C’est l’événement de la semaine dans le petit monde du jeu de rôle francophone: la mise en ligne d’une interview de Didier Guiserix, ancien rédac’chef de Casus Belli, qui raconte la “grande époque” des débuts du jeu de rôle en France et, partant, dans la Francophonie. Je parle de l’époque où Jeux & Stratégie paraissait encore, l’époque des Mega, de Laelith et autres légendes du paléoludique inférieur.

Le texte en lui-même vaut la peine d’être lu, malgré son côté “brut de décoffrage” et sa longueur (plus de 60 pages). En soi, ce témoignage est déjà intéressant, en nous donnant un point de vue sur l’époque (les années 1980, en gros; oui, encore elles) et le fonctionnement de ce qui a été pendant longtemps le plus grand magazine rôliste de langue française.

Ce qui est également intéressant, c’est tout le bruit que cet article a provoqué dans le landerneau rôliste en ligne, sur le thème “l’âge d’or du jeu de rôle” (insérez ici des “c’était mieux avant” à la façon du Francis Cabrel des Guignols de l’Info).

Bien évidemment, on peut s’interroger sur la définition de la notion d’âge d’or: qu’est-ce qui fait qu’une période donnée est qualifiée d’âge d’or et, surtout, pourquoi parle-t-on d’âge d’or.

La réponse à cette deuxième question est à mon avis assez facile et elle est due à une perception de notre époque actuelle comme étant morose, en déclin et ayant perdu une sorte de magie. Ça vaut aussi pour le jeu de rôle. Pour ce qui est de la première, c’est plus tordu.

Bien souvent, ceux qui parlent de l’époque en question comme d’un âge d’or sont des personnes qui ne l’ont pas réellement connue; ils ont une nostalgie par contumace, souvent transmise par des ludosaures qui, eux, l’ont connue et sont depuis passés à autre chose pour diverses raisons (vie professionnelle et/ou familiale, le plus souvent) ou qui sont restés coincés sur un seul jeu.

Eh oui: même la nostalgie n’est plus ce qu’elle était.

Je dois avouer que c’est une attitude avec laquelle j’ai un peu de difficultés. Étant moi-même assez vieux et, surtout, ayant commencé assez tôt pour me souvenir d’une époque où jeu de rôle était exclusivement synonyme de Donjons et Dragons – ou peu s’en faut – je veux bien reconnaître qu’il y avait à l’époque l’attrait de la nouveauté. On découvrait un nouveau type de loisir complètement original, très ouvert; difficile de ne pas être enthousiaste quand on a quinze ans et pas d’amis.

Hormis ce côté pionnier, il faut bien admettre que la plupart des jeux auxquels on jouait n’étaient géniaux que parce qu’ils étaient sans concurrence. Si, d’une certaine façon, le plaisir de jouer et les grands principes du jeu sont restés les mêmes, on ne joue plus de la même façon aujourd’hui. Le porte-monstre-trésor, “moi-vois-moi-tue” de Kroc le Bô et consors, ça existe peut-être toujours, mais ça porte la marque “old skool” plus sûrement qu’un disque vinyle.

À mon avis, il ne faut pas prendre la notion d’âge d’or pour autre chose qu’une époque mythique; c’est le Jardin d’Éden des Chrétiens, le bon vieux temps du rock’n’roll pour d’autres. Un symbole.

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