Gaston Lagaffe revient! Et il n’est pas c… euh, non, en fait, il est toujours à peu près le même. Et, dans ce nouvel album du personnage créé par Franquin, c’est un peu le problème.
Le Retour de Lagaffe est le 22e album mettant en scène le pire garçon de bureau du monde: Gaston Lagaffe, avec son pull vert trop court, ses espadrilles, son chat et sa mouette.
C’est un album quelque peu controversé: prévu l’année passée, il a été bloqué par la fille d’André Franquin, ce dernier ayant moult fois déclaré avant sa disparition qu’il ne souhaitait pas qu’un autre que lui reprenne le personnage. Les éditions Dupuis ont passé outre, il y a eu procès et, finalement, l’album sort à la fin de cette année.
Voilà qui ne présage rien de bon, mais l’album est plutôt bon. Le dessin est très fidèle au trait de Franquin – ce qui en soit est aussi un problème, mais j’y reviendrai – et les gags souvent drôles, à encore tout à fait dans la ligne des planches originales.
En fait, on peut diviser l’album en deux parties: une série de gags en une page, souvent très drôles, puis une deuxième série qui est liée en une sorte de fix-up, formant une histoire complète. La deuxième partie est un peu moins drôle, mais a le mérite de tenter quelque chose d’un peu original par rapport au format classique.
Et dans l’ensemble, j’ai bien aimé Le Retour de Lagaffe, mais j’ai quand même un problème avec cet album. Il est quelque part trop proche de son modèle.
D’une part, il y a le trait de Delaf, qui est presque plus Franquin que celui de Franquin. Il semble d’ailleurs que cela a également été source de controverse, le dessinateur ayant quasiment recopié une partie des éléments des planches originales.
![Le Retour de Lagaffe, page 1](https://erdorin.org/wp-content/uploads/2023/12/le-retour-de-lagaffe-p1.jpg)
![Le Retour de Lagaffe, page 3](https://erdorin.org/wp-content/uploads/2023/12/le-retour-de-lagaffe-p3.jpg)
![Le Retour de Lagaffe, page 4](https://erdorin.org/wp-content/uploads/2023/12/le-retour-de-lagaffe-p4.jpg)
D’autre part, il y a un contexte qui est franchement daté. Le choix a été fait de garder quasiment le même que celui des derniers albums, à savoir les Éditions Dupuis de la fin des années 1970.
Quelque part, c’est logique, parce qu’imaginer quelqu’un comme Gaston dans un univers de bureaux en 2023, c’est quasiment impensable. Mais dans le même temps, ça donne également des situations too much et des gags qui accusent cinquante ans et, parfois, le décalage est notable.
Il y a un côté « vallée de l’étrange » dans ce Retour de Lagaffe. Je ressors de sa lecture avec une impression mitigée. Le résultat est globalement très honorable, mais j’ai cette impression que cet album n’aurait jamais dû sortir en 2023. C’est peut-être moi, notez: Gaston Lagaffe fait partie de mon patrimoine culturel depuis ma plus tendre enfance, il est sans doute normal qu’une pareille « résurrection » me dérange.
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21/12/2023 at 09:56
J’ai tellement de mal avec la sortie même de cet album contre la volonté de son créateur que je suis presque content de lire de la déception, c’est moche.
21/12/2023 at 10:21
Ce n’est pas vraiment de la déception: je n’en attendais rien de bon et, au final, c’était plutôt pas mal. C’est plus une sorte de gêne diffuse, sur le côté copié-collé de la forme et l’aspect passéiste du fond.
21/12/2023 at 15:17
Moi aussi, je m’attendais à pire. Ceci dit, le pire peut toujours advenir, au vu de la descente aux enfers qu’ont entamé Blake et Mortimer, après le redémarrage prometteur qu’était L’étrange rendez-vous…
21/12/2023 at 09:57
Je comprends ton ressenti général. Je m’en suis respectueusement tenu à l’écart, après avoir lu les deux premières planches en librairie.
La nécroanimation de personnages de bédé, c’est pas ouf en général.
regard gêné en direction d’Astérix
Par contre, ne manquerait-il pas la fin de ta conclusion ?
21/12/2023 at 10:20
Elle manquait, mais je l’ai rajoutée.
21/12/2023 at 10:22
Super, merci 🙂
21/12/2023 at 10:23
(C’est la faute du clavier, il l’a retenue.)
21/12/2023 at 10:45
C’est surtout que je l’ai rajoutée en dernière minute.
21/12/2023 at 11:00
Prends l’excuse qui t’est offerte. 😉
21/12/2023 at 11:01
Si c’est gratuit, c’est moi le produit!
(Bon, en vrai, c’est mon blog, donc c’est déjà moi le produit.)
21/12/2023 at 12:32
Tu mets le doigt sur mon problème avec la notion de “cadeau” …
21/12/2023 at 10:47
Ce qui expliquait à la fois l’avis de Franquin mais aussi le résultat en film puisqu’il y a ce problème d’époque et de découpage.
Alors si ce que j’en aperçois est honnête, reste le problème de l’intérêt de sortir ça… l’intérêt c’est de faire du fric pardi !
21/12/2023 at 10:50
Le film, j’ai juste fait l’impasse et classé le concept même dans la catégorie “comédie française de merde (volume 76543)”.
Et oui, clairement, le but est de faire du fric, mais pouvait-il seulement en être autrement?
21/12/2023 at 10:53
Ben tu vois, je l’ai boudé parce que j’aime vraiment trop l’œuvre de Franquin et je ne compte pas l’acheter. Bon si on me l’offre, disons pour Noël, je le lirai quand même.
21/12/2023 at 11:47
La question que je me pose est: comment cela se compare à une autre reprise, comme par exemple les Blake & Mortimer? Il me semble qu’il y a le même choix de reprendre l’époque canonique, une imitation du style de dessin original (mon impression subjective). Et si tu dis que cet album n’aurait pas dû sortir en 2023, est-ce que c’est trop tôt? Le aventures de Gaston sont assez ancrées dans la fin des années 60, tout début 70: il y a des locomotives à vapeur, des livreurs avec des carioles à cheval. Cette période est plus proche des années 40-50 de Blake and Mortier que du présent…
21/12/2023 at 12:03
Difficile de répondre à cette question, parce que les Blake & Mortimer, ça fait trente ans qu’il y en a des “nouveaux” qui sortent et, en plus, beaucoup d’artistes différents s’y sont essayés, au scénario comme au dessin.
Mais si la question se pose sur le contexte, je dirais qu’autant Blake & Mortimer est ancré dans une époque – ou une certaine idée d’une époque – et un côté “grande aventure”, autant Gaston Lagaffe parle de thématiques qui nous sont beaucoup plus proches (la vie de bureau).
21/12/2023 at 16:58
Comme j’avais déjà eu l’occasion de l’écrire beaucoup plus brièvement chez moi il y a quelques jours, je partage ton avis. 🙂
22/12/2023 at 12:28
En fait, le problème de toutes ces séries cultes que les éditeurs font reprendre à des épigones, c’est qu’elles surfent sur la nostalgie et n’ont donc aucune audace. Je suis pour que quiconque puisse reprendre n’importe quelle œuvre, mais qu’il puisse y injecter sa vision du monde, sa personnalité, bref : qu’il en tire ses propres créations plutôt qu’un simple prolongement. Dans la logique industrielle que suivent Dupuis et consorts, on a juste des imitations, parfois très bonnes techniquement, mais jamais d’innovation : l’artiste est réduit à n’être qu’un faiseur, l’auteur un consommateur. Seul Spirou a franchement réussi à s’enrichir en passant d’un auteur à l’autre ; et je ne sais pas si ça peut encore durer…
23/12/2023 at 13:11
Oui, il y a de ça, mais il y a aussi des séries qui ont l’habitude de changements d’auteurs – Spirou, par exemple; on tend à oublier que le personnage n’a pas été créé par Franquin.
Dans le même genre, je serais moins brutal avec Blake et Mortimer, qui a connu quelques albums de très haut niveau post-Jacobs.
C’est marrant, d’ailleurs, la différence culturelle entre le traitement des personnages dans le monde des comics et dans celui de la BD franco-belge.
23/12/2023 at 16:23
C’est bien pour ça que je dis que seul Spirou s’en sort bien ^^
Pour “Blake et Mortimer”, j’en sais rien, ma foi, j’ai jamais lu.
28/12/2023 at 10:11
Je l’ai eu par surprise à Noël, je partais sur un à priori négatif, mais j’ai été agréablement surpris. Certains gags m’ont fait éclater de rire, on reste dans l’ambiance de la grande époque (parfois un peu lourde et sadique, faut le dire).
Graphiquement, je regrette le style un peu fouilli des derniers albums de Franquin, mais je pinaille.
Fallait-il pour autant faire cet album ? Je ne sais pas. Par contre, en faire d’autre en gardant le niveau, ça va être compliqué.