“Il faudra repartir”, de Nicolas Bouvier

Eh oui, encore un livre de Nicolas Bouvier! Encore faut-il préciser que ce Il faudra repartir n’est pas à proprement parler un livre, mais une collection de ce que l’on pourrait appeler vulgairement des fonds de tiroir, publiés douze ans après la mort de l’auteur. Seulement, quand il s’agit de Nicolas Bouvier, je pourrais citer plusieurs auteurs qui n’arrivent pas, dans leurs ouvrages publiés, à la cheville de ses fonds de tiroir.

Et puis il y a de vraies curiosités, comme ce premier récit de voyage, écrit à 18-19 ans (en 1948) sur les routes d’une Europe encore marquée des stigmates de la guerre. À peine adulte, le style de Nicolas Bouvier – descriptif, parfois moqueur et attaché aux gens et aux lieux – point déjà, avec des sorties comme “les Français sont sans rivaux pour installer des garages dans des maisons Louis XIV.”

Ce premier voyage écrit du jeune auteur traverse la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne (où il s’amuse de la propagande hitlérienne, encore visible: “attendez dix ans et vous ne reconnaîtrez plus vos villes”) et s’arrête au Danemark; Nicolas Bouvier continuera jusqu’en Laponie.

Le chapitre suivant raconte ses pérégrinations dans la France de 1957 – juste après son retour du Japon – et décrivent une France très provinciale, une vie de voyageur de commerce à faire des conférences dans des bleds plus ou moins improbable et à se battre avec du matériel usé jusqu’à la corde. Le chapitre suivant, consacré à l’Afrique du Nord en 1958, donne un éclairage intéressant, quoi qu’assez particulier, à la situation algérienne et marocaine.

Suit un voyage en Indonésie en 1970, qui décrit une nation là encore qui sort à peine du chaos d’une guerre civile et qui, de plus, commence à s’ouvrir au tourisme. C’est sans doute le chapitre le plus “exotique”, Nicolas Bouvier étant seul, sans guide ni but réel (affiché, à tout le moins).

Le récit chinois, daté de 1986, montre un ton différent; encore une fois, la Chine sort de la Révolution culturelle et les stigmates sont encore apparents. Mais, pour Bouvier, la situation est différente, car il accompagne un groupe de visiteurs occidentaux. Plus anecdotiques sont les derniers chapitres, consacrés au Canada (1991) et à la Nouvelle-Zélande (1992).

De façon générale, on a là un texte qui est très souvent “brut de décoffrage”: il y a certes des effets de styles, mais il s’agit surtout de la retranscription de notes prises sur divers carnets, avec abréviations, croquis, remarques personnelles. On s’aperçoit alors que la santé de l’auteur est déjà plombée, sans doute par les séquelles du périple décrit dans L’Usage du monde.

Même sous cette forme, l’admirateur de Nicolas Bouvier que je suis ne peut que se régaler des textes et de ce qu’il y décrit. Il faudra repartir est néanmoins un ouvrage à réserver à ceux qui ont déjà lu et apprécié d’autres œuvres de cet auteur: l’exercice est tout de même passablement aride.

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