Facebook et les créateurs: paie pour exister

Il semble que pas mal de gens sont en train de se rendre compte que leurs intérêts et ceux de Facebook divergent quelque peu. Parmi ces gens, beaucoup de créateurs qui s’aperçoivent que, même s’ils ont des dizaines de milliers d’abonnés à leur page, seuls quelques milliers d’entre eux recevront une nouvelle publication sur leur fil d’info. Pour en toucher plus, il faut payer.

Le fil d’actu est régi par un algorithme (c’est-à-dire les décisions de quelqu’un d’autre) qui, en gros, ne fait apparaître qu’un nombre “raisonnable” de toutes les publications des contacts de l’utilisateur (amis, groupes, pages suivies et autres). Les critères sont bien entendu opaques, il y a parmi ces publication des pubs, etc.

En théorie, ce n’est pas idiot: dès qu’on commence à atteindre un certain nombre “d’amis” (j’en ai pas moins de mille), de pages et de groupes, la quantité de publications est hallucinante. Avoir en priorité des informations plutôt que d’autres fait sens.

Sauf qu’il y a deux problèmes: d’une part, cela signifie qu’un créateur ne peut pas partir du principe que toutes les personnes potentiellement intéressées – par exemple, abonnées à la page du créateur – seront touchées par une nouvelle publication. Ou alors, il faut payer Facebook.

D’autre part, la prioritisation est le fait de l’algorithme – donc de la décision de quelqu’un d’autre. Et, par “quelqu’un d’autre” il faut comprendre “pas soi”. Un utilisateur n’a aucun moyen d’être assuré de recevoir toutes les publications d’une page donnée. Bien sûr, il peut aller sur la page en question, mais c’est un peu tout. Bien évidemment, Facebook n’a pas de flux RSS.

Le but de ce billet – rédigé après une série d’échanges sur Twitter avec plusieurs auteurs et sous l’influence d’une crève tenace – n’a pas pour but de dire que Facebook, c’est tous des méchants-euh! Facebook est une corporation et, comme toutes les corporations, son but premier est la satisfaction de ses actionnaires; la satisfaction de l’utilisateur est, au mieux, un but secondaire (et au pire un effet secondaire heureux).

https://twitter.com/jo4sia_m/status/1052916130334035968

Ce que je veux dire par là, c’est qu’il vaut mieux être au courant de comment fonctionnent les outils que l’on utilise. Facebook est un outil, ce n’est pas votre ami. Et cela vaut pour les créateurs comme pour les utilisateurs.

Pour les créateurs, je dirais que la leçon, c’est de ne pas utiliser Facebook – ou les réseaux sociaux, de façon générale – comme plateforme principale pour la communication et pour la promotion. Un bon vieux blog, ça a du bon: c’est raisonnablement stable, c’est pérenne (on garde des archives), c’est potentiellement “portable” (on peut transférer le contenu d’une plateforme à l’autre) et on peut partager les articles avec les réseaux sociaux.

Je recommanderais également de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et d’avoir une activité sur plus d’une plateforme. C’est aussi le bon moment pour explorer d’autres plateformes de réseaux sociaux, potentiellement plus respectueuses des utilisateurs (Mastodon et Diaspora, par exemple). C’est plus de boulot, certes, mais c’est probablement plus sain à long terme.

Pour les utilisateurs, il faut comprendre que Facebook n’affiche pas tout. Et que, notamment, si vous voulez avoir des informations fraîches sur vos créateurs préférés, mieux vaut aller voir directement sur leur page plutôt qu’attendre passivement qu’elles apparaissent sur votre fil d’info. Et oui, là aussi, ça implique plus de boulot. On ne vous avait pas dit qu’il fallait bosser pour être un vrai fan?

Ah, et méfiez-vous quand Facebook vous dit un truc – par exemple, que la vidéo est le média qui fonctionne le mieux au niveau promo. Parce que des fois, Facebook dit juste n’importe quoi. Mais il n’est pas méchant, c’est juste sa nature.

(Image: Esther Vargas via Flickr, sous licence Creative Commons, partage dans les mêmes conditions (CC-BY-SA)

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5 réflexions au sujet de “Facebook et les créateurs: paie pour exister”

  1. Haha, mais tu m’as carrément citée! LOL Encore une fois, je ne suis pas vraiment d’accord quand tu hiérarchises la satisfaction des actionnaires et des utilisateurs. Étant donné ce qu’est Facebook, la satisfaction des utilisateurs est la pierre angulaire de son succès, y compris financier. Donc, même si la satisfaction des actionnaires est le “vrai but”, ce dernier est matériellement subordonné à la satisfaction des utilisateurs (mais, comme pour les élections “démocratiques”, on peut penser ce qu’on veut de ce qui semble “satisfaire” la majorité des gens).

    Le jour où ils prendront une décision qui va réellement faire chier une majorité d’utilisateurs (je m’étonne parfois que ce ne soit pas déjà le cas, mais je dois me rappeler que je ne suis pas représentative de l’utilisateur-ice moyen-ne), ils vont la sentir passer, et soit ils devront changer de cap, soit ce sera soit le début de la fin pour eux.

    Par rapport à l’opacité, je trouve aussi difficile de faire passer cela pour quelque chose d’unilatéralement problématique. D’une, ce n’est pas si opaque que ça. Tout le monde connaît en gros les paramètres qui font monter ou descendre une publication dans le classement de Facebook : les interactions sur la publication (réactions, commentaires, partages) et l’historique des interactions entre la personne et la page, et entre la personne et le type de contenu en question.

    De deux, la transparence d’un tel algorithme est en soi un problème, puisqu’elle permet aux markéteurs de l’instrumentaliser pour passer des messages en force, plutôt que de favoriser le contenu et le succès plus “authentiques”. Plus on comprend comment un système fonctionne, plus on peut le manipuler, et c’est rarement l’utilisateur lambda qui gagne à ce jeu-là.

    Pour ce qui est de l’alternative, pour moi, c’est la mailing-list.

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    • Caisse tu veux, tu es une vraie leader d’opinion des interwebs. 😉

      Je sais que ça fait un peu cliché, genre messants capitaliss, mais je n’ai personnellement plus la moindre illusion sur la gestion des grosses boîtes. Des exemples comme ceux de Toyz’R’Us ou Sears montrent que l’actionnariat prédateur est un fait et pas forcément une exception.

      J’ai assez peu d’illusions quant à la réactivité des utilisateurs, non plus. Il y a déjà eu beaucoup de scandales autour de Facebook ces derniers temps et on n’a pas encore vu un exode massif. On est un peu dans la méthode pour ébouillanter les grenouilles, mâtiné du fait que beaucoup des utilisateurs pensent que FB est irremplaçable.

      Pour ce qui est de l’algorithme, les CM savent sans doute comment il fonctionne et tâchent de rester au courant, mais pour beaucoup d’utilisateurs semi-lambda, je pense que ça reste opaque.

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  2. Il y a aussi la bonne vieille newsletter. On en reçois tous 200 000 de non-sollicitées, mais personnellement j’ouvre avec amour et joie mes lettres d’infos préférées. Le truc pour le créateur, en théorie, c’est d’envoyer une VRAIE newsletter et pas juste un agrégat automatique de liens. Sans tomber dans le putaclic ni le spam. Mais 1 tous les mois, par exemple, avec quelques vraies infos et tout, ça me semble pas con.

    L’éternel numéro d’équilibre promo / créa.

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    • C’est vrai; personnellement, je ne suis pas fan du média, mais c’est vrai que, si c’est bien fait, ça peut être sympa. Après, avec mon rythme de parution, il en faudrait une par semaine et je ne crois pas que j’ai le temps à y consacrer pour le faire bien.

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