“The Atrocity Archives” et “The Jennifer Morgue”, par Charles Stross

Bob Howard est ce que l’on pourrait appeler un espion standard. Entendez par là que ce n’est pas un surhomme en smoking qui dessoude des agents ennemis par palettes tout en buvant des vodka-martini et en draguant tout ce qui passe, mais un geek, fonctionnaire de la Couronne britannique. Bon, à part que son employeur, connu sous le nom de The Laundry, est plus secret que secret, car s’occupant d’incursions dans notre réalité par des entités extra-dimensionnelles dont la seule mention suffirait à rendre la moitié de la planète folle à lier.

J’avais beaucoup entendu parler de The Atrocity Archives et de sa suite, The Jennifer Morgue, série signée Charles Stross (je n’ai pas encore lu The Fuller Memorandum, ni les autres nouvelles) et j’avais jusque là un peu hésité, principalement par anti-lovecraftisme primaire. Car non, je n’aime pas non plus les histoires d’Horreur Indicible; je sais, je suis chiant, vous devriez avoir l’habitude, depuis le temps. Dans le cas présent, c’est un tort, car la série est tout bonnement excellente.

D’abord, c’est une série écrite par un geek, pour des geeks. Les références informatiques obscures, tout droit sorties du Jargon Book, sont nombreuses et souvent hilarantes; bon, ça implique qu’il faut avoir une certaine connaissance du folklore en question, sinon des références comme le “Scary Devil Monastery” – sans même parler du fait que les deuxième et troisième prénoms du protagonistes sont Oliver et Francis – risquent de vous passer loin au-dessus de la tête.

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San-Antonio chez les rôlistes

Vous avez dû finir par vous rendre compte, après ces trois derniers articles sur le sujet, je suis un fan de San-Antonio. Soit, mais quel rapport avec le jeu de rôle – sinon que je le considère comme un des mes maîtres en écriture et que ça a dû forcément avoir un impact sur Tigres Volants? Il existe somme toute assez peu de jeux qui sont exclusivement axés sur le polar ou sur l’espionnage et aucun, à ma connaissance, qui l’aborde sous l’angle du pastiche ou de la parodie.

Cela dit, en relisant les ouvrages (surtout ceux des années 1950-1960, période dans laquelle je suis plongé en ce moment), je m’aperçois qu’il y a pas mal d’éléments qui sont réutilisables en jeu de rôle, sous forme d’inspirations diverses et variées. Certes, la structure même des histoires, centrée sur la personne du commissaire San-Antonio, héros et narrateur des ouvrages, est difficile à calquer en jeu de rôle, à moins de jouer en (très) petit comité et d’avoir des joueurs qui acceptent de jouer les faire-valoir. C’est un peu ce à quoi je pensais en écrivant le premier jet de À suivre…, que je compte d’ailleurs bien ressusciter un de ces quatre.

Tout d’abord, il y a la période. L’air de rien, le Paris de la fin des années 1950 est une destination qui, somme toute, est devenue passablement exotique à cinquante ans de distance. Certes, on n’est pas dans le Turkménistan décrit Nicolas Bouvier dans L’Usage du monde, ni même dans le Paris semi-fantastique de Rue des Maléfices, mais expliquez donc à la jeune génération une époque sans digicode, mais avec des concierges acariâtres, sans téléphone portable mais où on bigophone depuis le bistrot du coin, où les taxis sont encore pilotés par d’anciens nobles russes chassés par les Bolchéviques. C’est l’après-guerre, aussi, avec sa reconstruction enthousiaste et ses blessures mal refermées; les protagonistes de plus de trente ans ont “fait” la guerre – collabos, résistants, les deux?

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San-Antonio, morceaux choisis

Je ne résiste pas à partager avec vous ces quelques extraits de Messieurs les hommes, un San-Antonio vieille époque (1955), qui est à mon avis un des premiers dans lequel éclate réellement le “style San-A”. Le rififi est à son comble… Toutes les gagneuses, tous les messieurs qui tortoraient dans l’établissement se sont pris par …

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Mon pote San-Antonio

Ces jours, j’ai retrouvé un vieux pote, un certain San-Antonio. Un type extra, du genre qui se prend pas la tronche avec des imparfaits du subjonctif avec double arbre à came en tête, ni avec des détails comme la vraisemblance ou les bonnes mœurs. Flic, mais pas du genre pénible; pas une tanche non plus, hein? Services secrets, as du tir et de la castagne; la crème. Et du genre doué de la langue. Oui, à l’écrit aussi.

Trente ans qu’on se connaît, lui et moi; plus que ça, même! Plus qu’un pote: une inspiration! Ah, je m’en suis enfilé, de ses aventures rocambolesques, à Pantruche et ailleurs! J’en ai retenu un goût prononcé pour le calembour foireux, la métaphore acrobatique et les comparaisons qui font claquer les plombages. Oh, on s’était bien un peu perdu de vue ces dix dernières années; lui a perdu son père/double, moi j’avais ma petite vie, mes petits écrits à moi. Mais je le savais pas loin, toujours à portée de pogne en cas de besoin.

Et puis il y a eu cette nouvelle édition. Collection “Bouquins », chez Robert Laffont. Du lourd: 1200 pages le volume, du genre huit à dix épisodes la pièce: tout ce qui faut pour les longues soirées d’hiver. Et j’ai replongé. Je suis reparti en virée avec mon vieux pote à travers la France et la Belgique – et même avec un crochet par Genève, tant qu’on y est. On s’est raconté nos souvenirs. Sans surprise, les siens sont plus chouettes. Du polar, peut-être; de l’espionnage, aussi; limite du pulp, en fait, l’humour en plus: la guerre, la Résistance, les Services secrets, les machinations improbables, les méchants biens tordus, les belles pépées toujours plus ou moins fourbes.

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“Rue des Maléfices”, de Jacques Yonnet

C’est l’ami Loris qui, lors de notre dernier périple parisien, m’a passé Rue des Maléfices, unique livre de Jacques Yonnet. Pendant un petit mois, l’ouvrage a traîné sur mes étagères, où je lui jetais de temps à autre un œil torve, rendu méfiant par sa couverture pour roman noir de bas étage.

J’ai sans doute fait dans ma vie de plus grosses erreurs de jugement, mais je préfère ne pas m’en souvenir.

Car une fois ouvert, ce bouquin m’a happé en trois pages, guère plus. Entraîné dans un univers aussi exotique que familier: Paris. Oh, pas le Paris de ce début de IIIe millénaire, mais celui du milieu du XXe siècle, entre 1940 et 1966. Un Paris décrit par un amoureux de la ville qui, par nécessité autant que par curiosité, se retrouve à en explorer les quartiers populaires avec tout ce qu’il compte de mystères et de fantastique.

Tudieu quel voyage et quelle claque! On croirait un livre écrit par le père spirituel de Nicolas Bouvier, Jacques Bergier et Louis Pauwels: on y retrouve cette verve descriptive à la première personne et ses paysages et personnages si authentiques et pourtant si bizarres du premier et les pointes du réalisme fantastique des seconds (auteurs du Matin des Magiciens).

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“Crown of Slaves” et “Torch of Freedom”, de David Weber et Eric Flint

Crown of Slaves et Torch of Freedom, de David Weber et Eric Flint, sont les deux tomes d’un spin-off de la série “Honor Harrington”, qui se situent entre les trois derniers épisodes de la série. Ceux qui, comme moi, ont suivi la série originelle avant de s’intéresser à cette histoire parallèle ont déjà croisé certain des personnages, notamment l’improbable duo d’espions Anton Zilwicki et Victor Cachat, respectivement de Manticore et du Havre (deux nations qui, je le précise pour les ceusses qui ne sont pas au fait des évènements, sont en guerre depuis plusieurs décennies).

C’est dans l’espoir de combler les trous apparus à la lecture de Mission of Honor que j’ai entrepris cette histoire – un peu à reculons, je dois l’avouer. J’avais tort: si ces deux ouvrages ont beaucoup des défauts communs à la série, l’adjonction d’Eric Flint est particulièrement bienvenue et apporte un peu de légèreté à une histoire passionnante – la création d’une nation stellaire d’esclaves libérés et les prémices de la grande bataille contre Mesa –, mais passablement indigeste.

Disons les choses clairement: les derniers ouvrages écrits par David Weber sont d’une richesse indéniable, mais d’un point de vue littéraire, ils sont assommants. C’est un festival de descriptions à rallonge, de plongées dans les arcanes de la politique interstellaire, de digressions historiques et autres monologues internes interminables de personnages secondaires (qui parfois meurent brutalement la seconde suivante), sans parler de la profusion desdits personnages secondaires. Pour un peu, je dirais que je soupçonne David Weber d’être plus un rôliste qu’un auteur.

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“Black Man”, de Richard K. Morgan

Un des effets secondaires de mon récent engouement pour LibraryThing est que je me suis aperçu que j’avais depuis bientôt un an (je l’avais reçu à Noël) Black Man, le dernier roman de Richard Morgan, sans l’avoir lu. C’est malin.

Pour situer, Richard Morgan est l’auteur de la trilogie Altered Carbon / Fallen Angels / Woken Furies et j’ai un peu l’impression que cette histoire d’anticipation aux relents post-cyberpunk et transhumaniste se situe dans le passé de cette trilogie – un peu comme un autre ouvrage isolé, Market Forces.

À l’aube du XXIIe siècle, Carl Marsalis est un humain dont le génome artificiellement modifié fait de lui un monstre aux yeux de la société d’alors. Son boulot: chasser les “monstres” comme lui; c’est pourquoi une agence gouvernementale fait appel à lui – et le sort d’une prison floridienne – lorsqu’un de ses congénères revient illégalement des colonies martiennes et commence à massacrer allègrement des gens sur le territoire nord-américain.

Mélangeant les thèmes du techno-thriller, de la science-fiction et du policier, Black Man n’est pas un bouquin banal et, dans son genre, il est très bien. Bon rythme, écriture soutenue, une trame qui n’est pas vraiment prévisible, des protagonistes raisonnablement originaux dans une univers presque crédible.

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« Anathem », de Neal Stephenson

Ça faisait un moment qu’Anathem, dernier ouvrage en date de Neal Stephenson, m’observait sur les rayons de ma bibliothèque. J’anthropomorphise (ou zoomorphise, si on veut), parce qu’avec ses mille pages de texte et sa couverture cartonnée, l’ouvrage tient beaucoup du monstre.

Et pas seulement en apparence : le contenu est également à même d’impressionner le lecteur moyen et ce que j’en avais lu était tout aussi dissuasif. Le problème est que Neal Stephenson s’est lancé dans le roman à secret en plaçant son histoire sur une planète qui n’est pas la Terre, mais qui y ressemble beaucoup et qui a des termes qui ne veulent pas dire exactement la même chose que ce à quoi on s’attend.

Vous voyez le problème ? Je soupçonne que Neal Stephenson, depuis la Trilogie Baroque, a décidé qu’il n’allait plus faire dans le simple. C’est un genre, mais c’est un genre qui mord.

C’est le gros, gros défaut de ce bouquin : Anathem est volontairement abscons et, s’il n’avait pas été doté d’une préface explicatrice, il est fort probable que je l’aurai abandonné au bout d’une dizaine de pages. Et même sans cela, quand l’intrigue – une sorte d’ordre monastique dédié à l’étude et à la science, dans un monde futuriste mais largement analphabète, est confronté à une découverte majeure qui menace de détruire la planète – peine à démarrer avant la trois-centième page, c’est rude.

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La société pollen, redux

Or donc, cette “société pollen” dont parle L’abeille et l’économiste, c’est quoi au juste? À vrai dire, je ne suis pas sûr d’avoir tout compris, mais je vais essayer de vous résumer le bazar à la louche.

L’idée générale est que l’économie est en train de muter à grande vitesse vers un système où l’immatériel prend de plus en plus de place. L’immatériel, ce sont les biens culturels, les connaissances et les liens sociaux, entre autres chose. Vous me direz que c’est déjà le cas depuis un moment, mais ce qui change est qu’on est en train de sortir d’un état d’esprit basé sur des ressources matérielles infinies. Il n’y a pas de planète B et ça change tout.

Le problème est que le capitalisme tel qui se définit de nos jours est encore très fortement basé sur l’idée d’une économie matérielle forte. La théorie de Yann Moulier Boutang est qu’il faut adapter l’économie à ce qu’il appelle la pollinisation et qu’on pourrait appeler la libre-circulation des idées. S’il utilise la métaphore des abeilles, ce n’est pas pour prôner une société-ruche, mais pour mettre l’accent sur la fonction de pollinisation des abeilles, qui a un beaucoup plus grand impact économique que la production de cire ou de miel. Et aussi parce que c’est une activité aussi primordiale que fragile.

Sa théorie est évidemment un chouïa plus complexe que ce que j’expose ici. Un de ses aspects les plus malins est qu’elle a beau être radicale par pas mal de côtés, elle n’est pas révolutionnaire, du style pendre le dernier patron avec les tripes du dernier banquier. Ce qui est assez heureux, parce que je ne suis pas sûr qu’elles soient assez solides pour ça. L’idée est de convaincre le monde de la finance qu’il est dans son intérêt dans le long terme de privilégier des projets moins rentables, mais plus durables.

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“L’abeille et l’économiste”, de Yann Moulier Boutang

Je vous avais promis, dans un précédent article sur la « société pollen », plus de détails sur L’abeille et l’économiste, le livre de Yann Moulier Boutang qui en était à l’origine. Ayant fini par lire le bouquin en question, je ne suis pas sûr d’arriver à rendre le propos plus clair; c’est peut-être dû au fait que je l’ai lu dans un train bondé entre Milan et Genève, notez.

C’est assez frustrant: d’un côté, je soupçonne que le concept d’une économie basée sur les réseaux et les échanges d’idées est, sinon révolutionnaire, du moins intéressante, d’un autre ce livre ne fait pas grand-chose pour exposer clairement son idée première. À commencer par une première moitié quasi-exclusivement consacrée à l’actuelle crise financière, sa vie, son œuvre. Alors oui, c’est important, mais au point de remplir la moitié des pages? Un ou deux chapitres et une palanquée de références (que personne n’aurait lues) auraient suffi.

Il est cela dit fort possible que je ne sois pas le public-cible, mais je trouve qu’avec un tel titre, on ne voit pas beaucoup les abeilles. Ou alors, quand on les voit, on les voit trop. Une fois lancé, l’auteur abuse de sa métaphore – à comencer par l’interminable fable de l’avant-propos. Et c’est vraiment dommage, parce qu’au moment où on arrive à la substantifique moëlle, l’auteur semble comme à bout de souffle. Alors que, de mon point de vue, la vision de cette nouvelle économie aurait mérité une place centrale, elle arrive comme une conclusion, limite prophétique.

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“Et si la France avait continué la guerre…”

En ce 6 juin 1940, alors que l’armée française est encerclée en Belgique et recule presque partout ailleurs, un banal accident de voiture change la face de l’histoire. La mort de la comtesse Hélène de Portes, place de l’Alma, est le point de divergence choisi par les auteurs de Et si la France avait continué …

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“Mission of Honor”, de David Weber

Mission of Honor est le dernier volume en date de la série de science-fiction de David Weber qui est centrée autour du personnage de Honor Harrington, officier de la flotte spatiale du Royaume stellaire de Manticore. Mine de rien, c’est du dense: un pavé de 600 pages écrites petit. Il m’a bien fallu le voyage en train de Stuttgart vers Bâle et une poignée d’heure à côté pour en venir à bout. On est loin du côté “roman de quai de gare” des débuts, avec ses couvertures kitsch et ses vaisseaux en forme de double gode (à part les couvertures, toujours aussi kitsch).

Je vous fais grâce de l’histoire depuis le début, sinon pour dire qu’il s’agit d’un univers où plusieurs jeunes nations stellaires se retrouvent à se faire la guerre et jouent de dangereux jeux d’alliance, à l’ombre de l’ancienne Ligue solarienne, centrée autour de la Terre et en pleine déliquescence. Mission of Honor contient pas mal des ingrédients des volumes précédents, à base de combats spatiaux spectaculaires et de haute et basse politique, avec une très nette emphase sur les seconds que les premiers. C’est d’ailleurs un peu le problème du bouquin.

Si les premiers volumes de la série étaient clairement dans le style de science-fiction militaire, les derniers volumes s’en éloignent passablement. L’intérêt est qu’on a, avec le “Honorverse” (qui contient une volée d’ouvrages annexes que je n’ai pas encore lus), un univers spectaculairement complet et complexe, qui dégage un sentiment de crédibilité très appréciable pour quelqu’un comme moi, qui apprécie les mondes bien construits.

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“The City & The City”, de China Miéville

Il y a des bouquins qui inspirent, chez l’aspirant (également au sens anglais du terme) auteur que je suis, un respect teinté de crainte. L’impression d’avoir touché du doigt et du cerveau quelque chose d’assez exceptionnel. The City & The City, de China Miéville, entre dans cette catégorie.

China Miéville, c’est l’homme de la fantasy urbaine: Perdido Street Station et les ouvrages qui tournent autour de cet univers, plus d’autres que je n’ai pas lus mais qui, à la lecture des résumés, laissent penser que ce sont les villes, plus que les personnages et les histoires qui s’y déroulent, qui occupent une place centrale dans ces romans. The City & The City, comme son nom l’indique – et si tant est que ma théorie est exacte –, ne fait pas exception.

Au commencement de l’ouvrage, il y a le meurtre d’une jeune femme, dont le corps est retrouvé dans un skate park de la ville de Besźel, quelque part en Europe du sud-est. L’enquêteur Tyador Borlú enquête pour se rendre rapidement compte que la clé de l’énigme se trouve dans Ul Qoma, la ville voisine, rivale et, pour tout dire, siamoise de Besźel.

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De la chair à l’acier

Si j’ai acheté ce recueil de nouvelles De la chair à l’acier, paru aux Éditions Icares à l’instigation de l’éditeur rôliste Forgesonges, c’est en grande partie sur l’insistance fort insistante d’une des auteur(e)s publiés dans l’ouvrage, Natalia « Nathalouchka » Aparicio-Vuille. Je n’en dirai pas plus sur ces malheureuses circonstances pour ne pas me fâcher tout de suite et définitivement avec elle, sinon que la prochaine fois que j’ai l’intention de lui dire « non », je penserai à prendre un batte ou un fusil à pompe.

Le recueil contient les dix nouvelles lauréates du concours « Plumes en herbe » organisé par Forgesonges, sur le thème éponyme. Je précise au passage que « éponyme » est un mot que j’aime beaucoup et qui signifie « du même titre ». Histoire d’être clair. Dix histoires, donc, de qualité pas forcément très égale mais, dans l’ensemble, plutôt plaisantes.

Il y a là du médiéval-fantastique (ou assimilé) pour quatre des nouvelles, trois étant plus clairement orientées science-fiction, une étant une uchronie steampunk avec un traitement façon roman noir, une historique fantastique et une dernière contemporain fantastique. Si certaines souffrent du fameux syndrome du nommage abscons si bien décrit par Boulet, la plupart de ses nouvelles tiennent la route.

Si je devais désigner des préférées, ce serait peut-être « Première ligne », une histoire de mercenaires dans un monde med-fan que j’imagine à la façon des livres de la « Compagnie noire » (que je n’ai pas lu), mais est surprennamment plaisante à lire – même pour quelqu’un comme moi qui n’aime pas le med-fan. Peut-être parce qu’elle est plus med que fan.

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“For the Win”, de Cory Doctorow

Dans un avenir proche, des ados de Chine, d’Inde, d’Indonésie ou du Vietnam travaillent dans des jeux massivement multi-joueurs, un peu comme à la mine : ils y récupèrent monnaie virtuelle et objets légendaires, pour le compte d’intermédiaires sans scrupules – qui, eux-mêmes, font partie d’un plus vaste réseau criminel organisé. Mais, parmi eux comme dans les villes-usines de ce tiers-monde au service des pays riches, se lèvent des hommes et des femmes avec le projet fou de créer un syndicat international.

Même si je n’ai pas pu trouver tout ce que je cherchais à Montréal, j’ai ramené le nouveau bouquin de Cory Doctorow, For the Win. Tant qu’à faire, entre le train de Québec et l’avion de retour, je l’ai fini – presque d’une traite. Ce qui, au vu de la taille du bouzin, donne déjà une idée de sa qualité.

Autant ses romans « normaux » sont biens, mais sans plus, autant à la lecture de celui-ci ainsi que celle de Little Brother, j’ai l’impression que le créneau « jeunes adultes » sied particulièrement bien à Cory Doctorow : ses personnages ont de l’énergie à revendre, de l’intelligence et la touche de naïveté nécessaire aux vrais révolutionnaires (au sens noble du terme : ceux qui veulent changer les choses).

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« Les Arcanes du chaos », de Maxime Chattam

Il m’a fallu un certain temps pour oser attaquer ces Arcanes du Chaos, mini-pavé signé par le français Maxime Chattam et étiqueté « thriller », qui m’avait été offert par The Old Ben au cours de l’échange traditionnel de cadeaux rôlistes (et assimilés) connu sur Antonio Bay comme « Secret Santos ».

Le sujet en est une jeune femme parisienne au demeurant parfaitement banale, Yael Mallan, qui se retrouve à voire des ombres qui n’y sont pas dans les miroirs et recevoir des messages de mystérieux correspondants l’incitant à chercher la vérité derrière les apparences.

Vous l’aurez peut-être deviné, le thème du « Secret Santos » de cette année était les conspirations. Sujet qui m’amuse beaucoup, mais que je trouve souvent mal traité (et maltraité) dans les médias contemporains, qui semblent avoir décidé, depuis X-Files, que c’est très tendance.

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“Retromancer”, de Robert Rankin

Lorsque le jeune Jim Pooley, de Brentford (Grande-Bretagne), se réveille un beau matin de 1967 dans un monde où il est devenu impossible d’avoir un petit-déjeuner anglais et de la bière digne de ce nom pour cause de victoire nazie, il se dit que les choses ne sont pas comme elles devraient être, avec ce …

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“Routes et déroutes”, de Nicolas Bouvier

Après avoir lu tant de livres de Nicolas Bouvier ces derniers temps, j’ai lu Routes et déroutes, un livre sur Nicolas Bouvier. Il s’agit d’entretiens avec la journaliste Irène Lichtenstein-Fall, datant de 1991 et retranscrits co-écrits par l’auteur lui-même.

En fait, à leur lecture, on a un peu l’impression d’avoir droit aux bonus DVD, avec commentaires du réalisateur, le tournage du tournage et même les scènes coupées. À ceci près qu’autant je déteste les bonus DVD, autant j’ai trouvé ces entretiens passionnants.

Il faut dire qu’au moment où Nicolas Bouvier parle, quasiment tous ses voyages sont derrière lui et s’il revient sur ses premières pérégrinations, c’est avec presque cinquante ans de recul. Et puis, même quand il parle de lui, Nicolas Bouvier est toujours un grand écrivain au verbe parfois facétieux.

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« Le vide et le plein », de Nicolas Bouvier

J’ai profité du voyage en train vers Cannes pour me lire deux autres bouquins de Nicolas Bouvier, dont Le vide et le plein, l’autre ouvrage qu’il a écrit sur ses pérégrinations japonaises (le premier étant Chronique japonaise). Je soupçonne avoir pris les deux dans l’ordre chronologique inverse (contrairement à Thias, qui l’a chroniqué dans le bon ordre), mais, à la vérité, ce n’est pas très important.

Cette impression vient principalement du ton général de l’ouvrage : on sent, à sa lecture, qu’au moment où il écrit ces lignes l’auteur n’a pas encore réussi à prendre la pleine mesure du Japon et, surtout, des Japonais. En ce sens, c’est un ouvrage qui révèle un Nicolas Bouvier un peu désarçonné par ce peuple et ses coutumes aussi étranges – même pour un grand voyageur comme lui. Au contraire, Chronique japonaise et son introduction historique (probablement peu scientifique, mais qu’importe) marque une sorte de réconciliation.

Hormis ce détail, Le vide et le plein est un ouvrage très similaire : on y suit l’auteur dans sa vie quotidienne au Japon, dans les années 1964-1965, puis vers 1970. Il y a là des impressions de voyage, comme d’habitude, des excursions journalistiques dans des lieux plus ou moins connus, plus ou moins touristiques. Il y a également des instantanés de vie quotidienne : Nicolas Bouvier habite Kyoto, puis Tokyo, avec femme et enfants.

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