Ce début mai est clairement placé sous le signe des conventions dans des lieux improbables: après les Anthinoises, voici les Chimériades, cinquièmes du nom, sises dans le Château de l’Environnement, non loin de Buoux, dans le Parc régional du Luberon.
Ne cherchez pas: je soupçonne que la ligne de bus la plus proche passe à dix bornes. Heureusement qu’il y a des joyeux covoituristes – coucou Gianni et Manu! – et que la convention est prévue en pension complète, avec gite et nourriture – et bière – sur place.
Parce que les Chimériades, c’est une convention à nulle autre pareille, qui se joue invariablement à guichet fermé et qui implique – outre un cadre tellement reculé que même les smartphones captent mal – un accueil impeccable et des invités prestigieux. Cette année, Jeff Richard et Pierre Pével revenaient, accompagnés de Rolland Barthélémy, de Tristan Lhomme, de Stéphane Marsan et de Ken Rolston.
Que du beau monde, qui n’est d’ailleurs pas là pour faire tapisserie, mais aussi pour animer des conférences fort intéressantes. Même si l’univers de Glorantha ne m’intéresse pas, les propos de Ken Rolston et Jeff Richard sur l’accessibilité d’un univers complexe pour des joueurs novices m’ont pas mal parlé. L’idée de mettre en place des tutoriels ou, à tout le moins, des introductions rapides qui permettent aux joueurs de s’identifier à leur personnage et à entrer dans l’univers mérite d’être notée.
De même, Stéphane Marsan et Pierre Pével ont parlé des liens entre le jeu de rôle et la littérature fantasy française contemporaines, qui sont évidents, mais un peu plus complexes que ce que l’on pourrait croire de prime abord. La discussion a tourné sur la différence entre médias et jeu de rôle et la différence entre un MJ qui raconte une partie et un auteur de roman. À mon niveau, ça me rassure un peu: je pense être plus proche du second que du premier.
Le samedi, j’ai aussi suivi la conférence/atelier de Ken Rolston, où ce dernier a partagé avec nous ses idées de jeux impossibles, commençant sa présentation en disant que maintenant qu’il était à la retraite, il refusait de travailler encore sur la conception de jeux. Au menu, de la déconstruction d’univers connu (avec la colonisation du Mordor après la Guerre de l’Anneau ou la rédemption des personnages les plus antipathiques de Game of Thrones) et des mélanges entre wargame, jeu de rôle et gestion de ressources.
Le même Ken Rolston a animé, avec Benjamin Diebling et Tristan Lhomme, une table ronde très intéressante sur les jeux de rôle et les jeux vidéos, les différences ainsi que les passerelles entre les deux. De nouveau, des interventions très intéressantes, notamment de Benjamin, qui travaille pour un studio qui fait dans les jeux un peu expérimentaux et très orientés « cinéma interactif ». On a de nouveau parlé tutoriel, d’ailleurs.
C’est la deuxième fois que je viens et, cette fois-ci, j’ai appris de mes erreurs: j’ai prévu des parties. Beaucoup. Du Gingerbread, toujours en test et et toujours anonyme pour cause de contrat non signé – cela dit, ça commence à être de plus en plus difficile de rester anonyme, au fur et à mesure que l’on croise des joueurs qui reconnaissent le monde. Mais l’essentiel, c’est de continuer à tester concept, mécanique et scénarios (débiles) auprès de joueurs plutôt enthousiastes. Je suppose que les bières aident, mais pas que.
Car les Chimériades, c’est aussi l’occasion de bien manger et de bien boire: les organisateurs ont prévu grand, avec de la bière pression, de l’hypocras, du moretum, des mojitos offerts par Sans Détour en entrée – et du Perrier-citron pour les lendemains difficiles. Ceci en plus des provisions amenées par les joueurs: j’avais moi-même pris quelques bières suisses, mais il y a visiblement des gens qui sont venus avec des cartons de Chouffe ou de Chimay.
Si j’étais méchant, je dirais que l’idée de servir l’apéro avant la cérémonie de résurrection de la Chimère, le jeudi soir, a contribué à une ambiance plutôt explosive. Il y a de ça, mais je soupçonne quand même que l’ambiance des Chimériades n’a pas forcément besoin d’alcool pour être chaleureuse. Le fait est que la température et le soleil aident pas mal, même si le vent a été un peu trop présent. Après, comparé aux Anthinoises, on passe juste de l’hiver à l’été.
Ainsi, si le château offre une bonne quantité de tables où jouer, pas mal de participants ont préféré s’établir dehors, sur la terrasse, sous les arbres, voire dans le bassin – à sec – des jardins à la française du domaine. On signalera aussi la Cour du Cèdre – appelée ainsi pour son gigantesque cèdre, qui donne l’impression que le manoir a été bâti autour –, dans laquelle les conférences et tables rondes ont souvent lieu.
Il y a également pas mal de stands: des éditeurs (Sans Détour, Le Manoir du Crime) et Ludikbazar comme boutique. J’avais renoncé à venir avec le matos de 2 dés sans faces, mais c’est déjà difficile de débarquer avec une tonne de matos photo, si en plus je dois prendre une autre tonne de matos de jeu auquel je n’ai pas l’intention de jouer et que j’ai assez peu d’espoir de vendre, c’est pas trop la peine. Et puis ce n’est pas comme si je n’avais pas autre chose pour m’occuper entre deux parties.
En conclusion de ce chouette séjour, le barbecue Chaosium et son grill cthulhien – bon, par contre, j’ai été un peu frustré par la quantité de barbaque, je n’ai pu grappiller qu’une saucisse – et, pour fêter le cinquantième anniversaire de l’univers de Glorantha, un palanquée de gâteaux du Luberon marqués aux runes gloranthiennes.
Bref, les Chimériades, c’est que du bonheur – ±10% d’erreurs expérimentales, mais rien de majeur. Si vous avez l’occasion de choper une place, n’hésitez pas: c’est vraiment une expérience hors du commun. Évitez juste de piquer la mienne, parce que j’ai bien l’intention de remettre ça en 2018!
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