Or donc, jusqu’à peu, je me considérais comme un écolo: entre autres choses, je roule à vélo, je trie mes déchets et, surtout, je suis contre les OGM, les organismes génétiquement modifiés. Ce jusqu’à ce que je lise La démocratie des crédules et que je tombe sur cet article, A founder of the anti-GM food movement on how he got it wrong sur Macleans.ca (grâce à Tyrian Dunaédine sur G+).

Je vous résume rapidement: Mark Lynas a pendant très longtemps été un activiste anti-OGM, puis pour la lutte contre le changement climatique. Or, il s’est aperçu récemment qu’il utilisait le même genre d’arguments contre les OGM que ceux qu’on lui servait pour nier le changement climatique.

Je ne vais pas spécialement m’étendre sur la question des OGM, sinon que Gérald Bronner dit un peu la même chose dans son bouquin: à force d’arguments non-scientifiques et, il faut bien le dire, à la limite de l’hystérie (et pas toujours du bon côté de la limite), les activistes ont fini par réussir l’exploit d’interdire toute recherche publique sur ce sujet – laissant du coup les grandes entreprises seuls maîtres du jeu.

Un tel argument a de quoi faire réfléchir. Pas tant sur ses convictions, mais sur leur rationalité: cela fait un moment que je sais ne pas détenir la Vérité Ultime et j’ai une assez bonne idée de ce que valent les idéaux, particulièrement les miens. Je sais aussi que les idéaux ne sont pas une mauvaise chose en eux-mêmes, mais que c’est lorsqu’ils deviennent idéologie que les ennuis commencent.

La difficulté vient d’arriver à faire la différence. Et c’est d’autant moins facile qu’on a toujours tendance à s’intéresser plus aux arguments qui vont dans le sens de ses propres convictions. Avant que vous ne posiez la question: oui, c’est un autre biais cognitif connu, le biais de confirmation.

Et, du coup, quand on regarde de plus près, pas mal des idées et idéaux des différents partis politiques ressemblent beaucoup à de l’idéologie sans base réelle. Que l’on pense au sacro-saint Marché des néo-libéraux, à la notion de pureté raciale obnubilant certaines extrêmes-droites, à l’idée d’Âge d’Or des partis conservateurs.

Et les partis dits “écologistes” ne sont pas plus vertueux que les autres sur ce point. Il compte encore pas mal de composantes très actives qui sont dans une ligne anti-scientifique (ou, à tout le moins, extrêmement sceptique sur ce point) et qui, du coup, ont tendance à promouvoir des idées qui reposent sur des bases que l’on qualifiera charitablement de très discutables: médecines alternatives (un coup ça fonctionne, un coup ça ne fonctionne pas), catastrophisme, anti-vaccination, etc.

Comme je l’ai déjà mentionné, la science et moi, on n’est pas toujours très copains. Cela dit, la lecture du pré-cité Ben Goldacre, entre autres, a beaucoup fait pour me donner sinon une culture scientifique, tout au moins une assez bonne idée de ce que cette expression veut dire et d’où sont mes limites. La science pose des questions et utilise un modèle de pensée pour essayer d’apporter des réponses. Ces réponses sont rarement définitives et toujours contestables selon le même modèle.

Après, il y a la science et ce que les gens en font. Il est difficile de nier qu’il y a eu des scientifiques qui avaient des idées fermement arrêtées sur un sujet et qui, méthode scientifique ou non, essayaient de bricoler les faits pour obtenir les résultats qui leur convenaient. Et il y a eu des industriels, des politiques, des financiers et d’autres pour utiliser les résultats ainsi obtenus pour tenter de se faire du pognon ou faire avancer leurs idées.

Ainsi, peu à peu, je commence à me faire à l’idée que non, l’énergie nucléaire n’est pas mauvaise en elle-même, mais que son utilisation par des groupes industriels et son instrumentalisation par une classe politique, qui a voulu en faire la panacée, est dangereuse. Peut-être aurons-nous un jour prochain des réacteurs au thorium ou des générateurs à fusion capables d’offrir une énergie abondante et sûre.

De même, la recherche en génie génétique n’est pas la boîte de Pandore que certains décrivent, même s’il est vrai que les pratiques commerciales – brevetage du vivant, semences stériles, monoculture – qui y sont liées sont elles éminemment critiquables.

Si être “écolo” signifie devoir suivre aveuglément un dogme qui vilifie un certain nombre de concepts scientifiques, alors désolé, mais je vais devoir rendre la carte du parti que je n’ai pas. Ce qui ne signifie pas pour autant que je vais adopter un point de vue de technocrate pour autant: je reste persuadé qu’il faut, à l’avenir, privilégier des solutions qui préservent l’environnement, mais sans pour autant devoir fermer certaines portes.

Écolo et rationnel? J’espère que ce n’est pas un oxymore.

(Image: Slogans altermondialistes lors de la manifestation au Havre contre le sommet du G8 2011 à Deauville, de Guillaume Paumier via Wikimedia Commons, sous licence Creative Commons.)

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