Création et financement en 2024

Eh oui, déjà deux ans depuis mon précédent panorama sur les différents outils numériques de financement pour créateurs. Il était précédemment titré « Création de contenu et financement », mais techniquement, « création de contenu » est un peu un pléonasme, donc simplifiions.

Le sujet me passionne depuis très longtemps. J’étais parmi les premiers utilisateurs de Flattr en 2010 et, si la promesse initiale des divers outils et services de mécénat ou de micro-dons (c’est un peu pareil) a pris du plomb dans l’aile depuis, je suis toujours intéressé par ce sujet.

Je vous avoue cependant que, ces deux dernières années, je ne m’y suis peut-être pas intéressé autant que j’aurais dû. Un peu de lassitude, sans doute. Il est donc possible que j’aie raté des nouvelles tendances ou des outils développés depuis.

Nos chers disparus

Ces deux dernières années on vu la disparition d’un certain nombre de projets. Certains connus, comme le Grand Ancien Flattr, un peu honteusement intégré dans un service anti-bloquer de pub, puis finalement fermé au début de cette année. Le service français uTip, après moult déboires, a fini par également rendre les plaques: liquidation judiciaire. Plus confidentiel, le projet Coil a été indiqué comme « terminé », ce qui veut dire beaucoup de choses.

Ça montre surtout que monter ce genre de plateforme n’a rien d’évident et que, vu qu’il y a des flux d’argent, il y a des soucis administratifs conséquents qui en découlent. Ce qui est compréhensible, parce que mine de rien, on rentre quasiment dans un domaine bancaire. Chose que, je soupçonne, ne comprennent pas toujours les initiateurs de tels projets.

Microdons

Du coup, il reste quoi dans le paysage? Quelques poids lourds et quelques projets plus récents, plus confidentiels aussi.

Au niveau du fonctionnement, je dirais qu’il y a deux écoles: l’abonnement et le don ponctuel; certains font les deux, mais ça reste assez rare.

Dans les abonnements, il y a « le patron », à savoir Patreon, qui semble être devenu le service incontournable au niveau global. C’est en tout cas celui que, dune part, j’utilise le plus pour faire des dons et aussi celui qui me rapporte le plus. Il propose une foule de services plus ou moins intéressant, un système de notifications, des publications en priorité pour les abonnés, etc. Peut-être trop de choses, en fait; en tout cas, beaucoup de trucs dont personnellement je ne me sers pas.

Le pendant « européen », c’est Tipeee. Même principe: des abonnements mensuels, mais peut-être plus basique dans son offre, ce qui n’est pas plus mal. S’est récemment ajoutée à cette offre KissKissBankBank: la plateforme de financement participatif a récupéré une partie du staff de uTip et lancé sa propre plateforme de mécénat, ce qui je trouve est assez malin. J’ai l’impression que ça reste encore un peu confidentiel – je soupçonne que peu d’utilisateurs de la plateforme connaissent ce service.

Liberapay est toujours actif. J’aime bien ce service, parce qu’il est basé sur de l’open-source, mais il faut reconnaître qu’il n’est pas très connu et pas très sexy non plus (pas seulement au niveau visuel, son fonctionnement est parfois assez byzantin). Et surtout, j’ai l’impression qu’il n’a pas évolué d’un pouce depuis deux ans, sinon plus. Ce qui n’est pas forcément un mal – ne réparez pas ce qui n’est pas cassé – mais laisse planer quelques doutes sur la pérennité du projet.

Au niveau des dons purs, il y a Ko-Fi, une plateforme très prisée des créateurs, surtout outre-Atlantique, ainsi que Buy Me a Coffee, dont on m’a parlé, mais que je n’ai pas exploré; elle semble fonctionner sur un principe similaire, cependant. Dans les plateformes que je n’ai pas explorée non plus, je mentionnerai Comradery, qui a clairement un aspect communautaire et qui semble fonctionner par cooptation.

Les autres

À première vue, la « mode » des écosystèmes semble passée avec la disparition finale de Carrot, après une longue agonie. Encore que l’on pourrait classer des projets comme la Web Monetization ou le navigateur Brave dans cette catégorie, de même que les systèmes d’abonnements sur YouTube ou sur Twitch. Certains de ces services semblent fonctionner sur la bases de cryptodevises, ce qui a tendance à me rendre méfiant.

Cela dit, j’ai récemment vu passer le projet Bunseed, lancé notamment par la chaîne RougeVertBleu et où semblent se retrouver quelques noms connus du côté de Framasoft, mais hormis la conférence de lancement en novembre passé, rien de plus – et le site est pour le moment inaccessible. De ce que j’ai vu, ce serait une plateforme de publication liée à un système de micro-dons, mais pour le moment, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent.

Un petit mot pour mentionner la pub: ce n’est, à mon avis, toujours pas une bonne idée. Les revenus sont faibles et aléatoires pour un impact négatif sur les visiteurs. J’hésite à tester la monétisation sur ma chaîne YouTube, juste pour expérimenter le bazar, mais comme je ne suis pas encore dans les critères, on en reparlera quand / si ça arrive.

Par contre, une option qui peut être intéressante, c’est celle des goodies à vendre: t-shirts, autocollants, tapis de souris, etc. Surtout si vous êtes artistes et/ou que vous avez des zoulis visuels à proposer. Par exemple, je passe par Redbubble, mais il existe d’autres sites qui proposent ce genre de choses. Ça implique en général de concéder une grosse part des ventes à la plateforme, mais c’est un peu normal vu que c’est elle qui fabrique les goodies en question. Après, il y a la question de savoir si tout ça est très eco-friendly; la réponse est probablement « non ».

N’oublions pas, pour finir, le bête bouton PayPal.

En conclusion

Bon, la bonne nouvelle, c’est que le concept du mécénat et des micro-dons n’est pas mort. Il existe pas mal de services et c’est plutôt une bonne chose. Et, visiblement, le concept attire encore des innovateurs.

Mes conseils, si vous êtes créateur et que vous voulez gagner un peu d’argent avec vos créations, sont les suivants:

• Faites-le. Sérieux.
• Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier. N’hésitez pas à ouvrir des comptes sur plusieurs services. Ça ne coûte rien (sinon un peu de temps) et ça peut attirer des gens qui, eux, n’ont pas envie d’ouvrir un compte sur un énième service.
• N’hésitez pas à promouvoir ces différents services quand vous publiez vos créations. Peut-être pas tout le temps , pour éviter de fatiguer ceux qui vous suivent, mais de temps à autre, un petit rappel, ça peut aider. Mais surtout, ce n’est pas honteux de rappeler que vous ne vivez pas d’amour et d’eau fraîche (et que le chocolat et la bière ont méchamment augmenté).
• Autant que faire se peut, publiez sur des plateformes que vous contrôlez. C’est un peu un corollaire de « tous les œufs dans un même panier », mais disons qu’il y a des plateformes qui ont parfois des politiques qui ne sont pas forcément dans votre intérêt. Et « parfois », ça veut souvent dire « souvent ».

Post-scriptum

Pour ceux que ça intéresse, je publie chaque mois mes bilans « création et mécénat » où je détaille ce que j’ai créé, ce que j’ai donné et ce que j’ai reçu. Mine de rien, même pour un semi-branlo dans mon genre, qui ne pousse pas énormément sur le sujet, je reçois pas loin de €500 en dons chaque année.

Photo: “Tips are like hugs without all the touching” par Nan Palmero via Flickr, sous licence Creative Commons)

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Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.