Spirou: La lumière de Bornéo

Quand j’étais môme, on était Spirou ou Tintin – à part quelques olibrius, qui étaient Pif ou Mickey. Pour ma part, j’étais Spirou: j’ai commencé à lire l’hebdomadaire à l’âge de cinq ans et je ne l’ai finalement lâché que dix ans plus tard. Tout ceci pour dire que j’ai toujours une tendresse particulière pour le personnage et que cet album, La lumière de Bornéo, est un des meilleurs que j’ai pu lire depuis bien longtemps.

Bon, ce Spirou-ci n’est pas un “vrai”: c’est un “Spirou de”, en l’occurrence celui de Frank Pé (dessin et scénario) et Zidrou (scénario). Une carte blanche donnée à ces auteurs pour faire un peu ce qu’ils veulent du personnage. Ce qui, ici, donne quelque chose de surprenant – c’est souvent le but – mais également une histoire émouvante et bien ficelée sur fond d’art et d’animaux.

Commençons par Spirou: modernisé, le rouquin à l’écureuil a mis son costume de groom au placard – même s’il va resservir – et arbore un chandail rouge et même des lunettes. Ah, et il commence par claquer la porte du “Moustique” pour des raisons d’intégrité journalistique et annonce clairement son intention de ne pas en foutre une, comme ça, pour changer.

La vie, c’est ce qui arrive pendant qu’on fait d’autres plans; dans le cas présent, Spirou va tomber sur Noé, le dresseur génial – et quelque peu misanthrope – de Bravo les Brothers. Et, à travers lui, sur la fille de ce dernier, une ado mal embouchée que Noé va s’empresser de confier à Spirou.

On a donc Spirou qui doit gérer une adolescente à problèmes, qui a perdu sa valise, mais qui a un bagage autrement plus traumatisant à trimbaler. Il doit aussi gérer sa relation avec Fantasio, qui pour l’occasion assume assez bizarrement l’étiquette du gars sérieux. Et là-dessus se greffe l’histoire principale, celle d’un mystérieux artiste et de ses toiles animalières géantes.

La lumière de Bornéo est un album bizarre par plein de côtés. Notamment parce qu’il se déroule dans un contexte en apparence contemporain, mais d’où surnagent quelques éléments dystopiques, comme un Atomium en ruine ou des bidonvilles au cœur de Bruxelles. Il y a aussi un élément potentiellement fantastique et des héros pris à contre-emploi et une narration parallèle, avec le comte de Champignac, qui semble n’avoir aucun lien avec l’histoire principale.

Pourtant, j’ai trouvé cet album très convaincant, souvent émouvant et doté d’une puissance narrative impressionnante. Les deux trames principales – l’artiste mystérieuse et l’ado rebelle au passé tragique – s’emboîtent à la perfection, jusqu’à une conclusion magique. L’art qui change le monde, un thème qui me parle encore et toujours.

Alors oui, c’est une thématique qui n’est pas courante dans les Spirou – plus adulte, presque littéraire – et ce n’est pas exempt de défauts. En plus, le trait de Frank Pé oscille entre le réalisme et le grotesque et il faut du temps pour s’y faire, mais il apporte énormément de dynamisme à l’ensemble. Une vision particulière, qui passe du rire aux larmes en l’espace de quelques cases.

Personnellement, j’ai adoré; ça faisait longtemps que je n’avais pas lu quelque chose d’aussi ambitieux en BD franco-belge. Surtout en partant sur un personnage qui a près de quatre-vingt années d’existence – autant dire, un monument. Alors laissez-vous surprendre par La lumière de Bornéo!

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2 réflexions au sujet de “Spirou: La lumière de Bornéo”

  1. J’ai été un peu dubitatif face à la trame du comte de Champignac. Je n’en voyait pas l’intérêt dans l’histoire à part créer des respirations dans la narration et faire de ce champignon noir un énorme hareng rouge. Je me demande si, au final, l’idée n’était pas aussi et surtout de continuer à critiquer les médias et les décideurs politiques et de leurs priorités.

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    • Peut-être. Peut-être aussi est-ce une métaphore de la noirceur du monde qui soudainement disparaît quand Fauvette arrive à vaincre ses peurs. Mais oui, c’est un peu la “pièce rapportée” de l’album et c’est dommage.

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