Dans notre série “je suis l’équivalent geek d’une victime de la mode”, j’ai décidé de tester les Bitcoins. Officiellement, il s’agit d’une monnaie dématérialisée, décentralisée et open-source; officieusement, pour les francophones, c’est une excuse pour faire des jeux de mots foireux à base d’attributs virils et de canards.

Histoire de balancer un grand coup, toute cette histoire, c’est de la faute aux historiettes de Lionel “Ploum” Dricot, notamment du récent Le blogueur venu de demain (en deux parties), qui met en scène un blogueur qui utilise cette monnaie pour vivre. Mais, pour être honnête, ça faisait un moment que le principe me titillait un peu.

Première constatation: Bitcoin, ce n’est pas trivial. D’après Lionel, c’était encore pire avant, mais même aujourd’hui, c’est du velu! En gros, il faut commencer par se créer un “portefeuille” pour y mettre ses bitcoins (je suis passé par Blockchain.info, mais il y en a d’autres). Ce portefeuille vous donne une adresse publique où les gens ou services pourront envoyer des sous.

Après, le problème, c’est d’acheter des bitcoins (BTC pour les intimes). Évidemment, comme le but du jeu est d’avoir une monnaie décentralisée et anonymisée et que c’est géré par des fanatiques de l’open-source, l’idée de passer par PayPal ou tout autre moyen de paiement simple est absolument exclue. Bon, au vu du beusier qu’est capable de générer PayPal dès qu’il y a un truc ou l’autre qui ne leur plaît pas, je peux comprendre.

Le défaut, c’est que ça oblige à devoir faire des paiements bancaires internationaux, ce qui occasionne des frais, ou alors de trouver une bonne âme dans son secteur proche pour faire le transfert de la main à la main (j’allais dire “du bit au bit”, mais ça aurait pu être mal perçu). Après avoir tenté d’utiliser Mt. Gox, qui a une très bonne réputation, mais des procédures lourdingues au possible (à leur décharge, ils s’en excusent), je me suis rabattu sur Bitstamp.

Du coup, avant d’avoir pu m’acheter mes premiers BTC, j’ai dû m’enregistrer sur une demi-douzaine de sites au fonctionnement franchement abscons. Pour donner une idée, entre le moment où j’ai créé mon portefeuille et celui où j’ai vu apparaître mes premiers BTC dessus, il s’est passé une semaine. Grmbl. Parce qu’évidemment, “Bitcoin pour les Nuls”, ça n’existe pas – ou alors c’est la version “Bitcoin pour ceux qui ont moins de dix ans d’expérience en ingénierie système à la NASA”.

Le truc le plus proche qui s’en approche, c’est le site We Use Coins, qui est raisonnablement bien foutu, du façon générale, mais qui a tendance à passer en mode “hop-hop-hop” au moment où ça devient non-trivial. En fait, il y a pas mal de modes d’emploi malins, mais pas toujours avec les explications qui permettent de comprendre les étapes intermédiaires. Ou alors, c’est que je n’ai pas lu les bons.

Évidemment, une fois que j’ai des bitcoins, la question con, c’est “j’en fais quoi?”; bon, c’est une question doublement con, vu qu’à la base, je voulais juste un peu voir comment ça fait. N’empêche que, pour le moment, je ne vois pas trop ce que je vais bricoler avec.

Une autre chose qui m’ennuie, c’est la monnaie elle-même: déjà, un BTC, c’est de l’ordre de quarante francs suisses ou trente-cinq euros (et ça monte de façon quasi continue, ce qui laisse craindre une bulle). En plus, au lieu d’être divisé en centimes, ou à tout le moins en quelque chose de gérable, on peut avoir des cent-millionièmes de bitcoins. C’est d’un pratique…

Bon, il y a quand même des aspects positifs: une fois que c’est en place, ça a l’air plutôt facile à gérer. En plus, le coût des transactions est très bas – genre 0.5%, ce qui change des taux à deux chiffres à la Flattr ou PayPal.

Néanmoins, je ne suis pas vraiment convaincu. Il y a sans doute du potentiel, mais j’ai l’impression de voir dans Bitcoin le même genre de projet open-source que les Linux d’il y a quinze ans: une usine à gaz à l’interface imbitable qui ne peut pour le moment intéresser que les barbus de compétition, ceux qui font des clusters Beowulf avec des blaireaux morts.

Cela dit, bricoler avec ce genre d’outil permet de se rendre compte, d’une part qu’il y a des champs de possibilités assez impressionnants pour qui s’intéresse à la science-fiction ou à l’anticipation – qui plus est peu explorés, même par des Stross ou des Doctorow (encore que ça pourrait ressembler à la Société Bitchun décrite par ce dernier dans Down and Out in the Magic Kingdom).

D’autre part, on voit qu’il y a encore pas mal d’écueils à avoir une société “tout numérique”, à commencer par les questions d’identification et, bien entendu, celles qui tournent autour des paiements en ligne. Les institutions actuelles ne sont juste pas conçues pour gérer ce genre de chose, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose.

Qui sait, peut-être un jour une monnaie décentralisée comme celle-ci arrivera à s’imposer, de la même façon que Flattr représente peut-être plus un premier pas vers un vrai dispositif de rémunération des créateurs qu’un projet abouti.

Peut-être même que quelqu’un arrivera à fusionner les deux et créer ainsi un service intermédiaire qui mette en relation les créateurs et leur public en permettant des transactions simples et pas chères. Un projet comme Ripple pourrait s’en approcher.

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