Un des slogans les plus marquants que j’ai pu lire ces derniers jours, c’est celui de Reporters sans frontières: “Ils veulent nous réduire au silence, ils n’auront obtenu qu’une minute.” J’aurais aimé pouvoir agir en fonction de cette phrase, mais je dois avouer que, dans mon cas, la minute ait duré un peu plus longtemps. Trop, sans doute.
La vérité, c’est que cette attaque m’a mis l’entendement en vrac pendant pas loin de deux jours. Pour tout vous dire, je me suis même déconnecté d’Internet pendant près d’une journée entière, tellement je n’osais pas affronter la réalité de l’événement et, plus encore, l’ouragan médiatique qui l’a entouré.
J’ai tenté de me changer les idées avec des bières absurdes et en discutant science-fiction avec mes amis des Mercredis de la SF genevois. J’ai essayé de me replonger dans Erdorin, avec plus ou moins de succès, et j’ai lu. Je ne me sentais juste pas de recommencer à parler de rock progressif et de jeux vidéos débiles, au vu des circonstances.
Dans mon billet précédent, je disais avoir perdu douze amis. Plus que cela: j’ai perdu des gens que je considérais, d’une certaine manière, comme des mentors. Je lis Charlie-hebdo depuis près d’une vingtaine d’années et je venais de me réabonner, d’en reprendre pour deux ans. Même si je suis loin d’être un fan de l’humour pipi-caca, Charlie arrive souvent à me faire rire et, encore plus souvent, à me faire réfléchir.
On oublie un peu trop souvent que ce journal n’est pas seulement un exutoire pour anars, libertaires, altermondialistes et autres bouffeurs de religieux de tous poils (pubiens). Sous ses dehors de canard gauchiste, c’est aussi un des derniers médias d’investigation indépendants de la francophonie. Engagé, certes; de mauvaise foi, parfois. Mais bien plus honnête que beaucoup des titres de presse, inféodés à leurs propriétaires et à leurs régies publicitaires.
Charlie-Hebdo vivra. Même s’il doit prendre une autre forme, si son actuelle formule doit disparaître (ça ne serait pas la première fois), je suis persuadé qu’il continuera à exister. Comme le dit Lionel “Ploum” Dricot, en exergue de l’image que j’ai mise sur cet article, il y a sur Internet des milliers de Charlie-hebdo en puissance.
Le plus important, aujourd’hui, c’est de ne pas avoir peur. Que ceux qui, comme moi, ont baissé la tête – de douleur ou de peur – la relèvent et continuent à vivre.
Un lecteur l’a écrit bien mieux que je n’aurais pu: le plus important, c’est de ne jamais devenir comme eux. Et je pressens que nos gouvernements ne vont pas manquer de vouloir faire la guerre à des concepts. Exactement comme ceux qui tuent pour une idée.
(Image de Pierre Berget, via Logonews, utilisé avec leur permission.)
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