J’ai profité du voyage en train vers Cannes pour me lire deux autres bouquins de Nicolas Bouvier, dont Le vide et le plein, l’autre ouvrage qu’il a écrit sur ses pérégrinations japonaises (le premier étant Chronique japonaise). Je soupçonne avoir pris les deux dans l’ordre chronologique inverse (contrairement à Thias, qui l’a chroniqué dans le bon ordre), mais, à la vérité, ce n’est pas très important.
Cette impression vient principalement du ton général de l’ouvrage : on sent, à sa lecture, qu’au moment où il écrit ces lignes l’auteur n’a pas encore réussi à prendre la pleine mesure du Japon et, surtout, des Japonais. En ce sens, c’est un ouvrage qui révèle un Nicolas Bouvier un peu désarçonné par ce peuple et ses coutumes aussi étranges – même pour un grand voyageur comme lui. Au contraire, Chronique japonaise et son introduction historique (probablement peu scientifique, mais qu’importe) marque une sorte de réconciliation.
Hormis ce détail, Le vide et le plein est un ouvrage très similaire : on y suit l’auteur dans sa vie quotidienne au Japon, dans les années 1964-1965, puis vers 1970. Il y a là des impressions de voyage, comme d’habitude, des excursions journalistiques dans des lieux plus ou moins connus, plus ou moins touristiques. Il y a également des instantanés de vie quotidienne : Nicolas Bouvier habite Kyoto, puis Tokyo, avec femme et enfants.
Son regard, c’est une regard d’ethnologue à l’échelle humaine : il recherche l’universel dans l’unique, la spécificité japonaise auprès du Japonais lambda – sans la trouver. Visiblement, ça le travaille et c’est sans doute ce qui fait une grande partie de sa frustration, perceptible dans ses textes.
Ce qui m’a marqué n’est pas tant cette frustration que l’absence d’amertume ou de déception dans son propos : Bouvier ne renonce pas pour autant à comprendre et le titre du livre, Le vide et le plein, fait référence à sa recherche. C’est à travers le bouddhisme zen japonais qu’il cherche à réconcilier les différents aspects de la culture japonaise, comme une sorte d’antidote au formalisme des traditions. Est-ce là la réponse ? Peut-être ; en tous cas, c’est la sienne.
Au risque de passer pour un vieux radoteur, je ne peux que conseiller la lecture de cet ouvrage à tous les amoureux du Japon, qu’ils soient débutants ou confirmés. Il ne faut pas le prendre comme une somme absolue – pour autant que cela soit possible –, mais comme le regard d’un homme sur d’autres hommes. Le fait que ce regard date de plus de quarante ans ne doit pas être perçu comme un obstacle.
Je recommande également aux rôlistes qui lisent ces lignes (il paraît qu’il y en a) de se plonger dans la lecture de Nicolas Bouvier – et pas seulement à ceux qui jouent dans des univers nipponoïdes. Il y a énormément à apprendre du regard de cet auteur dans la façon d’appréhender et de décrire des cultures, surtout du point de vue de la vraisemblance littéraire, plutôt que scientifique.
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