“The Pirate’s Dilemma”, de Matt Mason

The Pirate’s Dilemma, de Matt Mason, m’a été prêté par Jess et est resté un certain temps sur mes rayonnages. À l’époque, je venais de terminer Here Comes Everybody et j’étais assez peu enthousiaste à l’idée d’attaquer un autre bouquin du même genre, surtout datant de 2008.

Un mal pour un bien: cette lecture est arrivée à pic pour nourrir ma réflexion sur la question de la publication. Car, malgré son titre, l’ouvrage de Matt Mason touche à un peu tout le domaine de la création en plus de celui, plus spécifique, de la culture numérique.

L’idée centrale de l’ouvrage est qu’il y a de tous temps eu des “pirates” pour s’approprier des contenus (culturels ou industriels), les transformer et les revendre. En gros, c’est comme ça qu’a toujours fonctionné la création (culturelle, mais pas que). Face à eux, l’industrie peut choisir de les combattre, ce qui est inefficace, ou entrer en compétition avec eux.

Je dirais que cet ouvrage souffre à mes yeux de deux défauts majeurs: d’abord, un présupposé que le capitalisme est une Bonne Chose et qu’il n’y a pas d’alternative, et ensuite un angélisme marqué sur ce sujet précis et sur certains exemples particuliers. Trois si on compte le fait qu’il a été édité il y a plus de cinq ans et que certains exemples datent plus qu’un peu.

Ce dernier point est moins rédhibitoire qu’il n’y parait, parce qu’à mon avis, l’intérêt de The Pirate’s Dilemma tient moins dans ses chapitres qui parlent de la culture numérique que dans ceux qui parlent de culture tout court et, en particulier, de musique.

Un des premiers exemples de pirate que donne le bouquin, c’est la culture punk. Il parle aussi de disco, de rap et de hip-hop. En bref, tout ce que je n’aime pas en musique, ou presque. Et pourtant, j’ai trouvé ces exemples passionnants et ça ma fait découvrir tout un pan d’histoire culturelle que je ne connaissais pas.

Une des thèses de l’auteur, c’est que la culture se nourrit du partage (par inspiration et remix) et que, si beaucoup d’artistes à travers les âges l’ont compris, les conglomérats médiatiques industriels d’aujourd’hui ont visiblement du mal avec ce concept. Rien de nouveau sous le soleil, quand on s’intéresse au sujet, mais la démonstration historique est fascinante.

L’autre aspect évoqué par Matt Mason est qu’on peut faire des affaires tout en partageant. Ce n’est pas antinomique et c’est surtout une question d’authenticité. Là encore, les exemples (notamment parmi les rappeurs) sont très intéressants, même s’ils servent à faire l’éloge d’une économie capitaliste qui m’agace.

Petite touche bien vue (et bienvenue): la présence, en fin de chapitre, de résumés en forme de check-list. Cela ajoute un aspect pratique à l’ouvrage et c’est souvent intelligent.

Malgré ses défauts, j’ai donc été plutôt content de lire The Pirate’s Dilemma. Pour ceux qui s’intéressent aux questions pertinentes à la culture numérique, il est certes un peu daté, mais globalement pertinent, mais surtout très pointu pour ce qui est de l’ancrage du sujet dans un contexte historique plus vaste.

L’auteur étant en plus du genre à suivre ses paroles par des faits, The Pirate’s Dilemma est téléchargable (en torrent) sur le site pour le prix que vous voulez — y compris zéro, donc.

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2 réflexions au sujet de ““The Pirate’s Dilemma”, de Matt Mason”

  1. Le partage des idées, leur reprise et leur enrichissement c’est également comme ça que fonctionnent la SF et la fantasy. Et dans ce milieu personne ne crie au pilage parce que Y a réutilisé une idée créée par x en la modifiant et la traitant d’une autre manière.

    Sinon en ce qui concerne le capitalisme, je pense que l’économie sociale et solidaire ne peut que se développer dans un système capitaliste. Proudhon a créé le système coopératif par réaction contre le marxisme. Son idée le changement devait utiliser les outils du système pour le combattre.

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    • C’est ainsi que fonctionnent toutes les formes d’art, ainsi que la science et sans doute pas mal d’autres activités humaines. Nous ne sommes effectivement que des nains perchés sur les épaules des géants qui nous ont précédé.

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