Les Damnés de l’Asphalte, nouveau roman de Laurent Whale, c’est un road-movie sur les routes d’une Europe en pleine déliquescence après un effondrement sociétal majeur, avec quatre voyageurs qui partent à la recherche de leurs frères d’armes (voire frères tout court), disparus au-dessus de l’Espagne pendant un vol de reconnaissance.
Les Damnés de l’Asphalte, c’est un peu “Les Étoiles s’en Balancent: Next Generation”: les héros du premier tome – Cheyenne le hors-murs et Tom Costa – sont encore là, mais respectivement en mentor et comme inspiration. La relève est là, ainsi que la suivante – et, finalement, la suivante aussi. Dans un monde qui a perdu son avenir, ils sont la preuve que la vie continue.
Comme son prédécesseur, ce tome-ci se lit à grande vitesse: les 400 pages sont englouties en quelques jours à peine. On a envie de voir le bout du voyage. L’ambiance post-apo est toujours aussi prenante, avec son lot de villes et villages dévastés, ses communautés plus ou moins accueillantes, mais jamais complètement noires ou blanches.
Ajoutez à cette ambiance l’écueil de la langue, rendu par des dialogues en espagnol parfois non traduits, pour un surcroît de dépaysement. Cela dit, j’aurais pu penser qu’en près d’un siècle, dont cinquante ans d’effondrement civilisationnel, le langage aurait pu évoluer vers une forme encore moins compréhensible, mais je pinaille.
S’ajoute l’oppressante présence d’une mer Méditerranée polluée à un stade terminal, un gouille huileuse et mortelle où pourrissent les derniers vestiges de l’architecture navale, et les paysages touristiques décatis qui me rappellent mes récentes expériences andalouses. Le post-apo, c’est maintenant! Et d’ailleurs, on retrouve les brefs extraits de documents d’archive de l’Avant – et parfois de l’Après – qui relient notre présent à celui des personnages.
Le principal problème du premier tome – une fin un peu vite bâchée – est ici évité. Il faut aussi dire que les enjeux sont moindre que dans Les Étoiles s’en Balancent. Et si on pourrait reprocher à cette conclusion de pêcher par excès d’optimisme, après un tel voyage étouffant, ce n’est pas plus mal. Je ne suis non plus pas très enthousiaste sur l’antagoniste final, qui fait un peu trop “SF” au milieu l’ambiance post-apo: même si ça reste raisonnablement crédible, ça fait une fracture un peu sèche avec le reste du récit.
Cela dit, c’est très mineur, ce d’autant plus que l’intérêt est dans le voyage, moins dans la destination. Et là, on en a clairement pour son argent, avec une tension constante, des personnages attachants, des explosions de violence tout aussi soudaines que les instants de grâce et de beauté qui apparaissent au coin d’une page.
Si vous aimez les romans post-apo, plus particulièrement la trilogie de L’Autoroute sauvage de Gilles Thomas/Julia Verlanger, ou que vous avez aimé Les Étoiles s’en Balancent, Les Damnés de l’Asphalte est une bonne occasion pour se replonger dans cette ambiance. Je vous le recommande donc.
D’autres avis sur La Prophétie des Ânes, Encre et Calames et sur Un papillon dans la lune.
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Jâvais adoré l’autoroute sauvage (je crois que c’est toi qui m’en a parlé), je risque d’adorer aussi.
Cette fois, tu as été bien meilleur public que moi. :-\
(pour mémoire et en beaucoup plus laconique : http://blogs.bl0rg.net/imaginos/2014/03/17/kro-en-resume-les-damnes-de-lasphalte/ )
Ah oui, je me disais bien que je l’avais lu ailleurs que chez les Suspects Habituels de Planète SF.
En effet, plus enthousiaste. Je suppose qu’il y a une question de contexte (j’avais lu “Les Étoiles s’en Balancent” après “Premières mesures révolutionnaires” et l’effet miroir était frappant, plus le fait que je suis fan de “L’Autoroute Sauvage”).