« Nuit nimraokhen », de Jeanne Perrin

Tout commence par une liste de douze noms, qui apparaît partout sans que personne ne sache d’où elle vient. Et deux des personnages nommés sur cette liste vont tenter de comprendre ses tenants et aboutissants au cœur de la Nuit nimraokhen, qui donne son titre à ce roman signé Jeanne Perrin.

Avant d’aller plus loin: avertissement copinage. Jeanne, l’autrice, est une amie. Antoine, cité au générique, est un ami d’encore plus longue date (et mon co-auteur sur Freaks’ Squeele, le jeu d’aventures). Enfin, PVH, la maison d’édition, a aussi été fondée par des amis. Qui plus est, j’ai reçu l’ouvrage en service presse.

Ceci dit, j’ai eu quelques soucis à la lecture. Je vous explique pourquoi.

Déjà, il faut poser que Nuit nimraokhen est le premier tome – ou « Nombre premier »; il a d’ailleurs le numéro 23 de la collection Ludomire – d’une série, intitulée La Noire essence. La Noire essence, c’est l’univers du jeu de rôle grandeur-nature auquel ont participé tout ce petit monde.

Et c’est un univers particulièrement foutraque, surréaliste, où les dieux existent – il peut même arriver qu’on se retrouve à boire des bières avec – et la magie aussi. Qui plus est, ravagé par une guerre magique, il a été réparé un peu n’importe comment et il y a plein d’éléments qui déconnent. Ah oui, aussi: la mort n’est pas définitive; enfin, ça peut arriver, mais c’est rare.

Dans cet univers, on va suivre surtout deux personnages: Yna, une marchande itinérante, et Loène. Leurs deux noms sont sur la fameuse liste, mais si la première a décidé qu’elle n’en avait cure, le second cherche des réponses. Mais, pour ne rien arranger, plusieurs personnes nommées sur la liste meurent assassinées. Il y également un troisième personnage mis en avant, un enquêteur misanthrope du nom de Madog Brownale. Il y a aussi un perroquet.

Si tout ceci vous donne l’impression d’un gros cafouillazibule mal ficelé, croyez-moi: je compatis. Et c’est le plus gros souci que j’ai avec Nuit nimraokhen: j’ai l’impression que le côté foutraque de l’univers a un impact sur la narration.

Plus précisément, j’ai souvent eu, à la lecture, le vague sentiment que plusieurs des éléments décrits auraient parfaitement fait sens si j’avais été dans l’équipe des joueurs de La Noire essence. Seulement, je n’aime pas le grandeur-nature pour des raisons trop complexes pour écrire ici (cette chronique commençant déjà à prendre une longueur cyclopéenne) et, même avec le souvenir des anecdotes glanées au cours des années, je me suis souvent senti un peu perdu.

Cela dit, il y a pas mal de points positifs. Il y a notamment des éléments dans l’univers qui m’ont beaucoup fait penser à une version tordue et fantasy de la Suisse romande du XVIIIe siècle: des villages perdus, des villes qui flirtent avec des idées dangereuses, des « autorités rynlandaises » qui semblent faire échos aux Bernois (avec un duo valdo-jurassien aux commandes, Berne n’est jamais bien loin). En y réfléchissant, ce côté risque aussi d’être un peu abscons pour les lecteurs non-suisses.

Et puis il y a l’écriture de Jeanne. Ce n’est pas pour moi une surprise: j’avais lu ses excellentes Chroniques d’outre-scène. J’ai retrouvé beaucoup des caractéristiques de son écriture dans Nuit nimraokhen: le sens des « petits riens » de la vie, l’humour – et le côté suisse romand.

Au final, je veux croire qu’une grande partie des défauts de Nuit nimraokhen tient au fait que c’est un premier tome. Pour être très honnête, je ne le recommanderai pas de façon inconditionnelle, mais il propose un univers original (c’est la version polie de « foutraque »), une belle plume et des promesses pour la suite.

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