Je connais peu d’albums qui ont déclenché une telle tempête de matière brune dans le petit monde de la musique que ce Lulu, improbable collaboration entre le chanteur américain Lou Reed et les gros métaleux pas subtils de Metallica. Si Ghislain ne m’en avait pas parlé (notamment via ce lien), j’aurais sans doute fait l’impasse, mais il a su titiller mon intérêt, le bougre!

Je soupçonne que le plus gros du trafic haineux est le fait de deux catégories de personnes: les FBDM de Lou Reed et les FBDM de Metallica. N’entrant dans aucune des deux catégories (je réserve ma FBDM attitude à d’autres sujets), j’ai un chouïa plus de recul, mais je dois avouer que je comprends un peu le côté extrême des réactions, parce que dans le genre OVNI, cet album fait également dans l’extrême.

Déjà, il s’agit d’un concept inspiré d’un opéra dodécaphonique éponyme monté dans les années 1930, basé sur deux pièces de théâtre, Erdgeist et Der Büchse der Pandoraformant un diptyque, écrites par l’Allemand Frank Wedekind au début du XXe siècle et qui ont, comme de bien entendu, donné lieu à une adaptation en film expressionniste allemand. Je vous raconterais un truc pareil pour n’importe quel groupe de prog, vous croiriez que je me paie votre tête…

Musicalement, on peut résumer cela par Lou Reed qui déclame des textes abscons pendant que Metallica fait du Metallica dans le fond. C’est un peu lapidaire, mais ça colle assez bien à l’ensemble et, du coup, ça permet de comprendre pourquoi les critiques hurlent au foutage de gueule de classe intergalactique.

Sauf que, dans l’oreille d’un non-fanboy – qui plus est blindée par l’écoute de nombreux albums bien plus abscons – cela donne une atmosphère bizarre, glauque, complètement barrée. Il y a un petit côté post-métal, dans l’atmosphère qui se dégage de cet album, avec un gros gros décalage provoqué par les interventions mi-chantés, mi-scandées de Lou Reed.

C’est parfois à la limite du supportable, comme sur la fin de “Pumping Blood” ou “Mistress Dead”, mais la collaboration donne également lieu à des morceaux de bravoure spectaculaires de noirceur, comme “Cheat On Me” ou “Dragon”, sans parler du final très atmosphérique “Junior Dad”.

Alors oui, Lulu est un album dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est difficile d’accès et qu’il n’est pas évident de l’aimer – et je n’irai pas non plus jusqu’à dire que je l’aime moi-même. C’est un pari artistique ultra casse-gueule que ce sont lancés là Lou Reed et Metallica. Il faut se donner la peine de rentrer dans le délire, mais le voyage en vaut la peine.

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