« Radicalized », de Cory Doctorow

Comme je n’avais pas assez de bouquins sur ma pile à lire – oui, c’est du sarcasme – j’ai acheté la version numérique du nouveau bouquin de Cory Doctorow, Radicalized. On pourrait le résumer par « comment devenir un terroriste en quatre leçons ».

D’une part, parce qu’il s’agit d’un recueil de quatre nouvelles plutôt longues et, d’autre part, parce qu’un des thèmes centraux des histoires, c’est les mécanismes qui font basculer n’importe qui dans la criminalité, criminalité souvent qualifiée de « terroriste » par les pouvoirs en place.

D’abord, c’est Unauthorized Bread, nouvelle au titre génial et qui commence par un grille-pain en panne. Le souci, c’est que dans cette Amérique située une ou deux générations dans l’avenir, les pauvres n’ont accès qu’à de l’électro-ménager inféodé à un modèle économique foireux. Et que, quand la compagnie qui les produit part en faillite, les grille-pains cessent de fonctionner.

Que faire quand le choix est donc de manger froid (ou à l’emporter) ou de « libérer » l’électro-ménager, ce qui est illégal? Surtout quand, comme la protagoniste de l’histoire, on est une réfugiée et que ce genre de manipulation pourrait lui valoir une expulsion.

Le personnage principal de Model Minority, l’histoire suivante, est lui aussi un réfugié installé en Amérique. Il s’appelle Clark – enfin, en ce moment – et a un alter-ego qui vole, a une super-force, est virtuellement indestructible et est ami avec un playboy milliardaire qui s’appelle Bruce.

Le souci vient quand il se retrouve confronté à une créature qu’il ne peut pas détruire: le racisme institutionnel dans la police de New York. Et que cette créature, elle, peut très bien le détruire ou, à tout le moins, lui rendre la vie impossible, ainsi qu’à toutes les personnes auxquelles il tient.

Radicalized, la nouvelle-titre, commence par un miracle. Ou peu s’en faut: un cancer théoriquement terminal qui connaît une rémission spontanée. Sauf qu’il aurait pu être curable, si l’assurance-maladie n’avait pas refusé de rembourser le traitement (certes très cher).

L’époux de la miraculée découvre alors qu’il n’est pas le seul dans ce cas et que des proches de malades, auxquels les assureurs ont refusé un traitement pour des raisons de coûts, sont en train de former une communauté très, TRÈS en colère. Et qui n’a plus rien à perdre.

Enfin, The Masque of the Red Death reprend la base de l’histoire d’Edgar Allan Poe, mais dans un contexte survivaliste: un riche trader et une vingtaine d’amis se réfugient dans un complexe isolé pour échapper à ce qu’ils pensent être un effondrement civilisationel.

Je ne pense pas spoiler grand-chose en disant qu’à la fin, tout le monde meurt, malgré leur stock gargantuesque d’armes et de munitions. Ce qui est amusant, en plus du renversement de la plupart des codes du post-apo, c’est pourquoi et comment. OK, techniquement, elle sort un peu du cadre précité, « comment devenir un terroriste », mais elle utilise un peu les mêmes ressorts.

On a donc des histoires qui tiennent plus du conte moral que de l’aventure et qui dénoncent, via des contextes plus ou moins science-fictionnels, des travers de notre époque. Les protagonistes y essayent tous de trouver des réponses à l’absurdité de leur environnement.

Dans Unauthorized Bread, ce sont des objets de tous les jours verrouillés par une technologie faillible et une loi qui criminalise leur libération. Dans Model Minority, c’est le complexe militaro-policier qui, sous prétexte d’optimisation, vise les populations les plus défavorisées et couvre ses branches pourries. Et dans Radicalized, c’est un système de santé à la seule loi du profit financier.

Comme mentionné, seul Masque of the Red Death sort un peu du créneau, en mettant en scène un protagoniste qui fait partie du problème plutôt que de la solution et qui, au final, est tué par son propre égoïsme et sa paranoïa, dans un monde où l’entraide est devenu la norme.

Globalement, j’ai trouvé Radicalized très sympa. Le format court semble mieux réussir à Cory Doctorow, que j’ai toujours trouvé plus convaincant comme chroniqueur que comme romancier. Il garde un certain nombre de ses tics d’écriture et, si les longues explications contextuelles sont plus rares que dans d’autres de ses ouvrages, elles n’ont pas complètement disparu.

Le format « conte moral » a aussi tendance à vouloir dire « prêche pour sa propre paroisse » et j’imagine que c’est un côté qui peut être parfois gênant, surtout si on ne partage pas les idées de l’auteur.

Je suppose que je ne surprendrai personne si je concluais en disant que je recommande chaudement la lecture de Radicalized. Depuis le temps, j’imagine que vous avez noté que je suis un fan de Cory Doctorow, mais même ainsi, je trouve que cet ouvrage est un des plus convaincants de sa récente bibliographie.

Vous pouvez le trouver en numérique, sans verrous ou limitations, sur la boutique en ligne de l’auteur, ou chez votre fourgue habituel.

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