Attendu de longue date – surtout après une prestation à la Loreley pauvre en nouveautés – le nouvel album de Dream Theater s’appelle A Dramatic Turn of Events et, sans admettre qu’il mérite son titre, il présente un changement marqué par rapport au précédent, Black Clouds and Silver Linings.
D’une part, c’est le premier album avec Mike Mangini, nouveau batteur qui remplace Mike Portnoy, parti (ou poussé) vers de nouveaux projets. Autant vous l’avouer tout de suite, je n’ai pas noté de différence. À mon avis, la différence principale est d’ordre musicale: avec A Dramatic Turn of Events, Dream Theater essaye des choses.
Je n’irais pas jusqu’à dire que le groupe prend des risques, parce que son style reste reconnaissable entre mille. Mais j’ai surtout trouvé que c’est un album bien plus progressif, mais aussi bien moins accessible que le précédent.
Que ce soit en adoptant des structures originales dans la composition des morceaux, comme par exemple sur “On the Backs of Angels” qui ouvre l’album, ou en se lançant dans des parties instrumentales parfois si complexes qu’elles frôlent la cacophonie, Dream Theater ose des trucs – pas toujours très heureux, mais baste! Par contre, il faut s’accrocher à ses écouteurs: ça part un peu dans tous les sens.
Si l’album ne compte pas de “magnum opus”, on y trouve en revanche quatre “medium opus” de plus de dix minutes et trois autres morceaux qui, avec une durée entre sept et neuf minutes, affichent une complexité impressionnante. Deux morceaux plus courts complètent le tout, pour plus d’une heure et quart de musique; ce qu’il y a de bien avec Dream Theater, c’est qu’au moins sur la quantité, on n’est pas volés!
Dans les expérimentations qui surprennent, après le “On the Backs of Angels” déjà mentionné, notons l’intro très techno-tchic-poum de “Build Me Up, Break Me Down” – que l’on retrouve également dans “Outcry” – qui teinte également le reste du morceau et ajoute à son côté très nu-metal rageur.
“Lost Not Forgotten”, d’inspiration med-fan, est musicalement plus classique, avec des thèmes qui rappellent “Under A Glass Moon” (ce qui ne rajeunit personne), si l’on excepte les moments où Jordan Rudess décide d’entraîner ses petits camarades dans des instrumentaux qui frôlent le nawak complet. Assurément le plus alambiqué du lot.
Les choses se calment un peu avec “This Is The Life”, balade existentialiste à la musique très émouvante, avant qu’on en revienne à du complexe avec “Bridges in the Sky”, onze minutes épiques sur le thème de la spiritualité qui s’ouvre sur du chant guttural. Rien que. Autant dire que c’est un des points forts de cet album, avec un instrumental d’exception.
“Outcry” est le deuxième point fort: un autre long morceau en forme d’hommage aux Révolutions arabes. Épique, complexe, acrobatique, teinté d’influences moyen-orienatales (à la limite du cliché), c’est une composition tirée au millimètre, à la densité musicale parfois effarante. Si on devait mettre plus de notes, on obtiendrait sans doute une singularité musicale.
Histoire de calmer les esprits avant “Breaking All Illusions”, le troisième tour de force de l’album, on trouve le bref et quasi-acoustique “Far From Heaven”. Une fois cette formalité accomplie, c’est reparti pour douze minutes! Une intro dans le plus pur style onirothespien pour un morceau qui reste dans le cadre classique du groupe, mais avec une exécution spectaculaire, genre quatre minutes de chant et huit minutes d’instrumental. Le plus calme (et assez anecdotique) “Beneath the Surface” termine l’album.
Pour conclure ce qui est sans doute une chronique beaucoup trop longue, je dirais que A Dramatic Turn of Events est un animal étrange, pas forcément inférieur à Black Clouds and Silver Linings, mais assurément plus expérimental. De mon point de vue, c’est une bonne chose – même si, comme beaucoup d’expérimentations, certaines ont tendance à exploser en vol.
C’est donc un un album que je recommande plus volontiers à ceux qui sont plus attirés par le progressif que par le métal. Après plus de vingt ans, Dream Theater essayerait de nous prouver qu’ils savent encore innover que ça ne m’étonnerait pas. Et, vous savez quoi? Ils y arrivent très bien!
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Incroyable: j’ai même entendu du Dream Theater passer à la radio hier!
Bon, ok: c’était sur Cracoucas, l’émission “métal” de Couleur 3, mais quand même 🙂
Et je l’ai trouvé plutôt accessible, moi, “On the back of angels”.
Ce n’est pas le plus barré de l’album, mais j’ai trouvé que, pour une entrée en matière, ce n’est pas le plus conventionnel.
La question est: ont-ils diffusé l’intégralité (= neuf minutes) du truc?
Ben non, tiens…
Ah et l’émission, c’est Krakoukass, en fait. C’est vrais: avec des K, ça fait plus dans le ton.
C’est vrai que, sur Couleur 3, y’a des K graves.
Après trois écoutes, j’avous m’ennuyer un peu avec ce onzième album, plutôt classique dans la forme… Je trouve dommage de privilégier la technicité au détriment de l’émotion, de la musique même. C’est pompeux parfois même. Mais bon, peut-être changerais-je d’avis après la dixième écoute!
C’est vrai que l’émotion n’est pas toujours au rendez-vous, encore que “Outcry” et “Breaking All Illusions” est plutôt pas mal de ce point de vue.
Je ne connaissais pas le groupe (comme à peu près 99,99% des groupes dont tu parles sur ton blog remarque :-). Après une écoute il y a plusieurs morceaux sympa mais l’utilisation parfois psychédélique de certains instruments (des synthés non ?) a tendance à gâcher plusieurs morceaux qui sans ça aurait très bon. Dommage car c’est pas mal du tout. Je vais lui faire passer l’épreuve du Walkman à cet album et on verra ce que ça donne.
Pourtant, Dream Theater, ce ne sont ni des perdreaux de l’année ni les habituels bidules abscons de pays improbables que je sors d’habitude.
Sinon, oui, l’héritage prog passe aussi chez eux par des claviers au son un peu vintage.
Grand fan du Théâtre des rêves, je suis enchanté par ce nouvel opus. 2 chefs d’oeuvre : “Breaking all illusions” et “This is the life”. 4 tueries “bridges in the sky”, “Outcry”, “Lost not Forgotten”, “Beneath the surface”. 2 titres moyens “OTBOA” et “Far from heaven” et un titre raté “Build me up, break me down”. Bref, si l’album avait commencé à Lost not forgotten, on se rapprocherait de l’album génial. “Images and Words” n’est plus si loin…