Rétroclones

J’ai vraiment du mal avec le concept de nostalgie. J’ai beau écouter une musique qui prend sa source il y a quarante ans et être fan de steampunk, ce ne sont pas des passions qui s’appuient sur un quelconque regret d’une époque disparue et dont j’apprécie plus particulièrement les relectures contemporaines. En plus, la nostalgie, ça donne son nom à une radio de merde, donc non (on me dira que la courtoisie également, mais ce n’est pas le sujet, alors silence).

C’est pourquoi l’actuelle mode des rétroclones dans le jeu de rôle — surtout anglo-saxon — me laisse particulièrement froid. À l’origine, il s’agit d’un mouvement cherchant à recréer sous une forme libre (comme dans “licence libre”) des vieux systèmes plus édités depuis longtemps. Depuis, c’est devenu plus commercial et bon nombre d’éditeurs — notamment Wizards of the Coast/Hasbro, l’éditeur de Dungeons & Dragons — se sont lancés dans le créneau et rééditent des vieux jeux avec un minimum de changements.

Théoriquement, je suis le cœur de cible pour un tel mouvement: ludosaure, quadra, avec peu de temps libre et un pouvoir d’achat plus que décent. Seulement, les rétroclones évoquent en moi un style et un type de jeu que j’ai abandonné depuis vingt ans au moins et qui ne m’intéresse plus du tout. Certes, l’idée de jouer avec des systèmes simples, sans se prendre la tête, est clairement intéressante et il y a sans doute des bonnes idées oubliées à ressusciter dans ces vieux bouquins. Ce qui m’ennuie plus, c’est que c’est également le retour à un style de jeu “old school”, qui peut se résumer par le classique triptyque “porte-monstre-trésor”.

Been there, done that, burnt the t-shirt. En y repensant, c’est un style de jeu que j’ai abandonné à peu près au même moment où j’ai découvert qu’on pouvait faire la même chose en jeu vidéo, grâce aux jeux Rogue-like: Moria, Angband, Nethack et, plus tard, Diablo. Lorsque je joue au jeu de rôle, j’ai envie de faire autre chose que bâcher du monstre à la chaîne; à vrai dire, je m’amuse autant — voire plus — dans des parties sans baston qu’avec.

Là où ça m’inquiète un peu, c’est que j’ai l’impression que ce retour d’engouement pour les jeux des Temps Héroïques — à lier d’ailleurs avec la récente discussion sur l’Âge d’Or du jeu de rôle — est symptomatique d’une tendance plus lourde qui fait de la nostalgie un marché porteur. Certes, notre époque est plutôt morose, mais pas forcément pire que d’autres que j’ai connues (ah, les années 1980 et sa guerre nucléaire imminente…); je soupçonne cependant qu’il y a une tentation de la décrire comme plus noire qu’elle ne l’est précisément pour jouer sur “le bon vieux temps” et vendre des bouses surannées à des encore-jeunes qui sont déjà vieux dans leur tête.

Je crains également que cette tendance ait pour effet secondaire d’étouffer les rares velléités d’édition de jeux originaux et innovants au profit de vieilles marmites déjà rentabilisées. Reste à espérer que, comme toutes les modes, elle n’ait qu’un temps et que les éditeurs passent à autre chose. Parce que là, moi, je suis déjà nostalgique de la période avant les rétroclones…

(Photo Tobias Rütten via Wikimedia sous license Creative Commons share-alike.)

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11 réflexions au sujet de “Rétroclones”

  1. Simple ? Les rétroclones sont le retour en force des systèmes de règles où rien n’est régit de la même façon : combat au D20, test de compétence pour les classes qui en ont au D100, bonus de caractéristiques exprimé en +, en % ou en dés, système d’intéraction sociale sur 1D12…Ça ne simplifie rien, ça fait juste plaisir à une bande de rôliste qui peuvent dire “j’y étais” ou “je trouve cela simple”.
    Bref, j’ai passé 20 ans à acheter des systèmes sympa et simple à gérer, ce n’est pas pour racheter les bouses que j’ai abandonné avec joie ! Et en plus, les rétroclones, c’est souvent rétromoche…

    Ghislain, pas fan

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    • Il y a ça aussi. Tu noteras d’ailleurs que, bien souvent, “c’est simple” peut se traduire par “je sais le faire”.

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  2. Moi, ça me fait juste dire qu’on a réussi à fourguer le concept des jeux indie à ceux qui refusaient à toute force de s’y essayer, sans même qu’ils s’en rendent compte…

    Sinon, quand tu dis que WotC s’est mis à refourguer des resucées de jeux obsolète, je te répondrais qu’ils n’ont jamais cessé de fourguer des resucées du même jeu obsolète… Tout comme Microsoft avec Windows, ou SAP avec SAP 😉

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  3. Je n’ai eut entre les mains ni l’original de Dark Sun, ni sa version D&D4 … C’est ca que vous appelez un rétro-clone … ou alors c’est plus un terme s’appliquant au système qu’à l’univers (je n’ai pas vu non plus à quoi ressemble la nouvelle mouture de Warhammer, mais j’imagine qu’il en fait partie …)

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  4. En effet, les rétroclones ne sont peut-être pas si simples, mais pour celui qui aura joué à D&D4 et aura lu ensuite les 6 pages de règles de Microlite, on ne peut qu’admettre que c’est plus simple !
    Avec mes amis semi-virtuels on songeait justement à lancer une partie avec ces règles allégées et gratuites pour permettre à nos autres amis semi-virtuels et adeptes de MMO de s’y mettre sans devoir dépenser des $$$ en gros livres ennuyeux. De ce point de vue là, ces règles sont donc plutôt bienvenues.
    Mais ou je te rejoins entièrement Alias c’est qu’un retour à ces systèmes ne devrait pas s’accompagner d’un retour au PMT, mais ceci est envisageable et dépend simplement de la manière dont on envisage la campagne. D’ailleurs, là on vient de finir un scénar commerial D&D4, donc récent, et c’est toujours PMT à fond et même si on s’est bien amusé on va continuer sur autre chose.
    Bref, je trouve que les jeux simples et gratuits ont quand même leur utilité en tant que mécanisme, mais ensuite aux MJ et joueurs de les utiliser dans la forme qu’ils préférent.

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    • Le problème est que, à mon avis, les systèmes old school vont précisément de pair avec le PMT. C’est juste conçu pour ça.

      Alors évidemment, c’est toujours possible de faire autre chose, de même qu’on peut transformer un scénario Cthulhu en gun-fest façon John Woo et faire du Toon à Vampire, mais ça signifie juste jouer malgré — voire contre — le système.

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  5. Quelle drôle d’idée, surtout au vu des jeux séléctionnés… j’aurais pensé à une réédition d’univers qui furent chouette -par hasard Empire Galactique ou Dragonlance- mais rééditer des dinosaures aux règles absconse qui sont au JdR ce que Ultima 1 est au RPG console et ordi, je vois pas tant le but?

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  6. Autant je suis habituellement un défenseur de D&D – tout en étant critique, D&D4 ne me convient pas même si je le trouve intéressant- autant j’ai l’impression que la vague des rétroclones ne fait qu’achever le travail de sape de la vague des MMORPG qui ont pérennisé le PMT.
    Même s’il faut rendre à D&D l’invention du genre, l’esprit PMT reste trop souvent la réalité des tables de jeu et ceci quelque soit le système. C’est une façon facile et basique de construire une aventure en garantissant de l’action et au vue du succès de WoW et consorts ça suffit à beaucoup pour jouer des années…
    On peut faire du roleplay et des histoires subtiles avec n’importe quel système, c’est juste un état d’esprit.

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