Aventures en terres occidentales (et autres stéréotypes)

C’est par un message de Jenna Moran, l’auteure de Nobilis, que j’ai découvert Caucasian Adventures, créé par Daniel Solis et plein d’autres, un des plus jolis pieds de nez à une tendance détestable de la construction d’univers en général et son pendant rôlistique en particulier, j’ai nommé l’abus de stéréotypes.

On a tous en tête ces univers qui ressemblent à un amalgame plus ou moins foireux de cultures qui, vues de (très) loin, sont similaires, sauf qu’en fait pas du tout: Seventh Seas avec sa pseudo-Europe XVIIe siècle de pacotille ou Legend of the Five Rings, qui mélange allègrement Chine, Corée, Japon et d’autres destinations du lointain orient dans une purée médiévalo-asiatique. Ou l’abomifreux Oriental Adventures pour D&D, qui prête son nom à cette idée.

Caucasian Adventures part du même principe, mais en présentant la “civilisation occidentale” (celle dont Gandhi disait que ce serait une bonne idée) sous l’angle d’amalgames et de stéréotypes de mauvaise foi pour former le monde de Caucasia – “Caucasian” étant le terme anglo-américain pour dire “blanc” sans fâcher personne.

Géographie approximative (l’Australie “Oz” en Amérique du sud, l’Europe désignée sous le nom de “Saint-Empire Romain”), syncrétisme religieux bâtard (un panthéon avec Thor, Jésus, Santa Claus et Aphrodite), classes de personnages absurdes et sociétés secrètes débiles (l’Ordre de Smith et ses ennemis, Karl Marx, les Marx Brothers et John Lenin) sont quelques-uns des exemples tordants que l’on rencontre dans les pages ci-liées. La table de génération de noms vaut à elle seule le coup d’œil.

Tout ceci rappelle furieusement une autre gemme de jeu de rôle satirique, Diana Warrior Princess – un jeu qui se basait sur la vision du XXe siècle qu’auraient les équivalent de l’an 4000 des producteurs de Xena. Avec le gros défaut que Caucasian Adventures n’est lui resté qu’au stade de projet-délire entre rôlistes US (les dernières mises à jour datent de 2007).

Plus sérieusement, s’il est vrai que les univers exotiques façon Hollywood sont agaçants pour toute personne ayant une culture équivalent à la fin des études obligatoires, il ne faut quand même pas oublier que, de façon plus générale, les stéréotypes sont un outil important dans  la création d’univers, en ce sens qu’ils permettent de poser en quelques mots une description rapide d’une culture.

On s’en est tous servi: les Elfes sont hautains et graciles, les Nains butés et alcooliques, les Rowaans butés, alcooliques et indestructibles, etc. Le tout est de se souvenir qu’il s’agit d’un outil, d’une simplification certes nécessaire, mais qu’il ne faut pas hésiter à abandonner en rase campagne quand il s’agit de piocher plus profondément. Idem en science-fiction, avec les principes du genre “une planète, un climat, une culture”.

Sans même parler du fait que, suivant le style de jeu que l’on veut adopter, il est probablement plus intéressant d’utiliser des amalgames honteux plutôt que de sortir les vrais schémas historiques qui vont barber tout le monde. Certes, dans l’idéal, il faudrait pouvoir ménager les deux, mais ce n’est pas toujours possible. J’en ai fait l’expérience en tentant des campagnes ou des scénarios plus historiques et j’ai vite vu l’intérêt de mes joueurs décroître au fur et à mesure que je partais dans mes petites manies.

Comme toutes les (bonnes) satires, Caucasian Adventures met le doigt sur un travers courant dans le jeu de rôle et dans la création en général. Cela dit, que cela ne vous empêcher pas de créer les aventures d’Elvis Svensdottor, biclassé GI Joe/clerc de Jésus.

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6 réflexions au sujet de “Aventures en terres occidentales (et autres stéréotypes)”

  1. “Elvis Svensdottor”, mmh, j’aurais un peu tendance à dire que ce nom de famille désignerait un individu de sexe féminin, mais volontaire ou non ça accompagne bien les approximations courantes dans les contextes amalgamés. Etait-ce volontaire ? 😉

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  2. Dans le genre “satire des travers du jdr”, je ne peux que te recommander les lectures de :
    – PowerKill RPG
    – Violence RPG
    – HöL

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  3. Personnellement, je ne crache pas sur les univers “amalgames foireux” (comme tu dis), car ils permettent souvent de prendre des éléments culturels que l’on aime bien, sans devoir coller à une histoire existante, qui peut demander pas mal de recherches. Ceci dit, j’ai longtemps mené du Ars Magica et j’ai fait pas mal de recherches historiques à l’époque…

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