Le Tamanoir est un fouteur de merde. Pas l’animal – encore que, si on est fourmi, ça peut se discuter. Le Tamanoir en question est un enquêteur un brin anar, qui aime bien mettre son (très grand) nez dans les affaires douteuses. Avec ce premier roman éponyme signé Jean-Luc A. d’Asciano, il va être servi.
Le Tamanoir, c’est un cousin éloigné du Poulpe. Pas l’animal, encore une fois, mais le personnage. Ce dernier est aussi un enquêteur/redresseur de torts aux idées anarchistes, créé par Jean-Bernard Pouy à la fin du siècle passé et repris par de multiples auteurs; j’ai dû en lire une petite vingtaine, à l’époque.
Les références au modèle sont multiples: le Tamanoir hante un rade parisien, ici La Tentation de Saint-Antoine (clin d’œil à San-Antonio?), tenu par un couple gay et leur perroquet qui chante faux. Il a également une compagne plus ou moins attitrée : Coventina, géographe et anthropologue, et également spécialisée en couture sur Tamanoir, ce qui est parfois utile.
Mais ici, ses enquêtes se teintent de fantastique. À commencer par le fait que, des trois cadavres que le prologue fait apparaître au cimetière du Père Lachaise, l’un s’entre eux se relève, ramasse son chat et s’enfuit. C’est le début d’une histoire parisienne, rocambolesque, violente, marginale – et aussi passablement désopilante.
Disons que l’écriture du sieur d’Asciano est impressionnante. L’auteur a un certain génie pour les tournures de phrase qui font mouche, les descriptions percutantes, les ellipses qui mordent, les personnages hauts en couleur et les dialogues surréalistes. Un peu tout ce que j’aime, quoi.
J’aime pas buter les chiens, songe le Tamanoir qui regarde son pistolet endormi au fond de sa besace.
« Tamanoir », de Jean-Luc A. d’Asciano
Si ce n’est que le chat bondit de l’épaule d’Ishmaël.
Les dobermans réagissent aussitôt. Véritables machines de guerres, ils attaquent en silence.
Cinq minutes plus tard, les deux hommes arrivent devant la porte du premier étage. Le Tamanoir est très choqué.
— Tu savais que les dobermans pouvaient grimper aux gouttières?
Il y a des clochards hauts en couleur (et en odeurs), un punk (qui s’appelle Jacquot) à chiens (qui s’appellent Pif et Hercule), des gitans qui font du cheval, des mafieux. Il y a aussi du vrai fantastique qui pique, avec des déesses oubliées, des démons et même Jésus dans un coin. Ajoutez à ça quelques références historiques peu connues (comme la Révolte des Cabochiens) et vous aurez un mélange détonnant (et parfois étonnant aussi).
Du coup, j’ai dévoré Tamanoir en deux soirs. Certes, le roman n’est pas très grand – deux cents pages à peine – mais ça peut vous donner une idée de mon enthousiasme à cette lecture. Je ne sais pas trop si l’auteur compte en écrire d’autres (il semblerait), ou ouvrir le personnages à d’autres, comme son modèle, mais j’attends de voir ça avec intérêt.
Mes remerciements à Gromovar pour m’avoir recommandé cette lecture. D’autres avis chez Les Chroniques du Chroniqueur, Bonnes feuilles et mauvaise herbe et Charybde 27, entre autres.
Pour soutenir Blog à part / Erdorin:
Blog à part est un blog sans publicité. Son contenu est distribué sous licence Creative Commons (CC-BY).
Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.