Au début des années 2000, et au début de The Bezzle, de Cory Doctorow, Martin Hench et son pote Scott Walls se retrouvent à jouer des coudes avec des ultrariches sur une île au large de Los Angeles. Ils découvrent par hasard une arnaque basée sur le trafic de fast-food et mettent le doigt dans un engrenage qui va très mal tourner.

J’imagine que si vous vous êtes arrêtés à « arnaque basée sur le trafic de fast-food », vous devez être en mode WTF avancé. C’est un peu normal, mais c’est très sérieux: sur cette île, les chaînes de fast-food sont interdites et les autochtones font de la contrebande depuis le continent.

Sauf que cette contrebande a été montée par un des ultrariches du coin sous la forme d’une arnaque pyramidale et que Marty, le protagoniste et narrateur de cette histoire a le nez pour ce genre de blague et s’arrange pour y mettre un terme. Au passage, le terme qui donne son titre à cette histoire, c’est le moment où la victime d’une arnaque a déjà perdu son argent, mais ne le sait pas encore.

Cette interférence lui vaudra, à lui et à son pote, une solide inimitié de la part de l’instigateur (qui, non content d’être un arnaqueur, est aussi revanchard). Inimitié qui, plusieurs années plus tard, se soldera par l’arrestation de Scott. Et, pour Marty, une plongée dans l’univers sordide du système pénal californien et ses prisons privées.

Comme souvent dans les romans de Cory Doctorow, l’intrigue de The Bezzle est un petit peu une excuse pour dénoncer des dysfonctionnements majeurs dans l’Amérique de ce début de XXIe siècle. Si vous avez lu le précédent roman, Red Team Blues, vous savez que Marty étant un spécialiste freelance des bricolages comptables chelous (le terme anglais est forensic accountant, ce qui peut se traduire par « comptable-légiste », par analogie à médecin-légiste), il a le chic pour décortiquer ces systèmes et leurs perversions.

Ainsi, la privatisation des prisons a remplacé les visites et les bibliothèques par un système de tablettes propriétaires et de contenus numériques, vendus à des prix prohibitifs. Sans parler du remplacement des gardiens par des vigiles sous-formés et la baisse sensible de qualité de la bouffe, déjà pas terrible à la base. Ajoutez à ça un entrepreneur rapace et vindicatif, qui n’hésite pas à faire appel à des gangs néo-nazis pour casser les curieux et a pour associés des flics violents, vous aurez la recette pour une enquête à haut risque.

Les romans de Cory Doctorow et moi, ça peut souvent se résumer par « c’est bien, mais ». The Bezzle ne fait pas vraiment exception à cette règle.

Côté plus, l’histoire est franchement fascinante, pour qui s’intéresse à la politique US et au capitalisme prédateur post-reaganien. Il y a clairement un aspect militant, mais je côtoie le bestiau depuis suffisamment longtemps pour ne pas en être surpris ni gêné; je dirais même que c’est souvent ce qui fait son intérêt (team gauchiste reprezentz). Côté moins, l’intrigue a tendance à se perdre dans des digressions, notamment des longues descriptions de repas et de beuveries qui feraient peur à un Valaisan adulte (je parle d’expérience).

Mais, dans l’absolu, j’ai donc plutôt bien aimé la lecture de ce court roman (230 pages, même si j’ai lu la version ebook) et je le recommande volontiers à ceux qui aiment les technothrillers à base de tableurs.

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