Ça doit faire une douzaine d’années que je lis Charlie-Hebdo. C’est pour moi une lecture incontournable du jeudi (en Suisse, il n’arrive en kiosque que le jeudi). J’aime bien ce journal de gauchistes plus ou moins anars, avec ses dessins pipi-caca-bite-couille qui répondent à des articles de fond souvent très bien documentés.
J’ai appris, à la lecture du dernier numéro (paru mercredi 16 en France), que la rubrique de Siné ne paraîtrait plus. La raison semble être la suivante: Siné a écrit, dans un précédent papier, une pique à propos de Jean Sarkozy (le fils de l’autre) et de sa supposée conversion au judaïsme; quelques jours plus tard, un journaliste du Nouvel Observateur s’est fait l’écho du sus-nommé, qui semblait prêt à porter plainte pour injures antisémites. Philippe Val, directeur de la rédaction de Charlie, qui n’avait pas lu le billet en question avant parution, a alors demandé à Siné de s’excuser, ce dernier a refusé.
Bon, je ne vous lierai pas tous les articles de presse qui parlent de cette affaire: il y en a des wagons, plus ou moins factuels. Je n’ai moi-même pas vraiment prétention à résumer ce qui s’est réellement passé. Ce qui m’impressionne dans cette affaire, c’est le brassage qu’il y a autour. Une chose que j’avais déjà notée, c’est que pas mal de médias français de gauche ne se privait pas pour taper sur Charlie-Hebdo et, plus spécifiquement, sur Philippe Val. De mon point de vue, ces médias lui reprochaient surtout de ne pas penser comme eux. Du coup, avec cette affaire, vous pensez bien que ça y va à la pelleteuse.
Le problème de cette histoire, c’est que ça ressemble fort à une situation perdant-perdant-perdant-perdant:
- Val a fait une grosse boulette en n’interceptant pas la sortie de Siné avant sa parution; en tant que directeur de publication, c’est lui qui est responsable de ce qui paraît dans le journal.
- Siné n’a plus de rubrique. Bon, pour ma part, je m’en passe très bien: Desproges disait de lui, il y a 25 ans, que c’était un gauchiste d’extrême droite et je ne suis pas très loin d’être de son avis. Il n’empêche que c’est une perte, pour lui et pour le journal.
- En plus de la perte de Siné, les lecteurs de Charlie ont toutes les chances de faire les frais d’une guéguerre au sein de la rédaction comme des attaques extérieures.
- Enfin, la presse française indépendante, qui n’avait pas besoin de cela, risque de s’appauvrir encore plus. Sans même parler du débat politique.
Alors, la mort de Charlie-Hebdo? Peut-être. Ça ne serait pas la première, d’ailleurs. J’en doute et je ne compte pas quitter le navire comme ça. J’espère ne pas couler avec le reste de la fanfare.
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