Un faune et son frère qui plantent des pommiers dans l’Amérique du début du XIXe siècle, c’est le début de Appleseed, un roman de science-fiction de Matt Bell. Oui: de science-fiction.

Car si Appleseed commence dans les territoires encore vierges de l’Ohio, il se déroule également sur trois autres époques: l’Amérique dans un futur trop proche, ravagée par les crises climatiques et à moitié abandonnée à une scientifique qui prétend pouvoir sauver le monde, et enfin les grandes étendues glacées, plusieurs siècles plus tard, parcourue par un étonnant robot « humain ».

Un détail qui échappera peut-être aux lecteurs non-américains: le personnage de Chapman, le faune, est une relecture de Johnny Appleseed, un personnage historique, mais devenu légendaire, qui a effectivement introduit la culture du pommier dans l’Ohio. La pomme est d’ailleurs au cœur du récit, avec toute sa symbolique, chrétienne et américaine (as American as apple pie).

J’insiste sur ce point parce que c’est peut-être la partie que j’ai préférée dans Appleseed. Globalement, j’ai eu du mal avec ce bouquin, parce que je le trouve très décousu. Il y a bien entendu des liens entre les trois époques, mais parfois ils apparaissent très tard dans le récit et ils ne sont pas vraiment évidents, sinon la proximité géographique autour de l’Ohio.

Pourtant, le point de pivot se passe dans le futur « proche », quelques décennies dans l’avenir. Un monde où une scientifique géniale, du nom de Eury Mirov, a mis au point des technologies pour mitiger l’impact des crises climatiques. Mais elle a aussi une idée pour « sauver le monde », une idée radicale qu’elle est prête à imposer à tous, qu’ils le veuillent ou non. Et John, un scientifique qui fut son ami d’enfance et son amant, va tenter de s’y opposer. Mirov est le genre de génie mégalomane qui dit agir pour le bien de l’humanité, mais qui rappelle un autre « génie » contemporain, aux initiales similaires, à la mégalomanie galopante et adepte du technosolutionnisme.

Et enfin, il y a l’histoire de C, le « robot » – en fait un clone – qui explore les étendues glacées dans un véhicule décrépit, à la recherche des dernières matières organiques. Et là, les liens se font de plus en ténus, même s’il n’est pas difficile de comprendre que ce monde est la conséquence du précédent.

Gromovar avait mentionné Appleseed dans une mini-chronique annonçant celle qu’il a fait paraître dans la revue Bifrost. Il y écrivait « Tu as lu Le ministère du futur, alors tu dois lire Appleseed qui en est l’indispensable complément. Et sinon tu dois le lire aussi. » Je vois la référence au Ministère du futur, dont ce livre est quelque part la face sombre, mais je suis moins convaincu de la pertinence de le lire.

Il n’est pas mauvais, loin de là, mais je l’ai trouvée trop décousu, à cause des trois périodes qui s’entremêlent et de quelques éléments qui ne sont jamais complètement expliqués – pourquoi un faune? Et puis, pour être franc, je n’ai pas vraiment besoin de bouquins déprimants en ce moment.

Pour soutenir Blog à part / Erdorin:

Blog à part est un blog sans publicité. Son contenu est distribué sous licence Creative Commons (CC-BY).

Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.