Morgan, qui était déjà au micro sur les tous premiers albums du groupe, vingt ans auparavant. Honnêtement, autant j’aime beaucoup ce que fait Damian Wilson, autant son départ ne se sent pas vraiment: Morgan est un très bon chanteur au timbre très similaire à celui de son prédécesseur (et successeur).
Legends of the Shires est donc un double album: quatorze pistes, plus de quatre-vingt minutes au total, deux magnifiques epics (“The Man Who Saw Through Time” et “Lost in Translation”) qui dépassent les dix minutes, au moins trois autres entre sept et neuf. Du costaud, ça ne fait pas semblant!
Je répète également ici ce que j’avais dit sur le précédent album: la musique de Threshold est généreuse. Généreuse avec les “portions”, déjà, mais également sur la qualité. On y retrouve l’énergie du metal progressif et le côté “champagne” du néo-prog, avec en prime quelques belles ambiances.
Et quoi de mieux pour le prouver que les trois premières pistes de l’album: le mélancolique “The Shire, Pt. 1” qui enchaîne sur un “Small Dark Lines” bref, mais énergique en diable, avant de lancer le premier epic de l’album, le fabuleux “The Man Who Saw Through Time”. OK, à douze minutes, il est peut-être un peu abusé, mais perso, je ne vois pas le temps passer – surtout avec l’instrumental guitare-claviers à la Saga.
Le défaut, c’est qu’après un début pareil, on peut craindre que le groupe s’essouffle. On ne va pas se mentir: c’est un peu le cas, mais un peu seulement. “Trust the Process” tient encore la route sur près de neuf minutes et “Stars and Satellites” est également très bon et, même si on entre dans une sorte de ventre mou, il faut le comprendre comme “juste très bien” au lieu de “excellent”.
On peut se dire qu’il s’agit là d’une mise en bouche avant d’attaquer “Lost in Translation” et ses dix minutes de bonheur – avec de nouveaux des soli que les frangins Crichton n’auraient pas renié. Visiblement, le Saga des années 1980 revient à la mode et c’est plutôt bien. Il y a aussi pas mal d’influences floydiennes – un peu comme chez Pendragon, d’ailleurs.
C’est marrant, mais à la première écoute de Legends of the Shires, ma réaction a été “ouais, bon, c’est du Threshold de base”. J’aurais dû me rappeler, d’une part que ce qui est pour Threshold la base est très haut placée et qu’il faut se méfier des premières impressions.
Plusieurs écoutes au casque plus tard, je ne peux qu’affirmer que cet album est vraiment excellent, une des perles de 2017. Je vous le recommande donc en retard, certes, mais avec de l’enthousiasme pour compenser.
Double bonus, parce que double album: les vidéo de “Small Black Lines” et de “Lost in Translation”
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THRESHOLD ne dévoile ses saveurs qu’au fil de nombreuses écoutes. Ce disque est sublime.