Les Innommables: Le cycle zéro

Les bandes dessinées culte, j’en ai des pleins rayonnages, mais les premières aventures des Innommables, de Yann et Conrad, tiennent une place spéciale dans mon cœur – peut-être parce qu’elles correspondent à une forme de passage à l’âge adulte. Réunies pour la première fois en couleurs dans un album, sous le titre Le cycle zéro, elles comprennent “Matricule Triple Zéro” et “Shukumei”.

Je vous ai déjà parlé de cette série à l’occasion de la sortie du livre Yann & Conrad, une monographie, que je vous invite du coup à (re)lire pour comprendre un peu mieux ce qu’était le contexte au beau journal de Spirou au tout début des années 1980, entre cette série iconoclaste et l’animation des pages (les fameux “hauts de pages”) réalisée par les deux compères et une clique de jeunes (et moins jeunes) dessinateurs du journal.

“Matricule Triple Zéro” commence par une scène mythique: l’élimination du héros – faux, mais pourtant annoncé comme tel sur la couverture de l’hebdomadaire – en deux cases et le début de la vraie série et de ses trois baltringues, sortes de pieds nickelés post-modernes qui glandouillent dans un cachot de l’armée américaine à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Cette histoire est un chef-d’œuvre de burlesque et de décalage: le camp militaire ferait passer celui de M*A*S*H pour un exemple de discipline et de rigueur, tous les officiers sont au minimum veules, les répliques sont du pur Audiard et les situations absurdes. Chaque fois que je relis, je rigole comme un bossu à cette série de gags quasi-ininterrompus; rien que pour cette histoire, ce volume est indispensable.

Ça se gâte pour “Shukumei”; le problème est qu’il y a à ma connaissance au moins trois versions de cette histoire et que celle qui est à mon avis la plus drôle – celle parue dans les pages de Spirou – n’est pas celle qui figure dans ce Cycle zéro. Beaucoup plus “adulte”, mais également moins drôle, cette version de “Shukumei” est plus en ligne avec les aventures suivantes, comme “Aventures en jaune”.

Je trouve ça franchement dommage, d’abord parce que j’ai l’impression qu’hormis dans les pages de l’hebdomadaire – dont je garde encore précieusement quelques centaines de numéros – cette version burlesque (moins que “Matricule Triple Zéro”, mais avec de grands moments quand même) est perdue à tout jamais, ensuite parce que cette version n’est du coup plus “raccord” avec l’autre histoire de l’album.

Le cycle zéro contient également une série de croquis, des esquisses de couvertures de Spirou, mais aussi quelques aventures-bonus, comme deux pages (tout en anglais) de Chuck Willis – le fameux faux héros de “Matricule Triple Zéro” aux faux airs du Buck Danny des débuts. Au risque de me répéter, rien que pour “Matricule Triple Zéro” (en une version un chouïa retouchée, mais rien de majeur), cette bande dessinée vaut largement le détour.

Pour soutenir Blog à part / Erdorin:

Blog à part est un blog sans publicité. Son contenu est distribué sous licence Creative Commons (CC-BY).

Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.