“Pyongyang”, de Guy Delisle

Non, je n’avais jamais lu Pyongyang, le roman graphique de Guy Delisle, dessinateur québecois parti en Corée du nord pour superviser la production d’un dessin animé en 2001. Oui, j’ai un peu honte, mais un peu seulement: le monde est rempli de classique que je n’ai pas lu et, quand je ne serai plus là, ce sera toujours le cas, donc pourquoi s’en faire? Mais un peu quand même, parce que ça reste un bouquin impressionnant.

Au reste, vous aurez sans doute noté que je parle de “roman graphique”; c’est le terme sérieux pour parler de bande dessinée, pour éviter que votre interlocuteur croient que vous essayez de lui refiler en douce le dernier volumes des Blondes. Parce que si, techniquement, le format est celui de la bande dessinée, le propos est un carnet de voyage, donc largement autobiographique, d’un Occidental lambda parti travailler deux mois dans le pays le plus fermé du monde.

Qui dit “Occidental lambda”, dit un peu “petit blanc conscient de sa supériorité, qui débarque dans un pays rigoureusement étranger et qui met les pieds dans le plat”. Delisle ne cherche pas à occulter ses petites pensées faites de dérision et de piques un peu mesquines envers ses “guides” et ses hôtes. Un humour qui très souvent tombe à plat face à ses interlocuteurs et qui à mon avis constitue une forme d’autodéfense face à un environnement aussi bizarre. C’est le genre d’attitude que je comprends assez bien, à mon échelle, pour avoir déjà voyagé dans des endroits où je me sentais complètement étranger.

Pyongyang se lit vite; le style de Guy Delisle est très simple, épuré; presque enfantin dans ses personnages, mais très précis dans les décors. Dans le cadre de cette ville trop parfaite, à en devenir une ville-fantôme la nuit, ce contraste accentue le côté irréel et pesant du séjour. Une des premières scènes est d’ailleurs typiquement absurde: le guide qui attend l’auteur à l’aéroport (plongé dans le noir pour cause de pénurie de courant) lui remet un bouquet de fleurs… à aller déposer devant la statue de Kim Il-sung sur le chemin de l’hôtel.

Je ne sais pas à quel point on peut encore parler de document pour se représenter la réalité de la Corée du nord aujourd’hui: l’ouvrage date de 2003 et décrit la situation en 2001, soit il y a plus de dix ans. En plus, c’est un témoignage forcément subjectif, qui en dit peut-être plus long sur l’auteur et ses états d’âme dans la situation donnée que sur l’état réel de la ville et du pays à cette époque. Cela reste un ouvrage très intéressant à lire, émouvant, amusant et effrayant à la fois.

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1 réflexion au sujet de « “Pyongyang”, de Guy Delisle »

  1. Je suis en train de terminer ma lecture de ses romans graphiques (fini hier soir Chroniques de Jérusalem). J’aime beaucoup son regard, “Pyongyang” est l’un des meilleurs. Les “Chroniques Birmanes” est un peu plus fade, c’est peut-être à cause du changement de rythme, alors qu’il devient homme au foyer.

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