“L’échappée belle”, de Nicolas Bouvier

Il y a donc des ouvrages de Nicolas Bouvier que je n’ai pas encore lu, notamment ce L’échappée belle, sous-titré “éloge de quelques pérégrins”. Ce n’est pas ici un livre de voyages – encore que – mais plutôt un livre sur les voyages et les voyageurs. Plus précisément, les écrivains voyageurs suisses (ou assimilés), historiques ou contemporains.

L’ouvrage est court et moins autobiographique que ses habituels ouvrages, mais il permet de découvrir certaines facettes peu connues de l’écrivain – et pour cause – à commencer par ses séjours sur sa terre natale suisse et ses inspirations de lecture. Ce sont là des sujets qui avaient déjà été effleurés dans Routes et déroutes, mais ici, Bouvier se laisse aller à parler des auteurs qui l’ont précédé et influencé.

Un peu comme dans Chronique japonaise, l’ouvrage commence par une parenthèse historique pour rappeler la mini-épopée helvète, narrée par Jules César, avant de s’attacher à deux écrivains voyageurs aux destins similaires, mais opposés: Paracelse et Thomas Platter. L’ouvrage suit en fait deux pistes distinctes, mais qui se rejoignent en Nicolas Bouvier lui-même: d’une part, la piste de ce “nomadisme suisse” dont il veut se faire l’écho et, d’autre part, celle de l’écriture de voyage.

Car Bouvier n’est pas parti pour écrire: il est parti d’abord, puis a ressenti le besoin – impérieux – de relater ce qu’il avait vu et ressenti. Et là, malgré la foule de lecture qu’il avait pu faire, il s’est senti limité par la langue. C’est ainsi qu’il raconte comment il a pu trouver chez le comte de Gobineau (écrivain par ailleurs honni pour avoir servi d’inspiration aux théories raciales), entre autres auteurs, l’inspiration pour le vocabulaire et le style qui a été celui de L’usage du monde.

Il parle aussi avec passion d’auteurs qui lui sont plus contemporains, comme Vahé Godel, Albert Cohen ou l’exceptionnelle Ella Maillart, dont il dresse un portrait saisissant de la personne autant que de ses aventures (ne vous étonnez d’ailleurs pas si, au cours de cette année, vous voyez fleurir un ou deux billets sur ses ouvrages), qui commence par cette phrase:

“Cette aptitude à transformer les vivants en fantômes est assez répandue dans notre petit pays posthume, où la notoriété n’existe pour de bon que quatre pieds sous terre, un de marbre, et quand la succession n’a pas laissé de dettes.”

L’échappée belle est un très chouette bouquin qui se lit vite, mais c’est assez heureux que je l’ai découvert après avoir digéré le reste des œuvres majeures de Nicolas Bouvier; à mon avis, il aurait même fallu que je le lise avant Routes et déroute, mais ce n’est pas tragique. C’est plus un livre sur le voyage qu’un livre de voyage, mais il ne manquera pas de susciter, sinon des regrets, du moins des aspirations. Ça dépend un peu de l’âge du lecteur, je suppose.

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