Kristin Arroyo, ancienne militaire américaine impliquée dans le mouvement Occupy Wall Street, découvre par hasard des clichés inédits de Marilyn Monroe. Cette découverte ne va hélas pas passer inaperçue. Ainsi commence Manhattan Marilyn, thriller de Philippe Laguerre (a.k.a Philippe Ward).
C’est sur la recommandation de mon excellent collègue Julien Heylbroeck, bi-classé rôliste / vrai écrivain, que j’ai découvert ce roman. Sa chronique était très enthousiaste, mais je dois avouer que je le suis nettement moins après avoir lu le bouquin.
Commençons par les points positifs: Manhattan Marilyn est un page-turner efficace. Malgré tous les autres points négatifs, j’ai eu envie de connaître la suite et je l’ai fini somme toute assez rapidement. Pour un thriller, c’est plutôt une bonne chose.
Les personnages tiennent la route et sortent des créneaux habituels: Kristin est une militaire latino, dégoûtée par la conduite de la guerre en Irak et active au sein de Occupy Wall Street, dont l’auteur fait revivre les derniers instants, et son vis-à-vis Michael Pear est un milliardaire “éthique”.
L’histoire est aussi intéressante – je ne vous la dévoilerai pas ici, mais elle est assez facile à deviner. À vrai dire, ce dernier point est un souci majeur tout au long du texte: il y a beaucoup d’éléments de l’intrigue de ce roman qui sont faciles à deviner – à commencer par le fait que deux des protagonistes vont coucher ensemble.
Le problème majeur, c’est que le complot derrière toute l’histoire nécessite une suspension d’incrédulité majuscule. Il fait basculer le ton du thriller contemporain (semi-)réaliste au pulp, mais sans jamais l’assumer. D’ailleurs, il intervient à mon avis trop tard pour cela.
J’aurais eu des choses à dire sur le découpage en parties (qui n’apportent à mon avis rien) et en chapitres, qui se terminent souvent de façon abrupte, mais je me suis aperçu que ça donnait un côté feuilletonnesque au bouquin, qui n’était somme toute pas désagréable.
Néanmoins, ce découpage renforce mon impression que Manhattan Marilyn ne sait pas vraiment ce qu’il se veut. Avec sa révélation aux limites du merveilleux scientifique, son côté conspirationniste et ses adversaires de haut niveau, il aurait pu faire un chouette bouquin de pulp contemporain.
En restant par ailleurs dans les codes du thriller, il rate une occasion et cause ainsi une forme de dissonance cognitive chez le lecteur – enfin, chez moi, en tout cas. Manhattan Marilyn n’est pas un mauvais roman, mais je le trouve un peu le cul entre deux chaises et ça me dérange.
Pour conclure, j’ai un peu du mal à recommander ce livre. Comme mentionné, il n’est pas mauvais, mais il ne m’a pas vraiment enthousiasmé.
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Ouais, enfin, d’un autre côté, que deux protagonistes couchent ensemble c’est quand même assez fréquent dans les romans et autres. 😛
Ouais, mais là, le plan “la jeune femme militante et le milliardaire éthique qui se détestent au premier coup d’œil et finissent dans le même lit cent pages plus tard”, ça fait un peu gros quand même.
Là aussi, c’est peut-être une question de genre. Dans une romance, par ex, ce serait complètement assumé. En fait, si tu ne comprends pas tout de suite qui sont les futures parties du couple, la romance est ratée (donc pas de triangle amoureux en romance, sauf si c’est supposé se finir en ménage à trois).
Mais si l’accent est mis sur le thriller qui se veut haletant, ça peut sonner faux… Je ne sais pas, à voir. Il existe aussi des romances/thrillers; j’en ai d’ailleurs un sur ma table de nuit que je pensais commencer bientôt.
Je pense que, dans un livre, le plus important n’est pas “quoi”, mais “comment”. Personnellement, j’ai l’habitude de lire les spoilers, ça ne me gêne absolument pas. Parfois, je lis aussi la fin avant le milieu; si ça gâche ma lecture, c’est un signe sûr que le livre ne vaut pas la peine d’être lu… Inventer des péripéties que le lecteur ne pouvait pas voir venir, c’est facile; ce qui est difficile, c’est de rendre la péripétie plus intéressante à lire qu’à simplement connaître (sinon, à ce prix-là, on lit des digests, des synopsis, et hop! on a l’histoire sans avoir à se taper tout le bouquin). De même, l’intérêt premier d’une peinture n’est pas de savoir ce qui est représenté (et le fait que ce soit évident n’est pas supposé gâcher l’expérience), mais la façon dont cela est accompli, l’effet que cela a sur nous, et ce que la représentation dit (consciemment ou inconsciemment) du représenté et du représentant (le peintre). Enfin, c’est ma vision; je réalise qu’elle est peut-être particulière.
(Pourquoi mes commentaires finissent-ils tjs par être aussi longs? Je jure que je ne fais pas exprès.)