“The Art of Asking”, de Amanda Palmer

Moitié essai sur la place de l’art dans la société, moitié autobiographie, The Art of Asking d’Amanda Palmer n’est pas seulement intéressant et plaisant, c’est également et surtout un livre important, surtout si on s’intéresse à des modèles alternatifs, comme le prix libre.

Pour vous situer son auteur, elle est musicienne (50% des Dresden Dolls, plus une carrière solo), artiste de rue, strip-teaseuse et vendeuse de crèmes glacées (entre autres); c’est aussi une blogueuse émérite et elle est extrêmement active sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter. Accessoirement, c’est également l’épouse de Neil Gaiman.

The Art of Asking démarre sur la présentation qu’elle a faite lors d’une conférence TED. Du coup, je vous la mets là-dessous; regardez-là, elle est remarquable (et elle est dispo avec des sous-titres français, pour les allergiques).

Le livre est en fait un prolongement de cette présentation; au travers de son propre parcours personnel et professionnel, Amanda Palmer décrypte la place de l’art et de l’artiste dans la société et, surtout, comment les artistes, conditionnés par l’idéologie dominante du travail à tout crin, s’enferment dans des dilemmes qui, au final, les pénalisent.

Comme son titre l’indique, The Art of Asking propose un modèle qui repose sur la demande. En très résumé, plutôt que de partir du principe que l’art doit avoir des clients qui paient pour avoir accès à l’œuvre, Amanda Palmer – qui a eu une expérience assez désastreuse avec les maisons d’édition traditionnelles – propose de donner gratuitement lesdites œuvres et de demander à ceux qui les apprécient de contribuer.

La contribution peut prendre la forme de dons monétaires, bien sûr, mais des coups de main plus matériels sont également acceptables: Amanda Palmer raconte comment la plupart de ses tournées impliquent du “couchsurfing“, de demander à des parfaits inconnus un hébergement pour la nuit. Ou comment elle a pu obtenir les objets les plus improbables – de la robe de mariée à un ukulélé perdu – simplement en les demandant.

Bien évidemment, ce genre de résultats ne s’obtient pas sans rien faire: l’auteur a plus d’un million d’abonnés sur Twitter, un blog également très suivi et elle explique dans le livre qu’elle passe un temps conséquent à entretenir activement ce fan-club – au grand dam de nombreux managers successifs, qui n’ont jamais compris l’intérêt de la chose.

Elle raconte également que ce modèle n’a pas rencontré que de l’enthousiasme et que certaines de ses initiatives – comme l’utilisation du financement participatif ou l’invitation lancée à des musiciens bénévoles sur ses tournées – ont été mal perçues ou mal comprises. Rien de plus destructeur pour un artiste qui compte sur la confiance de ses fans de voir cette même confiance trahie ou remise en question.

Alors, certes, l’exemple d’Amanda Palmer n’est peut-être pas non plus celui d’une artiste lambda: il est difficile de comparer une musicienne à la renommée internationale à un musicien de la scène locale ou – pour donner un exemple au hasard – un obscur auteur de science-fiction procrastinateur.

Il n’empêche que j’ai trouvé dans The Art of Asking beaucoup de bonnes idées et, surtout, une inspiration majeure à continuer à explorer des modèles qui ne considèrent pas les lecteurs, auditeurs et/ou spectateurs comme de simples vaches à lait. Un artiste ne propose pas simplement des contenus, il propose surtout une relation. Internet a permis à cette relation de devenir plus personnelle, plus intime.

Il est un peu dommage que, si Amanda Palmer est une grande supportrice des licences Creative Commons, elle n’ait pas pu ouvrir ainsi le contenu de The Art of Asking, mais c’est un détail mineur. Je le répète: c’est un livre important et je vous le conseille avec enthousiasme.

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