Si la question des droits numériques vous intéresse, c’est la lecture de la semaine: l’article de Cory Doctorow sur BoingBoing, intitulé Lockdown: The coming war on general-purpose computing. J’entends par là qu’il vous faudra peut-être une semaine pour le lire et que ça en vaut la peine, parce que c’est sans doute le truc le plus intéressant que vous allez lire de la semaine. Cet article reprend une présentation qu’il a faite au 28e Chaos Communication Congress de Berlin.
Son idée centrale, c’est que la question des copyrights, de la copie privée, Hadopi, SOPA et toutes ces autres saletés ne sont en fait que la partie visible d’un combat plus important et potentiellement beaucoup plus dangereux, où les “ayant-droits” se lancent dans des efforts de plus en plus brutaux pour limiter l’universalité des ordinateurs que nous utilisons tous les jours.
Doctorow l’explique bien mieux que moi, mais le danger est que ces acteurs sont en train de faire en sorte que l’ordinateur généraliste, qui peut faire tourner un tableur, un traitement de texte, un jeu ou un navigateur web, devienne non seulement une relique du passé, mais une relique dangereuse, car incontrôlable. En fait, je soupçonne que c’est le cœur du problème: peut-être plus que l’argent, cette “guerre” est une question de contrôle et de pouvoir.
Paranoïa conspirationniste infondée? Pas vraiment. Que l’on songe aux lecteurs Blu-Ray, qui demandent une chaîne continue de produits certifiés HDCP (platine, câble, télé) pour opérer au maximum des capacités; qu’un de ces éléments manque et l’ensemble est dégradé. Sans parler des CD qui ne fonctionnaient pas sur certaines platines ou de ceux de Sony qui avaient carrément des rootkits intégrés.
L’auteur fait également un petit saut dans l’avenir en parlant des imprimantes 3D – sujet central de son roman Makers et dont j’ai vu qu’au CES de Las Vegas, cette année, un modèle à moins de $2000 a été présenté. Et c’est vrai que, si le sujet implique beaucoup de fantasmes (“imprimez votre kalashnikov vous-même”), il n’en reste pas moins que la démocratisation de ces appareils risque de déclencher une petite révolution industrielle et sociétale.
Le danger que représente un contrôle gouvernemental – surtout s’il est aiguillé par des intérêts privé – des technologies de l’information et des outils qui l’utilisent (c’est-à-dire un peu tout) est autrement plus grand que celui de leurs possibles détournements.
(Photo Gregory H via Flickr sous licence Creative Commons Non-commercial Share-alike CC-NC-SA.)
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“la démocratisation de ces [imprimantes 3D] risque de déclencher une petite révolution industrielle et sociétale”.
Honnêtement, je crois pas. Tu peux bien imprimer ton AK-47, mais la détente sera dramatiquement figée. Ton I-Phone imprimé de fraiche date ornera ta cheminée et ce sera la sa seule application. Même la vaisselle que ton ami aura créé pour ton anniversaire sera faite d’une matière fort peu pratique.
Bilan : fantasme, oui; utile, je crois pas.
MJ
Ça se discute. Je ne dis pas que ça va arriver, mais que c’est possible.
Peut-être pas pour des choses complexes (encore que, pour reprendre ton exemple de l’iPhone, on parvient déjà aujourd’hui à modifier des imprimantes à jet d’encre du commerce pour créer des circuits imprimés), mais pour des éléments de la vie de tout les jours, j’y crois assez.
Surtout, c’est une technologie qui est en plein essor et que je vois évoluer en quelques années à une vitesse assez impressionnante. Après, Doctorow tripe pas mal sur le sujet (il a écrit tout un roman, le Makers que je mentionne dans l’article) sur le sujet, mais je pense qu’il a raison sur le principe en général.
Ben, faire un circuit imprimé, je veux bien. Le problème est que tu dois toujours aller coller tes résistances et tes transistors à la main. Si tu veux rivaliser avec une chaine de fabrication industrielle, tu as intérêt à te lever de bon matin, si ce n’est de ne pas te coucher du tout : ton matos sera énorme, de mauvaise facture, très couteux et te demandera un temps de montage infini.
Si nous avons droit à une poussée technologique majeur (vraiment énorme : digne des synthétiseurs de Star Trek ou des fonderies automatisées de Warhammer 40’000), ce serait alors possible. Mais entretemps, je crains que le sujet ne soit plus d’actualité.
MJ
J’imagine bien que les choses sont un peu plus compliquées pour les bidules électroniques, mais je pense que ces imprimantes 3D peuvent faire des choses très impressionnantes – peut-être pas pour nous autres, Suisses à l’abri du besoin, mais c’est une autre histoire.
Cela dit, sur un sujet similaire, j’ai désormais dans ma “pile à lire”, The Toaster Project; peut-être que c’est un bouquin qui changera mon point de vue sur le sujet.
Pour ceux qui auraient des doutes, j’ajoute ma voix à celle d’Alias pour dire que cet article est extrêmement intéressant et qu’il constitue une lecture pas loin d’être essentielle à mon avis. En plus, c’est écrit de manière très claire et très agréable à lire.