C’est – sans surprise – par le forum 1940 La France Continue que j’ai appris l’existence d’un numéro de la revue française Historia consacré à l’uchronie. Il s’agit du n° 833, numéro double juillet-août 2020, qui devrait encore être en kiosque au moment où j’écris ces lignes.
Historia fait partie de ces magazines qui ont bercé mon enfance; mes parents y étaient abonnés et, à l’époque, la revue était au format A5. C’est un mensuel de vulgarisation scientifique, qui existe sous ce titre depuis 1955 mais qui a été fondé en 1909.
Vous vous rappelez peut-être que j’avais fait un billet sur un autre magazine, Guerres et histoire, qui avait publié un hors-série sur le même sujet il y a quelques années. En apparence, c’est un peu le même créneau, avec des articles richement illustrés présentant des scénarios d’histoire alternative.
Dans les faits, ce n’est pas exactement le même niveau.
Disons que, après une première lecture très rapide, j’ai eu un sentiment de lire « l’uchronie pour les nuls », édition abrégée. Beaucoup des « et si… » proposés sont redoutablement bateau: victoire gauloise à Alésia, victoire de Napoléon à Waterloo, Algérie française, l’URSS sur la Lune, les Nazis envahissent les USA… On échappe au pinnipède maudit, mais pas de beaucoup.
De plus, beaucoup des textes sont courts, voire très courts. Les pages sont le plus souvent remplies par une iconographie pléthorique, parfois redondante, les articles dépassent rarement les quatre pages et c’est écrit gros. De mon point de vue, c’est largement insuffisant pour explorer correctement une uchronie crédible et le faire de façon didactique.
Pour ne rien arranger, il y a deux ou trois chapitres qui sont plutôt médiocres. « Et si Hitler avait conquis les États-Unis » se contente de résumer Le Maître du Haut-Château et « Et si les Russes avaient été les premiers sur la Lune » compte quatre pages de la BD Jour J, agrémentée d’un résumé de cette dernière. Que j’ai déjà lue. Donc bof.
Cela dit, en y regardant de plus près, il y a tout de même des choses intéressantes. D’une part, les auteurs sont souvent des historiens reconnus (notamment Jean-Yves Le Naour). D’autre part, il y a des uchronies plus intéressantes et, d’autre part, même certaines de celles qui sont très cliché bénéficient d’un traitement intéressant.
Par exemple, celle sur Vercingétorix explique pas mal de points sur les relations entre peuples de la Gaule et entre ceux-ci et les Romains (notamment le fait que Jules César et Vercingétorix ont été alliés, voire amis).
On trouve aussi une uchronie sur une France qui se convertit à la Réforme, sur l’avènement de Marguerite de Valois sur la trône de France, ou sur une Guerre d’Espagne alternative marquée par l’intervention de la France dans le conflit. Ce sont souvent des uchronies qui ne nécessitent pas des changements dramatiques, mais qui ont un impact fort.
Je mentionnerais aussi l’interview de Pierre Singaravélou et Quentin Deluermoz, les auteurs de Pour une histoire des possibles – dont je vous parlerai peut-être un jour, quand j’arriverai à le terminer (protip: ce n’est pas le livre idéal pour lire avant d’aller dormir) et quelques autres articles plus généraux.
En fait, en lisant tous ces articles, je me dis qu’il aurait été intéressant de s’en servir pour mettre en lumière certains des mythes de l’histoire (ou de l’historiographie).
Je mentionnerais, par exemple, « l’homme providentiel » (ou la femme, dans le cas de Jeanne d’Arc), ou la « bataille décisive » (Waterloo). Les autrices et auteurs auraient pu mettre en avant les limitations de l’uchronie, comme « l’effet papillon » qui entraîne des impacts de plus en plus imprévisibles au fur et à mesure que l’on avance dans le temps.
Bref, Historia livre ici une petite anthologie de l’uchronie « tous publics ». C’est typiquement le magazine qui agrémentera un voyage de façon honnête, sans plus; à noter d’ailleurs que c’est un numéro double, mais « ordinaire », pas un hors-série. Les fans hardcore d’uchronie risquent cependant de rester sur leur faim.
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“au fer et à mesure” que l’on avance dans le temps => c’est voulu ^^ ? Ou c’est juste pour l’Âge du Fer 😀
Oui, bon, j’aurais dû fer une relecture…
Merci pour le partage !
J’avoue bien aimer les uchronies : ça oblige à revoir de petits détails de notre histoire, à mieux les comprendre, pour rendre le tout cohérent. Et j’aime beaucoup imaginer le monde en lignes de temps différentes où ces mondes “existent”, mais là, c’est plus de la SF XD
Il y a une chaine YouTube spécialisée dans les petites uchronies. Ça s’appelle AlterHis. Ya quelque vision d’uchronies sympa ^^
Je suis historien de formation et c’est toujours un truc qui m’a fasciné: l’uchronie aide à comprendre l’histoire, les points qui peuvent tout changer et ceux, beaucoup plus nombreux, où le poids du contexte est tel que rien ne change – et tous ceux entre les deux.