Même si vous ne parlez pas l’anglais, il est peu probable que vous ayiez pu échapper à la tempête fécale du nom de GamerGate qui a secoué le petit monde des jeux vidéos récemment et qui peut se résumer en “une bande de machos avec trop de temps à perdre ont décidé de tabasser ouvertement des femmes auteures de jeux vidéos sous prétexte d’éthique dans le journalisme”. Et quand d’écris “tabasser”, ce n’est une image que dans le sens le plus strict du terme: personne n’a été encore physiquement frappé, mais c’est un peu tout ce que l’on peut dire de positif sur le sujet.

Cela dit, je n’ai pas vraiment envie de m’étendre sur le caractère ultra-vomitif de toute cette affaire. J’espère que ce ne sont que les derniers soubresauts d’un schéma de domination qui, blessé à mort, essaye d’emporter un maximum de monde avec lui dans l’au-delà. Par contre, j’aimerais pointer vers un article du site Popehat, intitulé Ten Short Rants About #GamerGate. Comme son titre l’indique, Ken White, un des fondateurs dudit site, s’y épanche en dix chapitres sur différents aspects du merdier gamergatien et en extrait un certain nombre de conclusions très intéressantes.

Il commence par pointer l’usage excessif des étiquettes, à commencer “féminisme”, pour désigner une réalité qui va des suffragettes du début du XXe siècle aux extrémistes qui pensent que tout sexe hétérosexuel est un viol. Il explique ensuite que même si une critique est légitime, le fait qu’elle se déroule en même temps et dans les mêmes “lieux” (virtuels ou non) qu’une campagne haineuse est dommageable à cette légitimité, par association.

L’article dénonce aussi la tendance de la communauté geek à l’outrage excessif; l’hyperbole a toujours fait partie de notre arsenal syntaxique, mais c’est en train de devenir un problème quand plus personne ne l’utilise au second degré. La surutilisation de certains termes (comme “bully“, mais en français, on peut y substituer “fasciste”) a aussi tendance à desservir les causes que l’on défend. Les mots sont importants, il faut les utiliser à bon escient sous peine de les vider de sens. Idem pour les insultes, qui ne doivent pas se limiter à une litanie de mots orduriers.

L’auteur invite aussi à se méfier de ceux qui, soudainement, se définissent comme les meilleurs amis de votre cause, simplement parce que leur permet d’avancer leurs propres pions. Dans une idée similaire, il démolit l’idée que les médias puisse faire partie d’une quelconque Conspiration, principalement parce qu’ils sont trop fainéants pour cela et/ou trop occupés à survivre en suivant les tendances (voire à gagner de l’argent avec les pubs des éditeurs de jeux).

Dans les autres mythes, il démolit également celui qui ferait des femmes, des minorités ethniques ou des personnes avec des orientations sexuelles non-binaires des créatures hors de toute étude rationnelle. Les gens sont des gens – et ça inclut aussi le lecteur, avec la fameuse phrase “vous n’êtes pas un magnifique flocon de neige unique”.

Enfin, il pose une évidence qui devrait l’être bien plus – évidente – à savoir que rien, absolument rien ne justifie des menaces, de pourrir littéralement la vie de personnes parce qu’elles ont eu la mauvaise idée d’avoir une opinion que vous n’aimez pas et de l’avoir exprimée publiquement.

Je ne peux que conseiller à tout le monde de lire ces dix textes. Même si c’est en anglais, même si ce n’est pas toujours évident. Comme vous l’aurez sans doute noté, cela ne concerne pas seulement GamerGate, mais la façon dont les débats, controverses, critiques et autres engueulades se déroulent sur Internet. Il y a beaucoup de sagesse à y glaner.

(Image par Pen Waggener via Wikimedia Commons, sous licence Creative Commons, partage dans les mêmes conditions.)

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