« Tè Mawon », de Michael Roch

Dans une ville futuriste qui recouvre toutes les Caraïbes, une galerie de personnages se croisent dans une quête pour la terre originelle. C’est le résumé de Tè Mawon, le pas banal roman cyberpunk de Michael Roch.

Quand je dis « pas banal », je ne plaisante pas. Déjà, si on part du contexte – à savoir une ville tentaculaire bâtie sur des îles Caraïbes rasées pour les besoins de sa construction – on est déjà sur du lourd.

La date n’est pas précisée, mais on est dans un avenir raisonnablement proche. On peut lire entre les lignes les conséquences d’une pandémie, la déliquescence des grands États-nations comme les USA et l’Europe et l’émergence de Lanvil comme grande puissance économique et culturelle.

Le lecteur de cyberpunk retrouvera dans Tè Mawon le cliché de la cité partagée entre une haute-ville, vitrine brillante et policée, et une basse-ville où s’entassent ceux qui n’ont pas pu (ou pas voulu) s’intégrer au système.

Parmi ceux-ci, Joe et Patson, deux jeunes en quête d’Ivy, la copine du premier, qui a disparu mystérieusement. On suit aussi Pat, le père de Patson, ancien militant en apparence assagi, mais en apparence seulement. Et enfin Ézie et Lonia, sœur ennemies, toutes deux traductrices au service du dirigeant de Lanvil.

Mais ce qui fait tout le sel de Tè Mawon, c’est la langue. Michael Roch, lui-même d’origine martiniquaise, a fait le pari d’écrire son roman en grande partie en créole caraïbe, sans lexique ni rien. Seules quelques remarques des personnages permettent parfois de recaler certains termes.

Ce n’est pas seulement une coquetterie: la langue, la culture – créole, mais pas que – prennent une place centrale dans l’intrigue. Ce n’est pas un hasard si les deux sœurs sont traductrices: leur métier est bien plus vaste que l’intitulé le laisse penser, elles sont des médiatrices qui veillent à l’équilibre de Lanvil.

Langues, cultures et spiritualités se mélangent au cœur de Lanvil, qui malgré ses aspects inhumains, apparaît comme une expérience sociale aux ambitions utopiques. J’ajouterai également à ces thèmes celui du transhumanisme, qui apparaît également dans les personnages des deux traductrices.

Si je devais mentionner un défaut de Tè Mawon, c’est peut-être qu’à force de multiplier les thèmes, il a tendance à s’éparpiller. Disons les choses autrement: le contexte est largement plus grand que ce seul roman – au demeurant plutôt court, avec un peu plus de 200 pages.

Il a également le défaut de sa force: une écriture « babélienne » qui mélange français et créole dans un sabir pas toujours évident à suivre. Ça peut en rebuter certains; personnellement, je savais à quoi m’attendre, mais un lecteur pris par surprise pourrait très bien rendre les plaques après quelques pages.

Mais dans l’ensemble, j’ai vraiment beaucoup apprécié la lecture de Tè Mawon. C’est du cyberpunk avec une dimension sociale forte et contrastée. Et si on arrive à entrer dans l’écriture, c’est une immersion bluffante.

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