« Les Futurs Mystères de Paris », tome 1, de Roland C. Wagner

Ça fait un petit moment que je n’avais pas écrit de chronique littéraire. J’ai, sinon une excuse, du moins une explication: j’étais en train de lire le premier tome de l’intégrale Les Futurs Mystères de Paris, de Roland C. Wagner. Mille deux cents pages, ça ne s’avale pas comme ça.

La série tourne principalement autour de son héros détective privé, Tem. C’est un raccourci pour Temple Sacré de l’Aube Radieuse, un nom pas forcément inhabituel dans ces années 2060 où les sectes les plus bizarres ont pignon sur rue.

Tem possède un pouvoir étonnant: la Transparence. Ce qui signifie que les gens ont tendance à ne pas le voir; c’est bien pour les filatures, moins bien pour se faire servir au restaurant. Plus gênant: cette invisibilité concerne également les écrits et même le numérique. Y compris les documents officiels, comme les baux de location, ou les publicités pour son agence, voire les coups de téléphone.

Cette Transparence – qui ne fonctionne de façon plutôt erratique – est la raison derrière un accessoire du personnage, devenu depuis le signe de ralliement des fans de la série: le borsalino vert fluo. En effet, quand il veut être « perçu » par ses contemporains, Tem s’habille de la façon la plus voyante possible et les gens se souviennent plus facilement de son chapeau que de lui.

Qui dit détective, dit enquêtes. Sauf que, dans le Paris des années 2060, la violence a énormément reflué. Suite à un événement connu comme la Grande Terreur primitive, l’humanité s’est assagie et les meurtres sont très rares. Ce qui n’empêche pas Tem de régulièrement tomber sur des cadavres.

En fait, cette Terreur, qui a eu lieu cinquante ans auparavant, est le fil rouge de ces Futurs Mystères de Paris. C’est à la fois la genèse du monde, mais aussi celle de Tem et de son pouvoir bizarre – et aussi de beaucoup de ses enquêtes.

À ce sujet, je vous avais déjà fait part de ma lecture des « œuvres de jeunesse » de Roland C. Wagner, publiées sous le titre Histoire du futur proche. J’en étais ressorti avec des sentiments contrastés.

D’un côté, c’est pas mal décousu pas toujours très maîtrisé, avec un style parfois maladroit, assez typique des Fleuve Noir Anticipation de l’époque. De l’autre, il y a une résonance très moderne dans les thèmes, que ce soit une nature qui se délite sous les yeux des protagonistes ou la disparition des États-Unis dans une guerre civile. Surtout comme je l’ai lu au moment de l’élection présidentielle US, fin 2020.

J’avais aussi mentionné le troisième tome, paru sous le titre Le Faisceau chromatique. Lui aussi très bordélique, il avait quelques points d’ancrage avec les précédents.

En lisant Les Futurs Mystères de Paris, j’ai eu le plaisir de retrouver énormément d’éléments de cette Histoire du futur proche. Je parle de plaisir, parce que ça contribue à placer ces ouvrages dans un contexte beaucoup plus vaste. Il y a du coup un côté « grand-œuvre » à l’ensemble qui lui donne une cohérence remarquable.

En plus de cela, les histoires individuelles sont plutôt bien montées et très agréables à lire. En utilisant les contraintes du roman policier – Tem lui-même fait régulièrement référence à Nestor Burma – j’ai l’impression que Roland C. Wagner a su resserrer son écriture et gommer les défauts de ses premières œuvres.

Bon, ça reste pas mal fumé – parfois littéralement, quand apparaît Ramirez, le seul pote de Tem qui ne l’oublie jamais. Il y a des univers parallèles, un cochon qui vénère le rock’n’roll, une harpie, des intelligences artificielles anarcho-syndicalistes, un dragon vert et des restaurants végétariens. Et on y retrouve bien sûr l’amour immodéré de l’auteur pour les musiques bruyantes.

Mais honnêtement, j’ai vraiment apprécié cette lecture. Quelque part, je ne m’y attendais pas vraiment: je suis loin d’être un grand grand fan de ce qu’a écrit l’auteur. Dans ce que j’ai lu de lui, il y a eu du très bon (Rêves de Gloire) et du très moins bon (Aventuriers des étoiles). Là, pour le coup, je comprends mieux l’engouement pour cette série.

Cette nouvelle intégrale, parue chez L’Atalante et rehaussée de quelques dessins signés Caza, vaut le détour. Et, vu la taille du bidule, c’est un gros détour…

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