J’aime bien les bouquins qui viennent péter les idées reçues (et, au passage, démonter les arguments des réacs). Ça doit être mon côté historien. C’est pourquoi j’ai beaucoup aimé Le français est à nous!, signé Maria Candea et Laélia Véron.
Sous-titré « Petit manuel d’émancipation linguistique » et découvert grâce au blog De l’autre côté des livres, Le français est à nous! est en effet un petit manuel par la taille – un peu plus de 200 pages au format poche – mais c’est du costaud.
Il compte onze chapitres divisés en trois parties, augmentés d’un préambule, d’une conclusion et de quelques autres annexes. La première partie a pour but de définir ce qu’est une langue, la deuxième s’intéresse plus aux éléments politiques et la troisième aux aspects historiques.
Chaque chapitre commence par une sorte de « résumé exécutif », souvent centré autour d’idées reçues. Par exemple, l’idée que la langue française soit née avec les Serments de Strasbourg, la notion de « mission civilisatrice » de l’éducation dans les colonies ou le sentiment que le niveau général en français baisse chez les jeunes.
Ce type de résumé n’est pas superflu, parce que les chapitres sont souvent assez pointus. Bon, ce n’est pas un manuel de linguistique de niveau universitaire non plus, mais c’est tout de même assez dense et avec pas mal de notions techniques. Pas vraiment du light reading, en gros.
(Mention spéciale pour le chapitre écrit progressivement en écriture phonétique.)
Et du coup, que ressort-il de ce bouquin? C’est difficile de tout résumer, mais disons, en gros, que le français n’est pas quelque chose de neutre, qu’il n’y a pas un seul français qui soit le « bon français », que l’idée même de « bon français » est une construction récente (et élitiste), que l’Académie française ne sert à rien, un peu comme l’Organisation internationale de la francophonie (en tout cas d’un point de vue linguistique; politiquement, c’est une autre histoire), que « les jeunes » ne parlent ou n’écrivent pas plus mal aujourd’hui qu’il y a un siècle et que ceux qui prétendent « défendre la langue française », bien souvent la détestent. Entre autres.
Mais, comme toujours, c’est plus compliqué que ça et c’est aussi ce que j’aime bien avec des livres comme Le français est à nous! Il nous montre que beaucoup de sujets sont bien plus compliqués que les formules à l’emporte-pièce qu’on entend régulièrement.
À mon niveau, c’est une lecture qui m’a permis de questionner certains de mes positionnements par rapport à la « justesse » de l’orthographe et de la grammaire chez mes contemporains. Il est facile de mépriser ceux qui écrivent ou parlent « mal », en oubliant que cette idée de « mal » peut être une construction sociale discriminante.
Du coup, si le sujet de la langue française vous intéresse, surtout si vous êtes du genre à écrire, je ne peux que vous recommander chaudement Le français est à nous!, surtout dans sa nouvelle édition: petit format, grand intérêt.
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04/02/2023 at 19:22
Mon français est truffé de bretonnisme. D’où la sempiternelle insulte “plouc”, magnifique mépris à l’encontre des culs-terreux du Centre-Ouest Bretagne. L’état français – via l’école républicaine – n’a pu totalement effacé les langues ou patois locaux.